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Géraldine Bannier
Question N° 663 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 9 août 2022

Mme Géraldine Bannier interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église dirigée par Jean-Marc Sauvé : 330 000 mineurs victimes de violence depuis 1950, l'onde de choc est considérable. Pour reprendre les mots du rapporteur : « Ces nombres sont accablants et ne peuvent en aucun cas rester sans suite ». Et encore s'agit-il là d'une « estimation minimale », prévient l'auteur du rapport. Plus de la moitié de ces violences identifiées, qui concernent à 80 % des garçons et sont le fait essentiellement de religieux mais aussi de laïcs, ont été commises dans les années 1950 à 1969. Leur nombre a diminué dans les années 1970 à 1990, en relation avec la baisse des effectifs des prêtres et religieux, avant de se maintenir à leur niveau. « Il faut se départir de l'idée que les violences sexuelles dans l'Église catholique ont été complètement éradiquées, que le problème est derrière nous. Le problème subsiste. », met en garde Jean-Marc Sauvé. 45 recommandations, dont la reconnaissance de la responsabilité de l'Église ont été émises. Jean-Marc Sauvé évoque surtout l'indemnisation des victimes, option préférable à un allongement des délais de prescription, « qui ne peut engendrer que des douleurs pour les victimes ». Nombre d'entre elles, de fait, sont tombées sous la prescription, fixée à trente années après la majorité de la victime, et la recherche de la preuve, on le sait, est complexe. La commission estime aussi que la procédure pénale canonique doit être ouverte aux victimes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Par ailleurs, le secret de la confession « ne peut être opposé à l'obligation de dénoncer des atteintes graves sur mineurs ou personnes vulnérables », recommande Jean-Marc Sauvé. Il prône également des entretiens annuels dans l'Église catholique, « avec des traces écrites » et une meilleure formation des religieux. Jean-Marc Sauvé en appelle à une réforme du droit de l'Église et la commission dit avoir « pris acte » de la réforme du droit canonique entrée en vigueur le 8 décembre 2021. Les agressions sexuelles passeront notamment de « la catégorie des offenses à la chasteté à la catégorie des atteintes à la vie et à la dignité des personnes ». La commission a agi aussi face aux révélations et son président évoquait ainsi le nombre de 22 saisines. Il expliquait également avoir saisi « des évêques ou des supérieurs majeurs de congrégation » dans plus de 40 dossiers, « pour les informer d'infractions prescrites dont l'auteur est toujours vivant ». L'épiscopat a réagi en exprimant « sa honte et son effroi ». Aussi, elle souhaite savoir ce que va faire l'État pour accompagner l'Église catholique dans ce travail, accompagner les victimes surtout et aider davantage les enfants et adolescents victimes à mieux comprendre et dénoncer les actes pédocriminels où qu'ils puissent survenir (milieu familial, associatif, structures éducatives, religieuses, lieux d'apprentissage), derrière la bienveillance apparente d'adultes en réalité malades.

Réponse émise le 15 août 2023

S'agissant de la lutte contre les abus sexuels dans l'Eglise catholique, compte tenu de l'ampleur des agissements qu'il a révélés, la remise du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (CIASE), le 5 octobre 2021, constitue un moment déterminant. À la suite de sa publication, les instances catholiques se sont engagées dans un long travail dès novembre 2021. La Conférence des Evêques de France (CEF) et la Conférence des religieux et religieuses en France (CORREF) ont reconnu le caractère « systémique » des abus et la responsabilité institutionnelle de l'Eglise, ces propos revêtant une importance majeure, en rompant avec des habitudes de silence ou de rejet de la faute sur des responsabilités individuelles. Ces instances ont lancé un processus de reconnaissance et de réparation des victimes : la CORREF a créé, en novembre 2021, la Commission reconnaissance et réparation (CRR) et la CEF a instauré, en février 2022, l'Instance nationale de reconnaissance et de réparation (INIRR). Un outil de financement a été créé avec le Fonds de solidarité et de lutte contre les agressions sexuelles sur mineur (SELAM), chargé de verser les réparations financières et abondé par l'Eglise catholique à hauteur de 20 millions d'euros. Selon son rapport annuel 2022, l'INIRR indique avoir reçu 1133 saisines de personnes victimes ; son collège a rendu 142 décisions. Dans son rapport d'activité 2022, la CRR fait état de 604 saisines, de 277 demandes instruites et de 112 recommendations de réparation. Si les associations de victimes regrettent le temps d'instruction des dossiers, elles reconnaissent la difficulté de ce type de démarche et ont pris note de l'accompagnement proposé. À la suite de la dernière assemblée plénière de novembre 2022, la CEF a annoncé plusieurs changements dans la gestion de ces affaires. Un conseil de suivi « Vos estis lux mundi » a été créé afin d'accompagner la hiérarchie de l'Eglise catholique dans le traitement des affaires et de faciliter la communication avec le Vatican et la justice civile française. Par ailleurs, un Tribunal pénal canonique national (TPCN) a été institué le 5 décembre 2022. Composé de 13 magistrats (8 prêtres et 5 laïcs, dont 4 femmes), il sera compétent pour les affaires liées aux abus sexuels commis sur des personnes majeures. Les affaires impliquant des évêques et celles concernant les abus sexuels commis sur des personnes mineures resteront prises en charge par le dicastère pour la doctrine de la foi du Vatican. Les mesures adoptées en France interviennent parallèlement aux mesures du Saint-Siège prises pour l'ensemble de l'Eglise catholique à l'initiative du Pape François. Dès avant la publication du rapport de la CIASE, le Saint-Siège a adopté de nouvelles mesures afin de lutter contre les abus sexuels sur mineurs. Le 9 mai 2019, une lettre apostolique a été publiée, en forme de Motu proprio, intitulée « Vos estis lux Mundi ». Cette lettre prévoit la création, dans chaque diocèse, d'une structure facilement accessible au public et permettant de recevoir des signalements. Elle introduit également une obligation pour les clercs et religieux de signaler les abus. Elle a été complétée, le 16 juillet 2020, par la publication d'un « Vademecum sur quelques points de procédure dans le traitement des cas d'abus sexuel sur mineur commis par des clercs ». Ce document apporte aux évêques et aux juristes de l'Eglise catholique un appui pour appliquer le droit canonique et détaille les procédures à suivre dans les affaires d'abus sexuel. Il prévoit également une « collaboration » entre l'Eglise et l'État, les autorités ecclésiales étant invitées à déposer une plainte auprès de la justice civile lorsque cela doit être fait, et les enquêtes internes à l'Eglise devant être menées dans le respect des lois civiles. Dans le respect de la loi de séparation des Eglises et de l'État, le Gouvernement suit attentivement les différentes mesures prises par la CEF et par la CORREF. Il prend note de la volonté des responsables de ces deux instances de lutter contre les abus, d'accompagner les victimes et de travailler plus étroitement avec l'autorité judiciaire. À travers un dialogue nourri avec l'Eglise catholique de France, il s'assurera, dans la durée de la réalité de la mise en œuvre des mesures annoncées pour que les victimes soient prises en considération à la mesure de ce qu'elles ont enduré et que tout soit fait, au sein de l'Eglise et au-delà, pour que les agissements qu'elles ont subis ne puissent plus se reproduire.

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