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Joëlle Mélin
Question N° 6715 au Ministère de l’europe


Question soumise le 28 mars 2023

Mme Joëlle Mélin interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'enquête sur les sabotages de Nord Stream 1 et 2. Financé pour parti par Gazprom, le Nord Stream 2 est un projet conjoint également financé par plusieurs sociétés énergétiques européennes dont une française : Engie. Le projet a été lancé en 2011 pour étendre la ligne Nord Stream et doubler la capacité annuelle à 110 milliards de mètres cubes. La construction du pipeline a coûté 9 milliards d'euros. Le 26 septembre 2022, les gazoducs Nord Stream en mer Baltique sont sabotés, occasionnant d'importantes fuites de gaz. La première, sur Nord Stream 2, est découverte au sud-est de l'île danoise de Bornholm. Plusieurs heures plus tard, deux autres fuites sont découvertes sur Nord Stream 1 au nord-est de l'île. Il apparait rapidement qu'il s'agit d'un acte délibéré, des traces d'explosifs étant relevées. Le journaliste américain indépendant Seymour Hersh accuse les États-Unis d'avoir saboté les deux gazoducs sous-marins Nord Stream 1 et 2. Selon lui : « En juin dernier, les plongeurs de l'US Navy, opérant sous le couvert d'un exercice de l'Otan largement médiatisé au milieu de l'été, connu sous le nom de BALTOPS 22, ont placé les explosifs déclenchés à distance qui, trois mois plus tard, ont détruit trois des quatre pipelines de Nord Stream », affirme Hersh sur son blog, en citant « une source ayant une connaissance directe de la planification opérationnelle ». De son côté l'enquête officielle traine en longueur. Il y a quelques jours, le secrétaire d'État à la défense suédois Peter Sandwall, de passage à Paris pour une conférence de l'Ifri, restait évasif : « Elle est toujours en cours », répondait-il. Plus de cinq mois après les faits, les explosions qui ont touché les deux gazoducs russes Nord Stream 1 et 2 n'ont pas encore d'auteur identifié. La Suède, le Danemark, les Pays-Bas et l'Allemagne sont aidés dans leur enquête par les États-Unis. Mais les conclusions tardent. Aussi au titre de sa participation au capital d'Engie, Mme la députée interroge Mme la ministre sur ces graves évènements où les intérêts de la France ont été attaqués et menacés. Ces deux gazoducs sous-marins sont des infrastructures stratégiques et critiques pour la garantie des approvisionnements en énergie du pays : aussi, elle lui demande quelles actions sont mises en place par ses services afin de contribuer à l'enquête, la faire progresser, et protéger - à l'avenir - ce type d'infrastructures.

Réponse émise le 6 juin 2023

Les projets Nord Stream et Nord Stream 2 reliaient la Russie à l'Allemagne et sont chacun constitués de deux gazoducs qui ont été les cibles de plusieurs actes de sabotage le 26 septembre 2022, au large de l'île de Bornholm. Le premier projet, Nord Stream, a été mis en service en 2012. Il appartient à la société Nord Stream AG, dont Gazprom détient 51 %, les sociétés allemandes Wintershal Dea et Uniper 15,5 % chacune, et la société néerlandaise Gasunie 9 %, tout comme Engie. Le second projet, Nord Stream 2, est propriété de la société Nord Stream 2 AG, détenue à 100 % par Gazprom qui exploite ce projet. Basée en Suisse, la société Nord Stream 2 AG a été créée pour mener à bien le projet, depuis sa planification jusqu'à son exploitation, en passant par sa construction. Gazprom a financé la moitié du projet, d'un coût total de 10 milliards d'euros. L'autre moitié a été financée grâce aux prêts de 5 entreprises européennes – la néerlandaise Shell, les allemandes Wintershall Dea et Uniper, l'autrichienne OMV, et Engie – qui ont chacune octroyé environ 1 milliard d'euros. Ces entreprises européennes agissaient dans le cadre de ce projet comme de simples financiers et n'étaient donc pas co-détentrices de l'infrastructure. Les sanctions américaines et européennes envers la Russie en réponse à son agression à l'encontre de l'Ukraine ont exposé ces entreprises, dont Engie en tant que prêteur, à un risque de crédit - pour un montant de 987 millions d'euros s'agissant de l'entreprise française. Ce risque s'est matérialisé le 1er mars 2022, avec le dépôt de bilan de la société Nord Stream 2 AG, faisant suite à l'entrée en vigueur de ces sanctions, le même jour. La France et l'Europe sont résolues à mettre fin à leurs importations de gaz russe à l'horizon 2027. Les actes de sabotage qui ont touché Nord Stream 1 et 2 ont été à plusieurs reprises dénoncés par les autorités françaises, à titre national, au niveau européen comme au sein de l'OTAN. La ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'est exprimée publiquement à ce sujet le 27 septembre 2022, en indiquant que, sur la base des éléments alors disponibles, un certain nombre d'indices convergents conduisaient à écarter la piste accidentelle et qu'il semblait très probable qu'une intervention délibérée ait occasionné ces explosions. Nous avons toute confiance dans les autorités suédoises, danoises et allemandes, chargées d'enquêter sur l'origine de ces incidents. Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité des Nations unies en février dernier, les autorités de ces trois pays faisaient état de leurs enquêtes préliminaires selon lesquelles les gazoducs avaient été endommagés par de « puissantes explosions dues à un sabotage ». Selon le parquet suédois, les analyses réalisées démontreraient des traces d'explosifs sur plusieurs objets découverts sur place. Les résultats de ces enquêtes devraient permettre d'identifier les auteurs de ces incidents qui, s'ils s'avéraient criminels, les exposeraient à une poursuite devant la justice pénale. Les incidents ayant eu lieu dans les zones économiques exclusives suédoises et danoises, à quelques kilomètres des côtes allemandes, les autorités de ces trois pays sont seules autorisées à diligenter les enquêtes permettant d'établir leur origine. C'est pourquoi le 27 mars dernier, la France s'est abstenue, aux côtés de douze autres membres du Conseil de sécurité des Nations unies, sur le projet de résolution portant création d'une Commission d'enquête internationale sur le sabotage des gazoducs Nord Stream, présenté par la Russie.

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