M. François Gernigon alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'augmentation de l'utilisation des paris sportifs et les addictions qui y sont liées. À titre de comparaison, la finale de la Coupe du monde de football en 2022 a généré près de 55 millions d'euros de paris, soit bien plus qu'en 2018 lors de la finale France-Croatie avec 37,5 millions d'euros, selon l'ANJ (Autorité nationale des jeux). L'évènement a généré en tout plus de 615 millions d'euros de paris, un record. En effet, depuis les ouvertures successives à la concurrence du secteur en 2010 et 2020, le marché hyper-concurrentiel des sites de paris en ligne multiplie les initiatives promotionnelles pour attirer toujours plus de parieurs. L'augmentation des investissements publicitaires par les opérateurs de jeux en ligne (+ 26 % en 2021 par rapport à 2019, +7 % en 2022 par rapport à 2021, selon l'ANJ) s'inscrit dans cette dynamique et pose un problème de santé publique. Ces campagnes publicitaires peuvent interpeller car elles ciblent les plus jeunes, dont des mineurs et les plus modestes en reprenant leurs codes (influenceurs, code des réseaux sociaux et leurs memes, musique urbaine, journalistes sportifs et sportifs, rappeurs). Cette saturation de l'espace public et publicitaire, en ligne, à la télévision et dans la rue semble payer pour les sites de paris en ligne. En effet, toujours selon l'ANJ, en 2022, 10 % des 15/17 ans avaient effectué au moins un pari en ligne au cours de l'année précédente. La publicité constitue une motivation à jouer pour un tiers des jeunes joueurs, selon ce panel interrogé par l'ANJ. Concernant les risques de comportements addictifs, l'autorité déclarait en 2022 que « si la proportion de joueurs de 15 à 17 ans est équivalente à celle observée en 2014, la part des joueurs problématiques a, elle, très fortement progressé de 11,0 % à 34,8 %. En rapportant ces résultats à l'ensemble des 15-17 ans, la prévalence est estimée à 4,5 % de joueurs à risque modéré et de 7,6 % de joueurs excessifs ». Ainsi, il l'interroge donc sur les dispositions envisagées par le Gouvernement pour mettre fin à ces dérives et restreindre la publicité pour les sites de paris sportifs en ligne.
Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre les addictions, toutes les addictions - celles aux substances, mais aussi, de plus en plus, et notamment chez les jeunes, celles dites « sans substance » (aux écrans, aux jeux d'argent et de hasard, aux jeux vidéo). Si pour une part importante de joueurs, la pratique des jeux d'argent et de hasard est une activité récréative et contrôlée, elle n'est pour autant pas anodine. Chez certains joueurs, et en particulier chez certains parieurs, vont se développer des usages à risque ou même excessifs, ayant des impacts importants sur leur vie sociale, leur situation financière et sur leur santé. Le secteur a connu des évolutions importantes ces 15 dernières années : ouverture à la concurrence du jeu en ligne en 2010, concurrence accrue entre les acteurs et les différentes offres de jeux, essor sans précédent d'internet qui a transformé les usages, en particulier à l'issue de la crise sanitaire et ses périodes de confinement. La pratique des jeux d'argent et de hasard est en constante augmentation, le produit brut des jeux ayant augmenté de 20 % entre 2021 et 2022 et les données de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictive montrent que la progression entre 2020 et 2021 a été portée en premier lieu par les paris sportifs. A l'occasion de la refonte du cadre de régulation des jeux d'argent et de hasard, qui s'est traduite par l'adoption de l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard, prise en application de l'article 137 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, le Gouvernement a porté une vigilance particulière aux dispositions relatives à la consolidation et au renforcement de la prévention du jeu excessif, la protection des mineurs et la lutte contre l'addiction pour l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard. Le code de la sécurité intérieure réglemente le contenu des publicités et fixe désormais une liste des contenus interdits. La mise en œuvre de ces dispositions a d'ailleurs conduit l'Autorité nationale des jeux à ordonner le retrait en 2022 d'une publicité qui les enfreignait. Par ailleurs, l'obligation d'apposer sur toute publicité un message de mise en garde, informant le public du dispositif public d'aide, d'écoute et d'orientation des joueurs en difficultés « Joueurs-Info-service », a été renforcée afin de rendre ce message plus visible et plus efficace. L'Autorité nationale des jeux a également édicté des lignes directrices et formulé des bonnes pratiques notamment pour enrayer la pression publicitaire et pour limiter l'exposition des mineurs. De manière générale, face aux addictions, l'enjeu est double : - prévenir l'entrée dans l'addiction, que ce soit par la réglementation, la dé-normalisation ou la sensibilisation sur les justes consommations ; - accompagner les personnes pour les aider à sortir de l'addiction, y compris via un accompagnement professionnel au long cours. La Stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027 est le principal outil mobilisé par le Gouvernement en matière de lutte contre les addictions. Sa déclinaison opérationnelle, le fonds de lutte contre les addictions, a permis de financer des actions en 2022 pour un budget total de 121 M€, rehaussé à 129 M€ pour 2023. Ce fonds a été progressivement étendu à de nouveaux enjeux, du strict champ tabac à toutes les substances en 2018, puis aux addictions sans substances via la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Cette extension de périmètre a permis de prendre en compte les signaux préoccupants sur les nouveaux usages problématiques (jeux, paris sportifs), notamment chez les jeunes, et à permettre une meilleure adéquation des moyens avec les priorités de l'Etat en matière de prévention des addictions. Dans ce cadre sont soutenues les initiatives de la société civile et des professionnels de santé pour prévenir les usages à risques et améliorer le repérage pour une intervention la plus précoce possible, en s'appuyant notamment sur les binômes créés au sein de ces centres d'accueil, de prévention et d'accompagnement en addictologie, réunissant psychologue et éducateur spécialisé autour de cette prise en charge. La liste des bénéficiaires et les montants alloués pour 2023 ont été détaillés par arrêté du 25 juillet 2023. Enfin, pour approfondir les connaissances sur ces enjeux, le ministre de la santé et de la prévention a confié au professeur Amine Benyamina une mission pour établir un diagnostic des racines et déterminants des conduites et tendances addictives chez les jeunes, et pour identifier les actions utiles à mettre en œuvre.
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