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Damien Maudet
Question N° 7114 au Ministère de la santé


Question soumise le 11 avril 2023

M. Damien Maudet interpelle M. le ministre de la santé et de la prévention sur le plafonnement des tarifs de l'intérim médical. « Idéalement, il faudrait se passer de cet intérim. Mais dans les conditions actuelles, ce n'est pas possible, sauf à mettre en péril l'hôpital public », résume Christel Baldet, infirmière anesthésiste et vice-présidente du collectif Santé en danger. En effet, d'après les premières estimations, près de 60 hôpitaux et des centaines de services du pays sont menacés de fermetures par l'entrée en vigueur de la réglementation stricte des rémunérations des tarifs pour les praticiens intérimaires. Fermetures de lits massives, dégradation des conditions de travail, horaires de gardes à n'en plus finir, manque de valorisation et salaires stagnants. Ce cumul a fini de dégoûter les soignants des hôpitaux publics. Par ses politiques de restrictions perpétuelles, le Gouvernement méticuleusement organisé la casse de l'hôpital public et de ce fait encouragé les départs vers l'intérim ou le privé. « Il faut voir les conditions infernales dans lesquelles on exerce quand on est dans le public. On ne nous donne pas les moyens d'effectuer notre travail correctement, avec des horaires qui empêchent toute vie extérieure. Je suis pour un service public du soin, un accès pour tous à la santé, mais trop c'est trop, je suis partie dans le privé. Comme beaucoup de mes collègues », atteste Claire, médecin pédiatre. Les intérimaires sont devenus le traitement symptomatique d'un hôpital que le Gouvernement a rendu malade. D'après le conseil national de l'Ordre des médecins, ils étaient 6 000 en 2013 et plus de 12 000 en 2022. Rien que pour la période 2019 et 2022, le recours à l'intérim a augmenté de 69 %. Un traitement qui s'est transformé en addiction. « On est devenu addicts à l'intérim médical, il nous permet de remplir nos plannings, de faire tourner nos blocs, de combler le manque de professionnels titulaires », raconte Frédéric Mazurier, directeur du centre hospitalier d'Amboise. Pour cause, trop peu souhaitent être titularisés et l'hôpital est même devenu un cauchemar pour beaucoup. Ces établissements y sont tellement accrocs, qu'en octobre 2021, Jean Castex et Olivier Véran, respectivement chef du Gouvernement et ministre de la santé à l'époque, avaient reporté la mise en application de la loi Rist. Pour éviter des fermetures de service. Elle est désormais entrée en vigueur. L'hôpital va-t-il mieux qu'en 2021 ? Non. Évidemment que non. Les médecins continuent de partir. Cet été, des urgences ont fermé. Cet hiver, dans des couloirs, des bébés ont été intubés. Les plans blancs se sont succédé. Et le budget pour les hôpitaux n'a pas augmenté. Faut-il plafonner les revenus de l'intérim médical ? Oui. Est-ce tout ? Non ! En faisant cela uniquement, vous poussez les médecins intérimaires vers le privé lucratif. La preuve par les chiffres, 92 % des intérimaires médicaux n'iront plus dans le public selon une consultation du Syndicat des médecins hospitaliers remplaçants. « La grande majorité d'entre eux va prendre des vacances, car ils se sentent épuisés. D'autres vont travailler dans le privé », confirme au Point l'un des porte-parole, le docteur Éric Reboli. En faisant cela uniquement, vous ne réglez pas les causes, le Gouvernement ne fait rien pour améliorer les conditions de travail à l'hôpital : pas de hausses de salaires, pas de ratios, rien ! Il lui demande s'il envisage d'une part d'encadrer les salaires dans le privé et d'autre part de s'attaquer aux causes de l'intérim, à savoir, les conditions de travail, ou s'il va laisser l'hôpital public mourir au profit du privé.

Réponse émise le 11 juillet 2023

Outre son impact financier majeur sur les budgets des établissements de santé, un recours dérégulé à l'intérim médical, hors du cadre réglementaire, engendre une déstabilisation des services hospitaliers et des équipes médicales et soignantes susceptible de nuire à la qualité des soins. La fragilité de la démographie médicale dans certains territoires génère ainsi une tension sur le marché de l'emploi médical et une forte concurrence entre établissements pour l'accès aux ressources humaines médicales rares, favorisant ces pratiques dérégulées. Les dispositions de l'article 33 de la loi Rist du 26 avril 2021 visant à lutter contre les dérives de l'intérim sont entrées en vigueur depuis le 3 avril 2023. Elles permettent, d'une part, aux comptables publics de bloquer les rémunérations des contrats d'intérim médical dépassant le plafond réglementaire ou ne respectant pas les conditions fixées par la réglementation et, d'autre part, aux agences régionales de santé de déférer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers dont les montants excèdent les plafonds réglementaires, conclus avec des entreprises de travail temporaire ou directement conclus entre praticiens et établissements publics de santé. La mise en œuvre de ces contrôles comptables a donc vocation à remettre de l'équité dans les équipes et les conditions de rémunération des praticiens, à stopper les dérives constatées, compte tenu de la concurrence pouvant exister localement entre établissement pour recruter dans certaines spécialités en tension. Il s'agit également de remettre de la transparence et de l'équilibre dans la gestion des ressources humaines médicales. Il convient, par ailleurs, enfin de noter que l'ensemble des fédérations d'établissements de santé, publics et privés, ont signé une charte d'engagement commune en faveur de l'application de ces contrôles (FHF, FEHAP, Unicancer, FHP, FNHAD). Des travaux préparatoires à la mise en œuvre de ces contrôles ont été conduits depuis l'automne 2021, au niveau national et régional, en vue d'établir des diagnostics territoriaux par spécialités en lien avec les différents acteurs des territoires. Ces diagnostics territoriaux, réalisés par les agences régionales de santé en lien avec les établissements de santé, sont régulièrement actualisés depuis le mois de mars 2023. Ils sont suivis de près par les services ministériels et ont permis d'anticiper la mise en œuvre des contrôles et de rechercher des solutions adaptées à chaque territoire pour assurer le maintien de la continuité des soins. Des difficultés ponctuelles et localisées existent néanmoins, mais elles préexistent la plupart du temps à la mise en œuvre des contrôles de l'intérim médical. L'application de la loi Rist a pu avoir pour effet d'aiguiser ces tensions et difficultés locales (suspension partielle ou totale de certaines activités / fermetures à certaines dates ou restrictions horaires). Un état des lieux pour anticiper l'organisation de l'offre pour l'été est prévu en lien avec les agences régionales de santé. Ces mesures de contrôle s'accompagnent également de mesures d'attractivité vis-à-vis des praticiens. Ainsi, en décembre 2021, une prime de solidarité territoriale (PST) visant à encourager les remplacements de praticiens entre établissements publics de santé au-delà de leurs obligations de service par la mutualisation des ressources humaines médicales à l'échelle d'un territoire a été créée. Elle permet par exemple de rémunérer environ 1 700 € brut un praticien qui réaliserait 24h de travail un dimanche dans un autre établissement. Ce dispositif a été revalorisé et assoupli pour faciliter son accès. Désormais, le directeur général de l'agence régionale de santé peut majorer ces montants dans la limite de 30%. En outre, le plafond de l'intérim médical pour les praticiens salariés d'une entreprise de travail temporaire et mis à disposition d'un établissement public de santé a été revalorisé à 1389,83 euros bruts pour 24h. Enfin, la majoration des indemnités de garde de 50% a été prolongée jusqu'au 31 août 2023. Toutes ces mesures visent donc à accompagner les établissements dans une période de tension sur l'offre de soins et à soutenir les professionnels des établissements publics de santé. L'application de la loi RIST doit permettre d'engager une réflexion sur les enjeux d'attractivité et de fidélisation des personnels médicaux. Conformément aux annonces du Président de la République lors de ses vœux aux soignants en janvier 2023, une concertation autour des enjeux de permanence de soins, de l'évolution des carrières hospitalières et d'amélioration des conditions de travail des praticiens se tiendra d'ici l'été. Cette concertation doit s'inscrire dans la continuité du rapport que l'inspection générale des affaires sociales a rendu sur cette question à la fin du mois de mai 2023.

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