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Sylvain Carrière
Question N° 6466 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 21 mars 2023

M. Sylvain Carrière interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la gestion de la crise de l'Influenza aviaire pour la saison 2022-2023. Le monde et la France traversent une crise sans précédent d'influenza aviaire, maladie sourcée depuis des centaines d'années mais que la densification et l'industrialisation de l'aviculture ont intensifié. Aujourd'hui, la forme qui pose le plus problème du fait de sa virulence et de sa fatalité est l'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Cette influenza est hautement problématique en matière de santé publique car elle a un fort potentiel de mutation. De nombreux cas de contaminations de mammifères ou d'hommes ont déjà été décelés, on parle alors de grippe aviaire, qui est toute aussi létale chez les personnes contaminées que l'influenza pour les oiseaux. Pour le moment, aucune souche n'a muté de manière à se transmettre d'homme à homme, c'est justement la situation à éviter. En cas de contamination d'un mammifère au génome proche du nôtre comme le cochon, également porteur d'une grippe humaine, un réassortiment viral entraînera une pandémie sans précédent. Ainsi, la lutte contre l'influenza est nécessaire, en France comme dans le monde. Lors de la saison 2021-2022 ce sont 22 millions d'oiseaux qui ont été abattus dans le pays et 11 millions dans le seul Sud-Ouest, dont l'immense majorité de manière préventive. La stratégie gouvernementale s'est axée autour d'un principe de précaution. Les 1 378 foyers découverts ont donné lieu à des zones de protection à 3 kilomètres autour du foyer et des zones de surveillance à 9 kilomètres qui entraînaient pour la plupart un abattement préventif pour les élevages. Dans tous les cas, même lorsque l'abattage n'a pas lieu, une claustration a été rendue obligatoire. Ainsi, les élevages intensifs composés de plusieurs dizaines de milliers d'oiseaux peuvent continuer l'activité, en intégrant plus de paramètres de biosécurité. Cependant, ceux-ci se sont révélés inefficaces car de nombreux élevages, en claustration ont été contaminés. Cela se fait via la nourriture qui est livrée par les mêmes sociétés pour plusieurs élevages, via les vétérinaires qui possèdent des résidus sur les habits qu'ils portent tels que le révèlent des paysans rencontrés dans la circonscription. Le fonctionnement segmenté et intensif de la filière volaille est donc le problème principal dans la dissémination du virus. Les élevages plein air, souvent composés pour leur part d'un cheptel de moindre importance ont vu leur activité très affectée. N'étant pas forcément des lieux clos pouvant permettre une claustration, ils se sont vus dans l'obligation d'effectuer un dépeuplement. Les cahiers des charges ont également été modifiés permettant d'appeler un poulet « poulet en plein air » alors que ce dernier n'a jamais vu le jour. Le Gouvernement, dans ses sources de préconisations officielles cite la claustration comme la seule mesure efficace afin d'endiguer la maladie. Pourtant, ce ne sont pas les recommandations officielles de l'ANSES. En effet, l'agence de santé publique annonce qu’« il n'est pas possible pour le groupe d'expertise collective d'urgence de déterminer si les galliformes (poulets, dindes, poules pondeuses etc.) ayant un accès à l'extérieur ont été plus touchés par l'introduction du virus que les autres ». Et ajoute recommander « la diminution de la densité des élevages et d'oiseaux en élevage », source de contaminations et de mutations qui permettent de rendre l'influenza plus résistance et plus virulente. De plus, la crise de 2022 a été aggravée par la saturation des services d'abattage et d'équarrissage, laissant des élevages entiers, contaminés ou non, des jours durant à attendre d'être dépeuplés. En plus de s'avérer inefficace dans la limitation de la propagation, la claustration s'est révélée cruelle pour le bien-être des animaux. L'Anses annonce ainsi que seule la mise en place par la direction générale de l'alimentation (DGAL) d'un centre de données uniques coordonnée par un épidémiologiste permettrait de coupler le suivi des populations de volailles ainsi que les foyers et ainsi disposer d'un outil de suivi en temps réel. Dès lors, alors que seulement 35 basses-cours ont été contaminées sur les 1 500 foyers, alors que les petits élevages paysans possèdent moins de têtes et donc un moins fort potentiel de saturation en cas d'abattage massif, unique limitant dans l'urgence de lutte contre l'influenza aviaire, pourquoi s'acharner dans des logiques de court termes qui sont les mêmes depuis des années ? Les milliards de compensation annuels n'y changeront rien, c'est la vie paysanne qui doit être préservée, c'est le savoir-faire des territoires et le terroir associé à l'élevage aviaire. Il faut mettre en place une limitation du nombre de têtes par élevage et par entité géographique, permettant d'absorber un abattage massif en cas d'urgence. De nombreux collectifs paysans, qui ne défendent pas une agriculture intensive ont demandé à rencontrer M. le ministre pour discuter d'une filière plus soutenable. Dès lors, il lui demande si les recommandations de l'Anses en matière de réduction de la densité intra et inter élevage est envisagée dans la lutte contre l'influenza aviaire et si le fonctionnement par filière industrielle ultra segmentée est remis en cause.

Réponse émise le 5 septembre 2023

Cette année la France et l'Europe ont de nouveau été touchées par une épizootie d'influenza aviaire (IA) avec des conséquences dramatiques pour la filière avicole et une mortalité importante des oiseaux sauvages. Le virus responsable de cette épizootie a évolué en un variant au comportement inhabituel pour un virus influenza et a commencé à infecter de façon massive des oiseaux marins et notamment des oiseaux de la famille des Laridés (mouettes, goélands) depuis l'été 2022. La région des Pays de la Loire, premier bassin français de sélection-accouvage a été fortement touchée, ce qui fragilise les capacités de reprise de la production sur l'ensemble du territoire national. C'est pourquoi le Gouvernement a mobilisé sans délai des moyens importants pour, d'une part, contenir l'épizootie, d'autre part, apporter un soutien approprié aux professionnels. Ainsi, à l'échelle nationale, le montant prévisionnel d'indemnisation économique et sanitaire atteint près de 1,1 milliard d'euros pour la crise sanitaire 2021-2022, sans compter les moyens mobilisés par ailleurs dans le cadre du régime d'activité partielle. La diversité des productions et de leurs maillons (sélection-accouvage, éleveurs, aval) sont couverts par les dispositifs d'indemnisation. À date, 403 foyers en élevage ont été recensés depuis le 1er août 2022. La situation sanitaire apparaît désormais complètement stabilisée grâce à l'action concertée entre les services de l'État et les professionnels ayant rendu possible le déploiement de mesures innovantes et courageuses, comme la réduction des densités de volailles, pour contenir et réduire progressivement le nombre de foyers hebdomadaires. La vigilance reste cependant de mise en raison de la contamination de la faune sauvage qui reste élevée sur tout le territoire national. L'État déploiera également en 2022-2023 des dispositifs d'indemnisation pour l'ensemble des maillons (sélection-accouvage, éleveurs, aval) afin d'apporter une réponse à la mesure de la détresse, notamment financière, des acteurs touchés. Le barème d'indemnisation des volailles abattues pour la crise 2022-2023 est, en particulier, revalorisé à partir des coûts de production du trimestre ayant concentré le plus d'abattages, soit le 4e trimestre 2022. De plus, afin d'apporter une solution aux difficultés immédiates de trésorerie, les mesures de soutien économique à destination des élevages prévoient un mécanisme d'avance. Dans ce même objectif, le taux d'acompte pour les indemnisations sanitaire est rehaussé à l'échelle nationale de 75 % à 85 % pour les abattages ordonnés à compter du 1er mai 2023. Plus largement, le soutien financier de l'État auprès des éleveurs impactés par la crise 2022-2023 a été réfléchi dans une logique globale d'accompagnement de la filière volailles pour sécuriser l'avenir. Le financement, d'une part, de la réduction des densités de canards dans les 45 communes les plus densément peuplées en palmipèdes dans le Grand-Ouest dans l'attente de la vaccination et, d'autre part, de 85 % du coût total de la campagne de vaccination offre, en effet, des outils dont les professionnels peuvent se saisir pour lutter contre l'influenza aviaire. À cet égard, la préparation du déploiement de la campagne de vaccination contre l'influenza aviaire se poursuit conformément au calendrier annoncé et vient de franchir une nouvelle étape avec la définition du schéma vaccinal privilégié. La vaccination s'appliquera de manière obligatoire à tous les élevages commerciaux de canards (Pékin, Barbarie et mulard) sur l'ensemble du territoire métropolitain (hors Corse), pendant toute l'année. La vaccination restera volontaire pour les élevages de canards reproducteurs dont la production (oiseaux d'un jour ou œufs à couver) est destinée au commerce national exclusivement. La vaccination des canards reproducteurs dont les produits sont destinés à l'exportation est interdite afin de ne pas bloquer certains flux commerciaux d'exportation. Le retour d'expérience de la crise 2022-2023, actuellement conduit sous l'égide du ministère chargé de l'agriculture en lien avec l'ensemble des parties prenantes, permettra d'identifier comment renforcer l'efficacité des mesures et moyens déployés afin de lutter contre ce virus. Par ailleurs, la réflexion visant à construire une stratégie partagée pour renforcer la résilience de la filière avicole vis-à-vis des risques sanitaires se poursuit. Les thématiques identifiées concernent notamment la génétique aviaire, la biosécurité et l'intégration des élevages dans les territoires. Enfin, à l'initiative du ministère chargé de l'agriculture, une centaine d'élevages participera jusqu'à la fin mai 2025 à une expérimentation destinée à identifier et évaluer des mesures de prévention sanitaire spécifiques à l'élevage en plein air. Ce projet -qui associe des acteurs professionnels agricoles, les instituts techniques et l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail- devra aboutir à la formulation de recommandations d'évolutions, y compris réglementaires.

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