M. Philippe Fait alerte M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer, sur le « plan d'action » de la Commission européenne rendu public le 21 février 2023 et visant à interdire les engins mobiles de fond dans les aires maritimes protégées d'ici à 2030 (chalut de fond, drague, senne danoise). Beaucoup de ces aires protégeant la faune et les fonds marins couvrent d'immenses parties de notre littoral national. Pour certain territoire, cela représente plus de la moitié de la côte. 60 % des produits de la mer consommés sont issus également de ces techniques de pêche. L'Alliance européenne pour la pêche de fonds (EBFA), qui représente 20 000 pêcheurs de 14 pays, juge que l'interdiction du chalutage dans les aires protégées mettra en danger pas moins de 7 000 navires correspondant à 25 % des volumes débarqués dans l'UE et à 38 % des revenus totaux de la flotte européenne. Force est également de constater l'incohérence et le danger que constituerait une telle mesure pour la pêche française. Elle conduirait les États membres à des actions illégales, contraires aux textes européens existants et dont les conséquences seraient désastreuses pour l'activité des marins pêcheurs. En outre, cette mesure n'aura pour seuls effets que de déplacer les efforts de pêche vers d'autres zones, ce qui ne fera qu'augmenter la consommation de carburants en retour et accroître les répercussions indésirables sur les stocks ; mais aussi de bénéficier aux importants extra-communautaires qui, pour certains pays, sont soumis à peu (voire aucune) réglementation écologique. Qui plus est, cette interdiction ne repose en effet sur aucun critère scientifique. La proposition de la Commission européenne s'apparente à une communication politique sans la moindre expertise sérieuse. L'inquiétude des Françaises et des Français et du monde de la mer est donc plus que légitime. C'est pourquoi il l'interroge sur la position du Gouvernement sur ce sujet ainsi que sur les actions qui vont être entamées pour défendre la filière pêche française et rassurer toutes les actrices et tous les acteurs du monde de la mer.
Le plan d'action sur la restauration des écosystèmes marins pour une pêche durable et résiliente, présenté le mardi 21 février 2023 par la Commission européenne, propose d'interdire les arts trainants de fond dans toutes les aires marines protégées (AMP) d'ici à 2030, et dans les zones Natura 2000 d'ici à 2024. Cette mesure inclut sans distinction tout engin remorqué qui peut toucher le fond : chaluts de fond, chaluts à perche, sennes, dragues et toute activité qui interagit avec les habitats marins. Au Salon de l'agriculture, lundi 27 février 2023, le Président de la République et la Première ministre ont indiqué l'opposition de la France à cette proposition. L'interdiction des arts traînants dans les aires marines protégées aurait en effet des conséquences économiques importantes pour les pêcheries françaises, et notamment la pêche artisanale, alors qu'aucune étude d'impact approfondie n'a été réalisée par la Commission européenne à l'échelle de chaque territoire concerné. Le Secrétaire d'État chargé de la mer a immédiatement souhaité obtenir de la Commission européenne une clarification sur le statut juridique de son plan d'action qui n'a fait l'objet d'aucune concertation ni consultation des États membres. Devant les députés européens le 1er mars 2023, la Commission européenne a indiqué son intention de traduire son plan d'action en mesures réglementaires contraignantes, voire en sanctions, si les États ne l'appliquaient pas. Le Gouvernement a donc réaffirmé la position de la France au Parlement le 8 mars 2023 sans jamais opposer protection de la biodiversité marine et la pêche. C'est la conciliation des deux qui permet une gestion efficace des AMP en France depuis qu'elles existent avec des règles définies au cas par cas, efficaces et reconnues. La zone économique exclusive française comprend aujourd'hui 33% d'aires marines protégées, répondant d'ores et déjà aux objectifs européens et nationaux en la matière. Dans la majorité d'entre elles, des mesures de gestion sont construites en concertation avec les acteurs et sur la base d'études scientifiques spécifiques. Elles permettent des activités de pêche strictement encadrées. Il peut en effet être démontré qu'une pêcherie aux engins de fond bien gérée peut avoir des conséquences positives pour la ressource et une absence d'impact pour les habitats. C'est le cas par exemple en baie de Seine occidentale pour la pêche à la coquille Saint-Jacques. Cette pêche, qui se pratique en majorité dans les aires marines protégées, fait l'objet de mesures de gestion mises en place par les professionnels depuis les années 1970 : d'une année sur l'autre, des zones ne sont pas exploitées pour permettre un repos de la ressource et du milieu. Lorsque la zone est ouverte, l'effort est limité dans le temps et en volume. La pêche à la coquille est possible du 1er octobre au 15 mai en dehors de la période de reproduction. Elle est limitée à 45 minutes par jour, deux fois par semaine. Seules des coquilles âgées d'au moins 2 ans peuvent être pêchées. Cette restriction dans l'effort de pêche explique l'abondance de la ressource aujourd'hui (le stock a été multiplié par trois). En Bretagne, dans le parc naturel marin d'Iroise, l'algue hyperborea est récoltée à l'aide d'un peigne fonctionnant comme une drague. Là aussi, des mesures de gestion adaptée permettent durabilité de la ressource et protection des habitats : seulement 25% de la surface couverte par ces algues est exploité chaque année et cette activité est très encadrée. 80% de la production française d'algues marines provient de l'Iroise. La ressource a des capacités de reconstitution grâce aux mesures de gestion mises en œuvre et à un environnement extrêmement favorable aux macro-algues. Dans le Parc national des Calanques, six chalutiers ont l'autorisation de pratiquer à l'intérieur du Parc. La ressource en poissons (daurades, loups) a ainsi pu se maintenir et même progresser ces 10 dernières années. Aussi, le plan d'action ne distingue pas les différences entre aires marines protégées. La définition d'une AMP au sens de la réglementation européenne prévoit pourtant la fixation d'objectifs spécifiques à chaque site et, au sein de chaque site, des mesures de gestion différentes peuvent être prises en fonction des objectifs de protection. Il existe en France quatorze types d'AMP qui vont des réserves intégrales dans lesquelles aucune activité de pêche n'est possible à des espaces où les activités humaines sont admises suivant des règles très précises. En outre, ce plan d'action ne prévoit aucune clause miroir sur le plan du commerce international : les États européens pourraient donc importer des produits de la mer depuis des pays situés en dehors de l'Union européenne qui ne respectent pas les normes que l'on impose à nos pêcheurs. Enfin, il ne reconnait pas les travaux déjà engagés par les États membres pour concilier les enjeux de protection du milieu, de restauration de la biodiversité et les activités socio-économiques et avant tout la pêche. Ces travaux font l'objet de discussions et de recherches importantes au niveau local entre professionnels de la pêche, associations de protection de l'environnement et scientifiques, sous la coordination des services de l'État et de ses établissements publics comme l'Office français pour la biodiversité (OFB). L'ensemble du paquet pêche durable de la Commission européen a été soumis à un premier échange politique lors du Conseil des ministres européens de la pêche le 20 mars 2023. D'autres États européens comme l'Espagne, les Pays-Bas et l'Allemagne ont rejoint la France sur cette position. À la suite de la mobilisation de la France, la Commission européenne a confirmé qu'elle n'imposera aucune obligation ni en 2024 ni en 2030 aux pêcheurs européens, et qu'elle laissera l'initiative à chaque État, conformément aux travaux déjà engagés dans leurs eaux marines et sur leurs littoraux.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.