M. Jordan Guitton interroge Mme la ministre de la transition énergétique sur la dépendance de la France à l'égard des métaux stratégiques. La construction exponentielle d'énergies intermittentes entraîne une consommation très importante de minerais et de métaux comme le cobalt ou le lithium. L'Union européenne fournirait seulement moins d'1 % des matières premières spécifiques pour les batteries lithium-ion, les éoliennes et les moteurs électriques. La France est donc en situation de forte dépendance sur ces matières premières. Par exemple, entre 2012 et 2016, la Chine a fourni 98 % de l'approvisionnement de l'Union européenne en terres rares. Cette dépendance devrait encore s'accroître avec le développement massif des énergies intermittentes, avec la fin des véhicules thermiques en 2035, avec la construction de data centers, avec les batteries, etc. L'augmentation de cette dépendance s'illustre déjà sur le marché mondial des éléments de terres rares. C'est pourquoi M. le député interroge Mme la ministre sur la dépendance de la France à l'égard des métaux stratégiques. Il souhaiterait connaître précisément le degré de dépendance de la France sur les aimants permanents à base de terres rares, sur le magnésium, sur le silicium métallique et sur les platinoïdes. Enfin, il souhaiterait connaître les prévisions de la dépendance budgétaire de la France dans les prochaines années sur les terres rares.
L'essentiel des technologies clés de la décarbonation requiert des métaux et autres matières premières critiques en quantité toujours plus importantes. Cela risque de créer des tensions d'approvisionnement du fait soit de leur rareté au niveau mondial, soit de la concentration des principaux gisements ou des moyens de raffinage hors d'Europe. Il s'agit, en particulier, du lithium, du nickel, du graphite ou du cobalt pour les batteries des véhicules électriques, ou encore des terres rares pour les aimants permanents des moteurs électriques ou des alternateurs dans les éoliennes. Conscient de ces enjeux, le Gouvernement a engagé plusieurs actions structurantes afin de renforcer l'autonomie stratégique des filières industrielles et d'assurer une sécurité d'approvisionnement à ces dernières. Le premier axe de cette stratégie repose sur un code minier renouvelé qui nous permet de disposer des outils juridiques nécessaires au développement de projets miniers responsables et compatibles avec notre ambition environnementale. Les dispositions nouvelles qui ont été introduites dans la loi du 22 aout 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets vont contribuer à la relance économique en accélérant les procédures de délivrance des titres miniers mais également à définir une véritable stratégie pour l'exploitation des ressources de notre sous-sol avec l'établissement d'une politique nationale des ressources et des usages du sous-sol pour une gestion minière durable. Cinq ordonnances et plusieurs textes réglementaires ont été publiés en 2022 et ont complété ces dispositions. Les derniers textes réglementaires sont en cours de finalisation afin de permettre l'entrée en vigueur au plus tard mi-2024 des dernières dispositions de la réforme. Le second axe repose sur la mise en œuvre d'une stratégie de sécurisation de l'approvisionnement en matières premières minérales, sous l'égide notamment de la Délégation interministérielle aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques, créée fin 2022. À ce titre, le Gouvernement a souhaité concentrer un effort public majeur de plus de 900 millions d'euros dans le cadre de France 2030 afin notamment de soutenir des projets et de renforcer l'approvisionnement en matières premières critiques de nos filières industrielles stratégiques : 350 M€ pour un appel à projets « métaux critiques » pour soutenir via des subventions des projets, en particulier de production, transformation, raffinage et recyclage de métaux prioritaires. Il a pour objectif de réduire la dépendance aux métaux critiques de l'industrie pour les politiques prioritaires de la France dans les champs industriels, environnementaux et climatiques. Par ailleurs, des projets de recyclage pourront également être soutenus par l'appel à projet « recyclabilité, recyclage et réincorporation des matériaux (RRR) » qui cible des solutions innovantes dans 6 thématiques dont les métaux stratégiques. 500 M€ pour accompagner, aux côtés des acteurs privés, le lancement par Infravia d'un fonds d'investissement dédié aux métaux critiques. : L'objectif de ce fonds est de contribuer à la sécurisation des approvisionnements des industriels français et européens, par des prises de participation en fonds propre et la mise en place de contrats d'approvisionnements de long terme, aux côtés d'opérateurs industriels, dans l'amont de la chaîne de valeur de la transition énergétique (mines, raffinage, première transformation, recyclage) avec, comme première priorité, l'amont de la mobilité électrique. 6 M€ pour la création de l'Observatoire Français des ressources minérales pour les filières industrielles (OFREMI) associant établissements publics (Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Commissariat à l'énergie atomique (CEA), Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), IFP Énergies nouvelles (IFPEN), CNAM, Institut français des relations internationales (IFRI) ) sous l'égide du BRGM et fédérations industrielles. L'OFREMI est une structure d'analyse et d'appui de l'État pour la conduite de cette politique publique. L'action du Gouvernement vise donc à renforcer les dynamiques les écosystèmes locaux pour les implantations industrielles relatives aux différents stades de valeur ajoutée (extraction, raffinage, composants de batteries, recyclage). En ce qui concerne vos interrogations spécifiques relatives aux terres rares utilisées pour leurs propriétés magnétiques exceptionnelles, aujourd'hui l'entièreté de la chaine de valeurs des terres rares allant de l'extraction, au raffinage et jusqu'à la fabrication des aimants permanents est très dépendante de la Chine. Cette dernière fournit 98 % de l'approvisionnement de l'UE en terres rares. Toutefois des projets français pourraient permettre de réduire nos dépendances. Pour la phase de séparation de terres rares, deux projets français portés par les entreprises Carester et Solvay devraient voir le jour en France, dans les prochaines années. Le premier est celui de la société Carester qui vise essentiellement la séparation des terres rares lourdes. Le second porté par Solvay, vise à séparer à la fois des terres rares légères et des terres rares lourdes. En plus de l'extraction et de la séparation des terres rares, le recyclage permet de jouer un rôle important dans la sécurisation des approvisionnements, mais ne remplacera jamais totalement l'extraction et le traitement des terres rares. Trois projets de recyclage des aimants permanents où les entreprises françaises seront à la fois opérateurs de recyclage et productrices de terres rares sont également en cours de développement : MagREEsources, Orano, PORAL/REEfine (vise de produire 250t de poudres magnétiques en 2025). De plus, des contacts sont noués avec les autorités japonaises pour étudier la possibilité d'implanter une usine d'aimants en France.
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