Mme Laure Lavalette alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'inquiétante dégradation de la santé mentale des enfants et adolescents. Le bilan sur l'évolution nationale des indicateurs de santé mentale de Santé publique France en date du 7 mars 2023 fait état d'une situation toujours plus alarmante. Il constate une hausse des passages aux urgences pour geste et idées suicidaires et troubles de l'humeur chez les 11-17 ans. Alors que la santé mentale, notamment chez les jeunes, était un véritable sujet durant les deux années de crise sanitaire, il semblerait aujourd'hui que celle-ci ne trouve plus le même écho auprès des pouvoirs publics. Pourtant, ce même bilan de Santé publique France indique que les idées suicidaires sont plus nombreuses chez les enfants de 0 à 17 ans par rapport à 2020-2022. Alors que la situation semblait suffisamment chaotique durant la crise du covid-19 pour espérer une meilleure prise en compte de la santé mentale des enfants et adolescents du fait de l'augmentation des troubles dépressifs constatée par l'ensemble des professionnels du secteur, on n'y est toujours pas. La Cour des comptes estime que la pédopsychiatrie pourrait être « mieux financée », d'après son rapport à la commission des affaires sociales le 21 mars 2023. Il en ressort que les enfants et adolescents seraient mal orientés et que d'autres devraient faire face à une offre saturée. La Cour des comptes préconise dans son rapport 9 recommandations, notamment la mise en œuvre d'une politique d'attractivité renforcée de la pédopsychiatrie. La diminution du nombre de pédopsychiatres de 34 % entre 2010 et 2022 rend la situation intenable, au détriment des patients et des professionnels dont la charge de travail s'accumule du fait du manque de recrutements. Le 2 mars 2023, le magazine Le Point publiait un article « La grande détresse des familles laissées seules face au mal-être de leurs ados ». Cet article pointe notamment la mauvaise orientation des jeunes patients, qui se retrouvent mal soignés et dont la situation s'empire du fait d'une mauvaise prise en charge : des enfants pris en charge dans des services pour adultes ou en gérontopsychiatrie ou encore une surmédication faute de personnels. Ces situations peuvent pourtant être évitées, à condition de le vouloir et de financer à la hauteur des enjeux tout un panel de mesures vitales pour ces enfants et adolescents. Aussi, elle lui demande ce qu'il entend retenir des recommandations formulées par la Cour des comptes.
Dans le cadre de son rapport relatif à la pédopsychiatrie, réalisé à la demande de la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes a auditionné près de 280 personnes dont l'ensemble des agences régionales de santé et réalisé une comparaison avec la Suède et la Belgique et situé la France par rapport aux pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques. En France, on peut estimer qu'environ 1,6 million d'enfants et adolescents souffrent d'un trouble psychique et l'épidémie de Covid-19 a eu pour effet une augmentation importante des troubles psychiques chez les enfants à partir de 10 ans et chez les adolescents. Le rapport pointe une diversité des troubles et une multiplicité des facteurs de risque complexifiant la réponse à apporter, ainsi qu'une difficulté à estimer la sévérité des troubles. La Cour des Comptes estime s'agissant de l'offre de soins spécialisés, qu'elle apparaît, dans l'ensemble, bien calibrée. Néanmoins, même si en matière d'offre d'équipements, ambulatoires comme hospitaliers, la France se situe dans la moyenne des pays européens, de fortes disparités territoriales témoignent d'une certaine inadéquation de l'offre à l'échelle territoriale fine. La Cour salue les travaux menés depuis 2018. En effet, le Gouvernement a d'ores et déjà engagé certains travaux d'ampleur visant notamment au rattrapage financier global sur l'offre de soins en psychiatrie. Un effort spécifique a été amorcé depuis 2019 s'agissant de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et poursuivi chaque année : - en opérant un rééquilibrage global des moyens financiers dévolus à la psychiatrie depuis 2018 : + 50 M€ en 2018, + 80 M€ en 2019, + 110 M€ en 2020 et à nouveau + 110 M€ en 2021. Ces crédits pérennes ont pu bénéficier à la pédopsychiatrie dans les territoires, selon les orientations stratégiques des Agences régionales de santé ; - depuis 2019, en conduisant un appel à projets national spécifique à la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent pour renforcer l'offre de prise en charge dans les territoires les plus sous dotés au regard des besoins : + 20 M€ en 2019, + 20 M€ en 2020, + 30 M€ en 2021, + 20 M€ en 2022, + 25 M€ en 2023, ces crédits étant également pérennes ; - en mobilisant à partir de 2022, suite aux annonces issues des Assises nationales de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont tenues fin septembre 2021, des crédits pérennes supplémentaires à un niveau historique, dont une partie concerne spécifiquement la santé mentale des jeunes et la pédopsychiatrie, au regard des effets de la crise sanitaire, notamment ; - renforcement des maisons des adolescents. Ce sont des lieux ressources sur la santé et le bien être des jeunes, et leur rôle a été mis en exergue par la crise sanitaire : + 10,5 M€ sur 2022-2023 ; - développement de l'accueil familial thérapeutique : cette modalité offre une prise en charge adaptée dans un milieu familial et en restant suivi par une équipe de psychiatrie : + 5 M€ sur 2022-2023 ; - renforcement des centres médico-psychologiques de l'enfant et de l'adolescent : principal acteur de la psychiatrie de secteur et de la prise en charge de proximité, ces structures font face depuis plusieurs années à une demande de soins croissante et à des délais d'attente qui s'allongent : + 8 M€ par an pendant 3 ans (2022 à 2024) afin de faciliter les premiers rendez-vous par un personnel non médical et ainsi réduire les délais d'attente ; - renforcement des moyens dédiés à la prise en charge du psychotraumatisme, particulièrement pour la prise en charge des mineurs victimes de violences qui constitue une priorité gouvernementale : + 3,5 M€ sur 2022-2023. Parmi les 9 recommandations de la Cour des Comptes pour réorganiser l'offre de soins et offrir une réponse adaptée selon les territoires, certaines sont déjà engagées comme le renforcement de l'offre de soins et les actions relatives à l'attractivité renforcée de la pédopsychiatrie en valorisant davantage les parcours hospitalo-universitaires et en soutenant la recherche française dans cette discipline. Cet engagement fort du Gouvernement se poursuivra dans le cadre des assises de la santé de l'enfant et de la pédiatrie, dont l'aboutissement est programmé après l'été, et dont un volet sera consacré à la santé mentale des enfants et adolescents.
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