M. Antoine Léaument alerte M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la multiplication des arrêtés préfectoraux à Paris, qui constitue une atteindre au droit fondamental de manifester. Le mardi 21 mars 2023 sur BFMTV, M. le ministre a menti à des millions de Français en affirmant qu'« être dans une manifestation non déclarée est un délit [et] mérite une interpellation ». Il a menti car, en juin 2022, la Cour de cassation a rappelé que « nul ne peut être puni pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par un règlement » et qu'« aucune disposition légale ou réglementaire n'incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée » (Crim. des 8 et 14 juin 2022, n° 21-82.451 et n° 21-81.054). Suite à ses mensonges, il a fallu à M. le ministre trouver tous les stratagèmes possibles pour réprimer le mouvement social contre la réforme des retraites. En effet, après des centaines de gardes-à-vue arbitraires, M. le ministre a eu une nouvelle idée, avec la préfecture de police de Paris : des arrêtés préfectoraux interdisant « tous les cortèges, défilés et rassemblements annoncés ou projetés non déclarés » dans la majorité des rues et places de la capitale, avec à la clé des amendes de 135 euros. C'est une atteinte grave au droit de manifester. Ces manifestations spontanées sont en effet le lieu d'expression de la jeunesse. Par ces arrêtés à répétition, M. le ministre veut la dissuader en frappant au portefeuille des milliers de jeunes qui vivent pour l'essentiel sous le seuil de pauvreté. Quel cynisme ! Il refuse les repas Crous à 1 euro mais aligne les amendes à 135 euros. Une somme qui, pour bien des étudiants, représente l'intégralité de leurs ressources disponibles une fois payés le loyer, l'énergie et l'abonnement internet et téléphone nécessaire pour leurs études. Ces arrêtés sont scandaleux sur le plan du droit à manifester. Ils sont aussi inacceptables dans leur méthode. En effet, la préfecture de police ne rend pas ces arrêtés publics sur son site internet avant leur application. Ils sont donc introuvables ! Comment être en connaissance de l'interdiction et savoir où elle s'applique ? Si nul n'est censé ignorer la loi, comment la connaître - et donc la respecter - quand elle n'est pas publique ? Que M. le ministre se souvienne que la qualité d'une démocratie se juge aussi aux libertés qu'elle garantit à ceux qui ne sont pas d'accord avec le pouvoir en place. 70 % des Français sont opposés à la réforme des retraites. Ils vous le font savoir dans la grève et la manifestation par tous les moyens à leur disposition. Sa fonction de ministre de l'intérieur n'est pas de réprimer le droit à manifester, mais de le garantir. M. le ministre est à l'heure des choix. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen garantit à son article 2 « la résistance à l'oppression » comme un droit « naturel et imprescriptible ». Qu'il soit du côté du droit en garantissant le droit de manifester. Et si M. le ministre ne le fait pas, s'il continue dans la répression et l'arbitraire, qu'il souffre que le peuple français soit fidèle à sa longue tradition républicaine en résistant à l'oppression qu'il lui fait subir. Il lui demande ses intentions à ce sujet.
Le droit de manifester est une liberté fondamentale qui, en France, est à la fois garantie et protégée. À Paris, lieu symbolique et siège des institutions, la préfecture de police assure chaque année la sécurité de milliers de manifestations revendicatives et festives, qui se déroulent pour la grande majorité sans aucun incident. Pour pouvoir exercer son droit de manifester, les organisateurs d'une manifestation doivent systématiquement procéder à une déclaration préalable auprès de la préfecture de police en vertu de l'article L. 211-2 du Code de la sécurité intérieure. Cette déclaration permet notamment à la préfecture de police et aux organisateurs de déterminer des itinéraires ou lieux de rassemblements statiques compatibles avec la sauvegarde de l'ordre public et la liberté d'expression. Certaines manifestations revendicatives de voie publique contre la réforme des retraites, dont quelques unes ont dégénéré dans la capitale, n'avaient fait l'objet d'aucune déclaration préalable auprès des services de la préfecture de police. Aucun organisateur endossant la responsabilité de l'organisation de la manifestation n'était identifié et aucun service d'ordre interne n'était désigné pour assurer la sécurité. Ces manifestations avaient donc lieu en dehors de tout cadre légal. Si le droit de manifester est une liberté fondamentale, son exercice doit être concilié avec la préservation de l'ordre public. Dans ce cadre, l'article L. 211-4 du Code de la sécurité intérieure dispose que l'autorité investie des pouvoirs de police peut interdire, par arrêté, une manifestation qui est de nature à troubler l'ordre public. Les risques de débordements sont réévalués quotidiennement et ce n'est qu'en dernier recours que le préfet de police décide de prendre des mesures restrictives. Ainsi, des arrêtés fixant des périmètres d'interdiction ont été pris dans le cadre des manifestations contre la loi "retraites", pour une période de temps limitée (17h à 3h du matin) et concernant uniquement des quartiers où des exactions avaient été commises. Ces décisions sont intervenues après plusieurs soirées de manifestations émaillées de violents incidents et le constat de multiples dégradations et incendies, causées par des cortèges sauvages qui s'en détachaient ou se créaient spontanément. Les personnes contrevenant aux restrictions périmétriques décidées par arrêté de l'autorité de police s'exposent à une amende forfaitaire de la 4ème classe. Les mesures de gardes à vue, prises par des officiers de police judiciaire, à l'encontre de toute personne susceptible d'avoir commis ou tenté de commettre un délit, sont réalisées sous le contrôle permanent des magistrats du Parquet qui décident de lever toute mesure de garde-à-vue dès lors qu'une décision de poursuite est prise, ou qu'il est établi que l'infraction n'est pas caractérisée. Si le fondement des arrêtés pris par la préfecture de police n'a pas été remis en cause par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, il a cependant ordonné le 4 avril 2023 au préfet de police de publier les arrêtés portant mesures de police applicables à Paris à l'occasion d'appels à manifester sur la voie publique sur le site internet de la préfecture dans un délai qui permet un accès utile au juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative. La préfecture de police a pris acte de cette exigence qu'elle s'engage bien évidemment à respecter.
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