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Mathilde Panot
Question N° 7134 au Ministère de la justice


Question soumise le 11 avril 2023

Mme Mathilde Panot interroge Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, sur l'introduction du droit à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. En effet, le droit des femmes à disposer de leur corps est menacé en Europe comme dans le monde. La décision de la Cour suprême des États-Unis d'Amérique a fait l'effet d'une onde de choc : à ce jour, 10 États ont interdit l'accès à l'avortement sans exception et 5 États ont considérablement durci les conditions d'accès à ce droit. Afin de se prémunir de toute régression en France, Mme la députée a déposé une proposition de loi constitutionnelle à l'Assemblée nationale, adoptée le 24 novembre 2022, jour de la niche parlementaire du groupe La France insoumise-NUPES. Cette proposition de loi fut ensuite adoptée au Sénat en des termes différents, le mercredi 1er février 2023, jour de la niche parlementaire du groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER). Ces deux votes représentent une victoire pour l'intérêt général, le droit à l'avortement dans la Constitution étant soutenu par une majorité de Français (81 %), comme l'atteste un sondage Ifop datant de juillet 2022. Il s'agit également d'une victoire notable pour le mouvement associatif et féministe, mobilisé depuis des années sur cette question. L'introduction du droit à l'avortement dans la Constitution ferait de la France une nation pionnière : aucun État dans le monde n'a consacré dans son texte suprême le droit des femmes à disposer de leur corps. Le Président de la République a annoncé, lors de la journée du 8 mars 2023, son souhait d'introduire ce droit dans la Constitution par le biais d'un projet de loi, en exprimant sa préférence pour la rédaction sortie des débats au Sénat. D'après les informations données par l'Élysée dans la presse, il s'agirait d'inclure cette disposition dans une révision constitutionnelle globale. Mme la députée rappelle, d'une part, que la rédaction votée à l'issue des débats au Sénat ne permettrait pas de répondre à l'objectif poursuivi, c'est-à-dire garantir une non-régression de ce droit. Elle rappelle, d'autre part, que le véhicule législatif choisi serait le meilleur moyen d'en faire échouer l'adoption. En effet, il n'est pas souhaitable que l'inscription de ce droit dans la Constitution, synonyme de progrès humain, soit mêlé à l'examen de mesures d'organisation des institutions. Le droit à l'IVG ne peut être instrumentalisé à des fins politiciennes. De plus, une révision constitutionnelle globale affaiblirait la majorité trouvée dans les deux chambres, qui ont exprimé leur souhait d'inscrire ce droit dans la Constitution. Afin de garantir réellement les conditions d'adoption de ce texte et de permettre ainsi de sécuriser un droit pour des millions de femmes, elle lui demande à ce qu'un projet de loi ad hoc, portant exclusivement sur cette question, soit présenté au Parlement, et souhaite connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet.

Réponse émise le 12 décembre 2023

L'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis du 24 juin 2022 Dobbs vs Jackson Women's Health Organization a fait apparaître que la protection de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), quand elle relève de la seule œuvre jurisprudentielle d'une cour constitutionnelle, peut ne pas être irréversible ou suffisamment protectrice. En France, l'interruption volontaire de grossesse est consacrée au niveau législatif depuis 1975 et bien que le Conseil constitutionnel l'ait rattachée à « la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » (Cons. Const., 27 juin 2001, n° 2001-446 DC), elle ne bénéficie d'aucune consécration explicite dans le texte de la Constitution. C'est ainsi qu'entre les mois de juin et de septembre 2022, six propositions de loi constitutionnelle visant à constitutionaliser l'interruption volontaire de grossesse ont été déposées sur les bureaux des deux assemblées. Très tôt, le Gouvernement a exprimé son soutien aux initiatives parlementaires. Ce fut notamment le cas le 19 octobre 2022, lors du rejet par le Sénat de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, déposée par Madame la sénatrice Vogel. La première étape vers une constitutionalisation de l'interruption volontaire de grossesse a été franchie le 24 novembre 2022. L'Assemblée nationale a adopté à une large majorité la proposition de loi constitutionnelle présentée par Madame la présidente Panot. À l'issue de riches débats et face à l'importance de cet enjeu, une majorité transpartisane soutenue par le Gouvernement a voté la création d'un nouvel article 66-2 de la Constitution aux termes duquel « la loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse ». Le 1er février 2023, le Sénat a également adopté cette proposition dans une version de compromis issue d'un amendement déposé par Monsieur le sénateur Bas. Ce texte modifie l'article 34 de la Constitution et prévoit que « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ».  Le 8 mars 2023, à l'occasion de l'hommage national à Gisèle Halimi et de la journée internationale du droit des femmes, le Président de la République a renouvelé son attachement à la constitutionalisation de l'interruption volontaire de grossesse. Il a annoncé qu'un projet de loi constitutionnelle inscrira dans notre loi fondamentale la liberté des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Dans cette optique, un projet de loi constitutionnel sera présenté au Conseil des ministres le 13 décembre 2023.

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