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Joëlle Mélin
Question N° 6773 au Ministère de l’économie


Question soumise le 28 mars 2023

Mme Joëlle Mélin interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la création d'un secrétariat d'État dédié à l'intelligence économique. Selon Alain Juillet, ancien haut responsable chargé de l'intelligence économique en France, l'intelligence économique se définit comme « la maîtrise et la protection de l'information stratégique qui donne la possibilité au chef d'entreprise d'optimiser sa décision ». L'intelligence économique regroupe essentiellement trois types d'activités : la veille, la sécurité économique et l'influence. Alors qu'il est communément admis que les entreprises, confrontées à la compétition mondiale, évoluent dans un environnement de plus en plus complexe et incertain, il est impératif que le pays se dote d'un programme d'intelligence économique permettant d'identifier, de prévenir et de lutter contre les menaces économiques et industrielles qui minent l'indépendance de la France. En effet, depuis 20 ans, de nombreux responsables politiques décrivent la perte de souveraineté de la France et la faiblesse du pays pour préserver et promouvoir ses intérêts économiques dans la mondialisation. Ces dernières années, malgré cette prise de conscience, de nombreuses pépites françaises ont été acquises par des puissances et des groupes étrangers. La liste est longue : Alstom, Alcatel, Technip, Lafarge, Morpho, Latécoère, Souriau, HGH..., les prises de capitaux des fleurons stratégiques par des groupes étrangers menacent la souveraineté nationale, bradent de nombreux savoir-faire et brevets stratégiques à des puissances étrangères et participent bien souvent de la désindustrialisation du pays et de la perte d'emplois dans le secteur. Aussi, Mme la députée attire l'attention de M. le ministre sur la mise en place d'une véritable politique et une stratégie d'intelligence économique pour la France. Elle lui demande s'il compte créer un secrétariat d'État en charge de coordonner et d'organiser un tel programme permettant de garantir la souveraineté industrielle et informationnelle du pays.

Réponse émise le 30 mai 2023

Les missions de « veille, sécurité économique et influence » sont déjà bien assurées par l'administration et notamment par le service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), service à compétence nationale rattaché à la direction générale des entreprises, au sein du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Les missions du SISSE sont définies par le décret n° 2019-206 du 20 mars 2019 relatif à la gouvernance de la politique de sécurité économique.  Au titre de la veille et de l'information stratégique, le SISSE est chargé : d'identifier les secteurs, les technologies et les entités relevant des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, de rassembler les informations stratégiques les concernant avec le concours des ministères concernés, d'en assurer la synthèse et d'en favoriser la capitalisation et le partage au profit de ces mêmes ministères ; d'informer les autorités de l'Etat sur les personnes, les entités, les standards de conformité, et toute réglementation, y compris de portée extraterritoriale, ainsi que les pratiques d'affaires, représentant une menace pour les intérêts susmentionnés et de proposer, le cas échéant, les mesures pour y remédier. Le SISSE a également des missions en matière de sécurité économique. Il a très concrètement mis en place une plate-forme de détection et de traitement des menaces étrangères de sécurité économique. Il s'agit de détecter les menaces de toute nature (sur le capital, les informations sensibles, la propriété intellectuelle …) pesant sur les actifs stratégiques, les technologies critiques et les laboratoires de recherche sensibles et de contribuer à l'encadrement de ces risques avec l'aide des ministères compétents, secteur par secteur. Le SISSE coordonne ainsi le traitement de plus de 60 nouvelles alertes de sécurité par mois, en croissance de l'ordre de 40 % par an depuis la mise en place de cette plateforme interministérielle. Dans leur très grande majorité, ces alertes portent à parité sur des risques de rachat ou de prise de participation étrangers d'une part, sur l'intégrité des savoirs et savoir-faire des entreprises stratégiques d'autre part. Les moyens de remédiation à la disposition des pouvoirs publics se sont également considérablement étoffés depuis 2019, en particulier avec : le renforcement du contrôle des investissements étrangers en France, opéré par la loi PACTE, et le décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019. En 2021, 328 demandes d'autorisation préalable d'investissement dans des activités sensibles ont ainsi été examinées par l'administration ; la rénovation du dispositif de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 dite « de blocage » et interdisant la communication à une autorité publique étrangère d'informations concernant la sécurité nationale, l'ordre public ou les intérêts économiques essentiels de la France avec la mise en place par le décret n° 2022-207 du 18 février 2022 d'un guichet unique au profit des entreprises, en mesure de leur fournir un avis de conformité. En 2022, le guichet opéré par le SISSE a été saisi à 38 reprises, contribuant à l'affirmation de notre souveraineté économique et judiciaire. La validité et la portée de la loi de blocage ont été reconnues dans l'ensemble des cas ; la mise en place en 2020 du fonds French Tech Souveraineté (FTS), dont la gestion a été confiée à Bpifrance et qui complète la gamme des outils financiers de soutien aux entreprises stratégiques. Le SISSE est également chargé de la promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation. Le volet promotion de la politique de sécurité économique se retrouve dans les programmes de soutien aux entreprises mis en place par la DGE, notamment dans le cadre de France 2030. Il est également mis en œuvre par l'ensemble des services de l'Etat et certains opérateurs du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, dont Business France qui est chargé du développement international des entreprises françaises, des investissements internationaux en France et de la promotion économique de la France. Garantir la souveraineté industrielle et informationnelle du pays, conformément à ce que souhaite Madame la députée, c'est avant tout orienter les capacités de production vers la couverture des besoins essentiels de la Nation et vers les technologies d'avenir. En ce sens, la réindustrialisation de la France, le plan d'investissement France 2030 et les résultats de la politique de sécurité économique menée depuis plus de trois ans répondent davantage à l'objectif de garantie de la souveraineté industrielle et informationnelle que ne le ferait la constitution d'un nouveau secrétariat d'Etat.

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