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Jean-Louis Thiériot
Question N° 6993 au Ministère de la santé


Question soumise le 4 avril 2023

M. Jean-Louis Thiériot alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur la gravité des conséquences des décisions rendues par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé relatives aux médicaments innovants pour le traitement des malades du myélome multiple. Le myélome multiple est un cancer de la moelle osseuse à l'issue souvent fatale dont sont atteintes trente mille personnes en France. L'apparition ces dernières années de médicaments innovants qui permettent aux malades de vivre plus longtemps dans des conditions tout à fait acceptables a suscité un véritable espoir dans la communauté scientifique et chez les patients. En particulier pour les malades atteints par une forme agressive de la maladie, pour ceux en rechute ou réfractaires à tous les traitements classiques, cette innovation représente leur seule chance de survie. Pourtant, malgré l'autorisation de la mise sur le marché de ces médicaments innovants de la catégorie des « CAR T cells » et des « bispécifiques » par l'Agence européenne des médicaments (EMA), des décisions de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé menacent leur disponibilité effective. En cause, l'application d'une doctrine obsolète pour l'évaluation de l'amélioration du service médical rendu (ASMR) selon laquelle il est indispensable de comparer les résultats obtenus par le nouveau traitement avec ceux d'un groupe de malades soignés avec « le traitement standard en vigueur » appelé « bras comparateur ». En l'absence de ce bras comparateur - ce qui est le cas pour les malades dont la maladie continue de progresser, ayant eu au moins trois lignes de traitement, en échec thérapeutique, donc ayant épuisé tous les autres traitements - la commission de la transparence considère systématiquement qu'il n'y a pas d'amélioration du service médical rendu, en dépit des résultats scientifiques avancés. Cette attribution d'une ASRM au plus mauvais niveau a pour effet immédiat d'empêcher le remboursement du médicament par la sécurité sociale et par conséquent son utilisation par les centres hospitaliers. Pour les malades actuellement les plus atteints, l'absence de revirement de la commission de la transparence de la HAS signe leur arrêt de mort dans un délai très court. M. le député insiste donc auprès de M. le ministre sur le caractère urgent et vital d'un abandon par la Haute Autorité de santé de cette doctrine obsolète qui produit à court et moyen terme des effets délétères sur l'accès aux médicaments innovants ainsi qu'en témoigne la décision du laboratoire Janssen d'arrêter en France la mise à disposition du « CAR-T Cells Carvikty » suite à l'attribution d'une ASMR de niveau 5 par la CT de la HAS. Face au travail incessant de recherche des laboratoires, à l'investissement sans faille des médecins français spécialistes du myélome, regroupés au sein de l'Intergroupe francophone du myélome (IFM) et à l'implication de nombreux malades dans les essais cliniques, les décisions de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé représentent un incompréhensible et dramatique retour en arrière, condamnent l'innovation médicale en France et, surtout, entraînent une perte considérable de chance de survie pour les malades du myélome multiple. Il lui demande donc s'il va intervenir en urgence aux fins de modification de la position de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé en faveur des médicaments innovants dans le traitement du myélome multiple.

Réponse émise le 27 juin 2023

En premier lieu, il faut relever que les spécialités ABECMA® (idecabtagene vicleucel), CARVYKTI® (ciltacabtagene autoleucel) et TECVAYLI® (teclistamab) ont bénéficié d'autorisations de mise sur le marché (AMM) conditionnelles délivrées par la Commission européenne à un stade précoce de leur développement. Ces trois spécialités ont fait l'objet après l'octroi de leurs AMM, d'autorisations d'accès précoce par la Haute autorité de santé (HAS) sur la base de la reconnaissance d'une présomption d'innovation en l'absence de traitements appropriés, qui ont permis aux patients français de bénéficier de ces traitements de façon anticipée. Lors de l'évaluation de ces spécialités en vue de leur inscription au remboursement, la Commission de la Transparence de la HAS n'a pas été en capacité, faute de données cliniques suffisantes compte tenu du stade précoce de leur développement, de leur reconnaître une amélioration du service médical rendu (ASMR V). Pour mieux répondre aux enjeux d'accès au marché de médicaments à un stade précoce de leur développement, la commission de la transparence de la HAS a fait évoluer sa doctrine en février 2023. La nouvelle approche proposée, recherchant l'équilibre entre développement clinique accéléré et maitrise du niveau d'incertitudes au bénéfice des patients. Si, pour démontrer la preuve de l'efficacité d'un médicament, l'essai randomisé en double aveugle reste le standard, donc à privilégier, la HAS introduit la possibilité d'intégrer des données moins consolidées à condition qu'elles permettent la comparaison avec les traitements disponibles. En effet, seule la comparaison permet de se prononcer sur la valeur ajoutée d'un nouveau traitement. L'objectif est de permettre l'accès au remboursement de produits immatures, tout en maintenant un niveau d'exigence de qualité acceptable. L'utilisation de ces trois médicaments étant limitée au milieu hospitalier, l'octroi d'un niveau d'ASMR V par rapport à des comparateurs non-inscrits sur la liste des spécialités prises en charge en sus des prestations d'hospitalisation ne permet pas leur inscription sur cette même liste. Ces traitements font donc l'objet d'une prise en charge par la solidarité nationale au travers de leur accès précoce puis devraient bénéficier d'un financement au sein des groupes homogènes de séjour au regard de leur évaluation par la commission de la Transparence. La prise en charge dans le droit commun de ces spécialités par l'Assurance maladie au travers de la liste en sus requière en effet une démonstration de leur plus-value clinique. Elle n'a, en l'état actuel des données déposées par les industriels, pas pu être démontrée. Ces difficultés ont été identifiées par mes services qui s'emploient à trouver des solutions qui doivent répondre aux différents enjeux de sécurité et d'intérêt thérapeutique pour le patient et de soutenabilité pour la solidarité nationale. S'agissant d'ABECMA®, l'autorisation d'accès précoce a été renouvelée et ce médicament continue de bénéficier d'une prise en charge dans ce cadre, dans l'attente de sa réévaluation prochaine par la Commission de la Transparence sur la base des données complètes attendues dans le cadre de l'AMM conditionnelle. Pour ce qui concerne CARVYKTI®, le laboratoire a fait le choix de retirer sa demande de prise en charge dans le cadre du droit commun. L'autorisation d'accès précoce de la spécialité TECVAYLI® quant à elle, est toujours en cours. Enfin, il faut relever que la spécialité ELRANANTAMAB PFIZER® (elranantamab), dont l'instruction de l'AMM européenne est en cours, est d'ores et déjà accessible aux patients français sur la base d'une autorisation d'accès précoce que la HAS a accordé le 2 février 2023 à la demande du laboratoire.

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