Mme Hélène Laporte interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la compatibilité des objectifs du plan de souveraineté pour la filière des fruits et légumes avec la proposition de règlement « usage durable des pesticides ». En effet, si le plan « souveraineté fruits et légumes » annoncé le 1er mars 2023, qui vise un objectif cible d'un gain de 5 points de souveraineté dès 2030 et de 10 points dès 2035, affirme prendre en compte le calendrier des interdictions à venir par la Commission européenne de certaines substances actives, les cultivateurs de fruits et légumes sont dans une vive inquiétude concernant le caractère atteignable de l'objectif. En effet, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable déposée le 22 juin 2022 prévoit d'imposer une réduction de 50 % de l'usage des pesticides dans chaque État membre, ainsi qu'une interdiction de tout pesticide dans les « zones sensibles », catégorie comprenant la quasi-totalité des zones Natura 2000, lesquelles zones représentent 4,5 % de la surface de production fruitière française, selon les données de l'Agreste. Alors que la production française des fruits et légumes représentait en 2000 70 % de la consommation de ces produits, contre 50 % aujourd'hui. Cette nouvelle réglementation, qui ne prévoit aucune nouvelle limitation sur les importations de denrées agricoles, ne peut que se traduire par une aggravation de ce déficit commercial. En effet, selon la Commission européenne, les pertes de production de fruits et légumes dans les pays de l'Union européenne consécutives à l'adoption de ce règlement pourraient s'élever à 7 %. L'objectif de reprise de souveraineté affiché par le ministère de l'agriculture dans ce domaine semble donc sérieusement mis à mal par l'agenda des institutions européennes. Dans ce contexte, elle souhaite connaître la position qu'il défendra au sein du Conseil vis-à-vis de cette proposition de règlement, afin de donner à la filière française des fruits et légumes les moyens d'atteindre les objectifs poursuivis.
La proposition de règlement pour une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable (SUR) est en cours de discussion au sein du Conseil de l'Union européenne (UE) et du Parlement européen. Cette proposition a donné lieu, sous l'impulsion de la présidence tchèque, à une demande du Conseil de l'UE à la Commission européenne en décembre 2022 de produire des données complémentaires à l'étude d'impact, notamment sur les impacts économiques pour les entreprises ainsi que ceux résultant d'une interdiction totale ou partielle des produits phytopharmaceutiques dans les zones dites sensibles. L'étude complémentaire a été transmise par la Commission européenne le 5 juillet 2023 et a fait l'objet d'échanges lors du conseil agriculture et pêche du 25 juillet 2023. La France salue cette proposition de règlement qui permet d'avancer au niveau européen sur la transition agricole, porteuse de souveraineté alimentaire et de résilience face aux crises climatiques et environnementales. Cette transition est nécessaire pour assurer une protection commune du consommateur et répondre aux attentes des citoyens. Cette proposition doit permettre de mieux harmoniser l'encadrement de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à l'échelle européenne afin d'obtenir des conditions de concurrence identiques, ce qui contribuera à regagner des points de compétitivité. De plus, la mise en place des mesures miroirs pour éviter la concurrence de produits en provenance de pays avec des normes moins-disantes est cruciale ; le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a rappelé qu'il s'agissait d'une priorité française lors du Conseil de l'UE du 25 juillet 2023. La France estime que cette proposition législative doit également permettre de renforcer l'accompagnement des agriculteurs pour réussir la transition écologique et ne laisser aucun agriculteur sans solution. À ce titre, le ministre a fait part, lors du Conseil de l'UE du 25 juillet 2023, des préoccupations des filières et du Gouvernement concernant les projections en termes de baisse de rendement et de production et a rappelé la nécessité de mettre à disposition des agriculteurs des alternatives crédibles économiquement et opérationnelles sur le terrain. Les filières des fruits et légumes françaises ont déjà fait des efforts importants dans ce domaine et la proposition de règlement devrait permettre de renforcer l'application des principes de la lutte intégrée dans tous les États membres et selon les mêmes modalités. La France soutient la définition de cibles contraignantes de réduction de produits phytopharmaceutiques au niveau de tous les États membres de l'UE. Si les efforts de réduction réalisés au sein de l'État sont déjà intégrés à la méthodologie de calcul des cibles à atteindre pour chaque État membre, cette dernière doit progresser pour mieux prendre en compte l'historique et les spécificités de chaque État membre, et notamment la diversité des systèmes de culture. Enfin, s'agissant des zones sensibles, le ministre a rappelé, lors du Conseil de l'UE du 25 juillet 2023, qu'il était nécessaire de s'accorder collectivement sur la définition des zones sensibles pour lesquelles il est souhaitable d'aboutir à des règles de gestion harmonisées de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et proportionnées aux risques dans les différents types de zones. Le non-papier de la Commission européenne repris dans l'étude d'impact complémentaire va dans cette direction, néanmoins des travaux complémentaires sont nécessaires pour affiner les options possibles en fonction des zones et des objectifs de protection associés.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.