Mme Violette Spillebout appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la pénurie de médecins du travail dont sont victimes les habitants du Nord. Mme la députée a été sollicitée par une habitante de sa circonscription, actuellement en mission de recrutement pour plusieurs entreprises du Nord. Une récente étude de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) informe que 67 % des services de ressources humaines (RH) disent pâtir du manque de médecins du travail. Les témoignages des travailleurs du département de Mme la députée y font directement échos. Par exemple, dans le Dunkerquois, plusieurs entreprises seraient touchées par le manque crucial de médecins du travail. Face à leurs difficultés, les agences d'intérim pourraient fournir du personnel complémentaire. Or les délais pour passer les visites médicales sont trop importants aujourd'hui. Après avoir démarché le centre de développement de la santé au travail, les directeurs des ressources humaines des entreprises nordistes sont face au mur. Aucun médecin du travail n'est disponible dans un délai raisonnable. La pénurie de médecins du travail est un problème majeur qui affecte de nombreux secteurs d'activité, en particulier les entreprises et les organisations qui ont besoin de soutenir la santé et le bien-être de leurs employés. Aussi, alors que cette fracture sanitaire ne concerne pas que le département du Nord et touche toutes les spécialités, elle le sollicite pour savoir quelles mesures peuvent être mises en place afin d'aider les entreprises qui cherchent à recruter.
Le constat de la faiblesse de la démographie médicale dans le domaine de la santé au travail résulte d'une évolution structurelle observée au niveau national : selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), les effectifs de médecins du travail salariés sont en effet passés de 5 108 en 2012 à 4 298 en 2022, soit une baisse de 15% en 10 ans. Cette évolution s'inscrit dans la diminution globale des effectifs médicaux constatée au niveau national au cours des dernières années, notamment en matière de santé publique. Dans ce contexte de pénurie, la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, transposant l'accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux le 10 décembre 2020, crée de nouveaux outils pour permettre aux services de prévention et de santé au travail (SPST) de réaliser leurs missions auprès des entreprises et des salariés, afin notamment d'assurer l'organisation des visites médicales dans les délais réglementaires. Un des axes retenus par la loi a été de libérer du temps médical en étendant les missions d'autres professionnels de santé et notamment des infirmiers de santé au travail. Le décret d'application du 26 avril 2022 étend ainsi les possibilités de délégation de visites aux infirmiers. Désormais, l'ensemble des visites assurées dans le cadre du suivi individuel de l'état de santé pourra être délégué, à l'exception des visites d'embauche et périodiques des salariés en suivi individuel renforcé ainsi que les visites post-exposition et de fin de carrière. Cette délégation est encadrée par des protocoles et effectuée sous la responsabilité du médecin du travail, dans les limites strictes prévues par l'article R. 4623-14 du code du travail. Elle permettra notamment aux médecins de se concentrer sur les suivis complexes ou prioritaires. La loi crée par ailleurs un cadre très clair pour permettre aux SPST de recourir aux outils de télésanté au travail, déjà largement mobilisés dans le cadre de la crise sanitaire. Les consultations à distance donnent de la souplesse aux services dans leur organisation, tout en respectant le consentement des salariés et en préservant la qualité du suivi. La télésanté représente une solution intéressante pour répondre aux besoins des entreprises et salariés situés dans des territoires sous dotés en termes de ressources médicales. Par ailleurs, le recours possible à des médecins de ville - dits « médecins praticiens correspondants » - pour les visites les plus simples, dans le cadre de protocoles de collaboration conclus avec les SPST, est un autre outil prévu par la loi du 2 août 2021 pour répondre à la problématique de la pénurie de médecins du travail. Cette mesure, qui sera mise en œuvre en 2023, ouvre de nouvelles possibilités de recrutement dans les territoires concernés par la pénurie de médecins du travail. De plus, le nombre de postes ouverts à la procédure d'autorisation d'exercice des médecins diplômés dans un pays situé en dehors de l'Union européenne pour la spécialité de médecine du travail a été relevé de manière significative, passant de 5 à 65 postes pour la session 2023. Cette mesure représente de nouvelles possibilités de recrutements à venir pour les SPST. Enfin, d'un point de vue plus structurel, une réflexion sera engagée avec le ministère de la santé et de la prévention ainsi qu'avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, afin de renforcer l'attractivité de la médecine du travail auprès des étudiants en médecine et de faciliter les passerelles entre la médecine du travail et les autres spécialités médicales.
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