M. Damien Maudet alerte M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le maintien de l'ordre des manifestations faisant suite à l'adoption de la réforme des retraites par 49.3. En visite au commissariat du 13e arrondissement, une jeune femme vient voir M. le député et lui parle de sa folle soirée. Son crime ? Sortir de son cours de danse. « J'ai décidé de rentrer à pied plutôt qu'en métro. Je m'en souviendrai... », raconte-t-elle. 22 h, heure du crime : sortie de son cours de danse. Là, elle tombe sur des CRS lui demandant de patienter, elle s'excuse. Elle attend, longtemps, avec quelques autres jeunes. Elle finit par comprendre qu'ils sont encerclés. Mais les CRS leur demandent d'attendre. Eux aussi attendent des infos « d'en haut ». « Ils semblent gênés. », rapporte-t-elle. 4 h d'attente plus tard, ils sont tous embarqués vers un camion. Ils comprennent qu'ils sont interpellés, par des policiers « embêtés, qui ne comprenaient pas trop ». « Le problème, ce n'était pas les CRS, ni les policiers. Ça venait d'en haut. Ils attendaient sans cesse les ordres », poursuit la jeune femme. Elle passera la nuit en garde à vue avec des fêtards, des riverains et des militants politiques. Pour quelle raison ? Aucune. Comme cette jeune femme, des centaines de personnes se sont fait arrêter, sans raison aucune. Si les témoignages se multiplient en ce sens, les chiffres parlent également d'eux-mêmes. Sur les 292 interpellations du jeudi 16 mars, 283 ont été libérés sans aucune poursuite le lendemain, 7 n'ont eu qu'un rappel à la loi. Les images et vidéos rapportent ces mêmes arrestations aléatoires, entre forces de l'ordre qui foncent dans le tas pour attraper un ou deux manifestants, ou encore celle d'un homme assis en terrasse de café tout simplement délogé pour être embarqué. Ces interpellations dites « préventives » ont d'ailleurs été dénoncées par Claire Hédon, Défenseure des droits, qui se dit « inquiète ». « La Défenseure des droits alerte sur les conséquences d'interpellations qui seraient préventives de personnes aux abords des manifestations [...] Cette pratique peut induire un risque de recourir à des mesures privatives de liberté de manière disproportionnée et de favoriser les tensions », précise-t-elle dans un communiqué. La Défenseure des droits affirme par ailleurs « que le respect des règles de déontologie est essentiel pour apaiser les tensions et favoriser la confiance entre la police et la population ». La Défenseure des droits n'est pas la seule à tirer la sonnette d'alarme. L'ONU, par la voix de son rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d'association, et Amnesty international épinglent M. le ministre et lui rappellent le droit fondamental qu'est celui de manifester. Le monde entier regarde la France, regarde le pays des droits de l'homme, et on n'est pas à la hauteur. Pour rappel, contrairement à ce que M. le ministre peut déclarer à la télévision, rien dans le droit positif « n'incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée », d'après la décision de la Cour de cassation sur le sujet. Rien ne justifie donc les actes de répression de M. le ministre. Ces détentions arbitraires ont-elles leur place dans un État de droit ? Mais dans le fond : est-on, toujours dans un État de droit ? Il souhaite avoir des réponses à ce sujet.
La doctrine en matière de maintien de l'ordre appliquée par la préfecture de police ne diffère pas de celle en vigueur sur le reste du territoire, telle qu'arrêtée dans le schéma national du maintien de l'ordre (SNMO), adopté par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer en décembre 2021 et conforme aux exigences formulées par le Conseil d'État. Dans le cadre de ce schéma, les dispositifs d'ordre public déployés visent prioritairement à garantir les conditions de sécurité nécessaires à l'exercice effectif du droit de manifester pacifiquement. Depuis le 19 janvier 2023, début de la mobilisation contre la réforme des retraites, les unités du maintien de l'ordre déployées par la préfecture de police ont ainsi permis le bon déroulement des manifestations intersyndicales et la progression des cortèges jusqu'à leur terme, dans des conditions que les organisateurs, avec qui le dialogue a été sensiblement renforcé en amont et pendant les manifestations, ont pu eux-mêmes saluer. Les fonctionnaires du maintien de l'ordre ne font usage de la force légitime que de manière strictement nécessaire et proportionnée, uniquement pour mettre fin à la commission d'exactions – qu'il s'agisse de dégradations et destructions de biens ou de violences tournées contre les forces de l'ordre elles-mêmes, voire contre le cortège pacifique. Du reste, les conditions d'emploi de la force – toujours autorisé sur instructions du préfet de police, sauf cas de légitime défense – sont totalement transparentes. Les agents engagés dans le maintien de l'ordre sont soumis à une exigence de professionnalisme et d'exemplarité, notamment s'agissant de la maîtrise de la force. En outre, une attention particulière est portée à la formation des agents, à la transparence de leurs actions et au respect des règles. Lorsque le comportement d'un fonctionnaire apparaît manifestement inadapté, une enquête administrative est diligentée et l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) peut être saisie à tout moment en judiciaire par le Parquet. Le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer a condamné avec fermeté certains comportements individuels qui, non seulement ne sont pas conformes à la déontologie qui s'applique aux policiers et gendarmes, mais entachent aussi l'image des forces de l'ordre dont l'engagement républicain, singulièrement éprouvé durant les manifestations contre la réforme des retraies, mérite pourtant d'être respecté. Aucune interpellation « administrative » ou « préventive » n'est pratiquée par les forces de l'ordre. Les mesures prises dans le cadre des troubles à l'ordre public répondent à l'interpellation d'auteurs d'infractions dans un cadre judiciaire, dûment défini par la loi. Ces interpellations ne nécessitent pas qu'il soit procédé à une sommation. Elles s'effectuent dans le cadre de l'enquête de flagrance, c'est-à-dire, conformément aux articles 53 et suivants du Code de procédure pénale (CPP). Le cas échéant, les personnes soupçonnées sont placées en garde à vue, dans les conditions prévues par le CPP. Ni le nombre d'interpellations ni celui de classements sans suite ne sont de nature à établir qu'il aurait été procédé à des interpellations abusives, ce sur quoi le tribunal administratif de Paris, saisi d'une requête en urgence sur la question, a lui-même statué dans son ordonnance n° 2306010 du 24 mars 2023, en rejetant la saisine de l'association de défense des libertés constitutionnelles. L'absence de poursuites judiciaires ne saurait d'aucune manière préjuger de l'absence de commission d'infraction, le temps de la garde-à-vue, qui s'effectue sous l'autorité du parquet, ne permettant pas toujours de réunir les éléments permettant d'imputer formellement l'infraction. Nous sommes donc bien dans un Etat de droit, fondé sur un corpus juridique qui encadre la puissance publique et un exercice des libertés individuelles - dont la liberté d'expression et de communication - qui est garanti par la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L'exercice de cette liberté fondamentale n'exclut toutefois pas sa nécessaire conciliation avec l'objectif à valeur constitutionnel de sauvegarde de l'ordre public, ce que le juge est souverainement amené à apprécier, le cas échéant.
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