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Philippe Gosselin
Question N° 6811 au Ministère de la justice


Question soumise le 28 mars 2023

M. Philippe Gosselin appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'absence de toute revalorisation de l'indice de référence de la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçant à titre individuel (MJPMi) depuis 2014. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) sont des professionnels désignés par le juge et chargés d'assister des personnes bénéficiant du régime juridique de la tutelle ou de la curatelle, en l'absence de proches aptes à cette mission. Le MJPM peut exercer sous différents modes d'exercices : salarié ou préposé d'un service mandataire judiciaire à la protection des majeurs ou d'un établissement, ou mandataire judiciaire exerçant à titre individuel (MJPMi). Le financement public intervient en déduction des prélèvements réalisés sur les ressources de la personne protégée. Les services mandataires sont financés sous forme de dotation globale, les MJPMi étaient rémunérés jusqu'en 2014 sur la base d'un forfait mensuel par mesure de protection. Ce forfait mensuel était indexé sur le montant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et le montant du salaire minimum de croissance (SMIC) horaire. En 2014, le Gouvernement a supprimé cette indexation et a créé un nouvel indice, appelé coût de référence et fixé à 142,95 euros mensuel par mesure de protection. Or depuis 2014, la rémunération du MJPMi se trouve gelée. Depuis cette année, le coût de la vie lui n'a pas été gelé ! Certes, le barème de la participation financière des personnes protégées a été révisé en 2018 mais cette révision met à contribution une population déjà fragile dont près de la moitié se situe en dessous du seuil de pauvreté. Cette révision a parallèlement généré une économie conséquente pour l'État qui n'a pas contribué à l'effort de financement de la mesure exercée par le MJPM en ne procédant pas à la revalorisation de l'indice fixé en 2014. Les charges des MJPM n'ont cessé d'augmenter, la déjudiciarisation a induit une augmentation de la pression sociale qui s'exerce sur eux ainsi que de leur responsabilité professionnelle, de telle sorte qu'aujourd'hui, le coût de la mesure ne reflète pas la lourdeur de celle-ci. La protection judiciaire des personnes vulnérables est l'affaire de chacun et un devoir de tous. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique (article 415 du code civil). Le Gouvernement ne saurait faire de différence en fonction des modes d'exercice des mesures de protection et allouer des budgets supplémentaires en faveur des services des préposés et salariés, ce qui est bien particulièrement nécessaire, sans prendre en compte les MJPM individuels. Le MJPM individuel est un rouage important de la vie des personnes vulnérables, du maintien de la dignité de la personne protégée et de la personnalisation de la mesure de protection. À l'heure de la revalorisation des salaires des professionnels de santé, des salaires des fonctionnaires et l'incitation générale faite par le Gouvernement aux entreprises d'augmenter les salaires, il souhaite savoir quand et comment le Gouvernement envisage de rattraper le retard dû à l'absence de toute revalorisation de l'indice fixe, gelé depuis 2014 et qui, s'il était resté indexé sur le montant du SMIC et le montant de l'AAH, devrait être aujourd'hui de 160,65 euros.

Réponse émise le 16 mai 2023

Les principes guidant la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont fixés aux articles 419 et 420 du code civil. Le code de l'action sociale et des familles en précise les modalités. Lorsque la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée, en fonction de ses ressources, avec de manière subsidiaire un financement de l'Etat. Le code de l'action sociale et des familles prévoit des modalités de financement différentes entre les services mandataires et les mandataires individuels. Les premiers sont financés sous forme de dotation globale et les seconds sur la base de tarifs mensuels. Ces différences se justifient par des modalités d'organisation et de fonctionnement différentes qui entraînent des charges (personnel, fonctionnement et structure) importantes pour les services. Pour autant, les tarifs des mandataires individuels ont également vocation à couvrir les frais de fonctionnement de ces intervenants. Par ailleurs, pour tenir compte des différences en terme de charge de travail, les tarifs perçus par les mandataires individuels varient en fonction de la nature de la mesure, du lieu de vie et du niveau de ressources de la personne protégée.  La protection juridique des majeurs est donc une politique publique très transversale, à la croisée des problématiques d'autonomie, de santé, de protection des droits fondamentaux, d'inclusion sociale des personnes âgées et handicapées et de lutte contre les maltraitances. Ce dispositif de solidarité, permet de répondre efficacement aux questions de vulnérabilité et d'isolement social, dans la mesure où le positionnement particulier des mandataires, judiciaire d'un côté, social de l'autre, leur permet d'accompagner les personnes et de garantir le respect de leurs droits, au plus près de leurs difficultés et de leurs besoins. L'État consacrera en 2023, 801M€ (PLF 2023) à la protection juridique des majeurs (+9.3% par rapport à 2022) dont plus de 108M€ pour les 2301 mandataires individuels agrées sur le territoire national. Conformément au principe de subsidiarité du financement public, ce montant vient compléter la participation financière des personnes à leur mesure de protection. Si les services mandataires sont financés sous la forme de dotation globale de financement, les mandataires individuels sont quant à eux tarifés à la mesure, la participation des personnes protégées intervenant pour eux en complément de rémunération. Ainsi, la part de la participation dans la rémunération des mandataires individuels atteint 40%, alors qu'elle n'intervient que pour 15% dans le budget des services. Des travaux sont en cours depuis plusieurs années en vue de réformer le financement du secteur de la protection juridique des majeurs, et cela quel que soit le mode d'exercice. Parmi les réflexions en cours, figure notamment la démarche initiée par la note méthodologique de l'IGAS d'octobre 2018 et par l'étude de coûts réalisée par le CGI-business consulting fin 2021. C'est également dans cette perspective globale que s'inscrivent les problématiques exposées par les mandataires individuels. Les fédérations représentant les MJPM individuels et les services MJPM seront donc étroitement associées à la suite de ces travaux.

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