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Mélanie Thomin
Question N° 6358 au Ministère de la santé


Question soumise le 14 mars 2023

Mme Mélanie Thomin alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'application de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 et les suites du rapport remis le 1er mars 2023 par le professeur Yves Ville à l'Académie de médecine. L'article 33 de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification dispose de mesures visant à encadrer le recours à l'intérim médical. En particulier la loi de 2021 prévoit le rejet automatique par le comptable public d'une prestation de travail temporaire excédant les seuils fixés par l'article R. 6146-26 du code de la santé publique et le déferrement par le directeur régional de l'ARS devant le tribunal administratif des situations de contrats illégaux avec des professionnels de santé intérimaires. Pourtant, l'application de ces dispositions a été plusieurs fois décalée tant le respect des modes de contrat et du plafond journalier de tarification, pourtant introduit en 2017, demeure délicat. La participation des cliniques privées à la politique de modération tarifaire reste également incertaine. Le Gouvernement semble toutefois déterminé à publier le décret d'application en vue d'une entrée en vigueur pour le 3 avril 2023. Les établissements de soin partout sur le territoire et en particulier dans les départements ruraux comme le Finistère craignent une dégradation sensible du service. Les effets délétères de la tarification excessive de l'intérim médical sont avérés. En forte croissance, ce phénomène appelle une réponse urgente. En 2013, le rapport Véran sur l'emploi médical temporaire à l'hôpital estimait que 6 000 médecins occupaient des postes vacants à l'hôpital via des missions d'intérim, générant un surcoût pour les établissements de santé de plus de 500 millions d'euros. En 2018, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) lors d'une audition devant le Sénat évaluait ce surcoût à 1,42 milliard d'euros, soit un quasi-triplement en 5 années. Cette croissance de l'intérim médical compromet tout d'abord la cohésion des équipes soignantes, qui voient cohabiter des personnels engagés dans la durée et des personnels exerçant parfois une seule journée et en moyenne quelques semaines. Elle rend difficile ensuite la conception et la mise en œuvre de projets de santé répondant à des besoins de santé territoriaux. Surtout, elle compromet la situation financière des établissements de santé contraints de faire appel à l'intérim médical. Le coût horaire d'un professionnel de santé en intérim est très largement supérieur à celui des professionnels de santé titulaires. À titre d'exemple, des contrats de professionnels de santé prévoient des rémunérations allant de 10 000 à 20 000 euros nets par mois. Souvent situés en déserts médicaux, ces derniers sont alors condamnés à une double peine : le manque d'attractivité auprès des professionnels de santé et la dégradation de leur situation financière, souvent prélude à des contrats de reprise de la dette pilotés par l'ARS. Enfin, le recours à des prestations intérimaires n'offre pas un cadre adéquat pour garantir une qualité des soins optimale. Initialement conçu par la loi comme un palliatif aux problèmes conjoncturels d'attractivité que peuvent rencontrer les établissements publics de santé, le recours à l'intérim médical est devenu structurel, dans un contexte de crise des professions du soin. Face à ce phénomène, l'ensemble des collectifs hospitaliers appellent à combattre l'intérim à la racine en mettant en œuvre une large revalorisation des salaires, une profonde amélioration des conditions de travail, des recréations de postes et le retour d'équipes soudées, stables et multi-professionnelles. Ces mesures fortes seront les seuls à faire perdre de l'intérêt à l'intérim médical auprès de ceux qui l'exercent aujourd'hui. Plus récemment, la presse s'est faite le relai d'un rapport remis par le professeur Yves Ville à l'Académie de médecine le 1er mars 2023, lequel recommande la fermeture d'une centaine de maternités. Ces maternités, dont nombre sont en zone rurale voir en désert médical, à l'instar de celles de Carhaix et Landerneau en Finistère, continuent pourtant à assurer la continuité et l'accessibilité du service public de santé pour les Français malgré une baisse régulière des moyens. Dès lors, la mise en œuvre de la loi du 26 avril 2021 constitue pour ces établissements un risque particulier. La baisse des moyens alloués par l'État ne devrait pas ici encore servir de prétexte aux fermetures. Toutefois, cette crainte existe pour beaucoup d'usagers du service public hospitalier. Si les objectifs de loi du 26 avril 2021 sont consensuels, son application ne doit pas faire l'impasse sur les difficultés engendrées ni faire l'économie d'un renouvellement de la stratégie de maillage territorial des services de santé au plus près des citoyens. C'est pourquoi elle souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement souhaite entreprendre d'une part pour accompagner la mise en œuvre de la loi du 26 avril 2021 et d'autre part renforcer l'offre de soin de proximité, en particulier le maintien de maternités en zones périphériques et rurales.

Réponse émise le 2 mai 2023

Outre son impact financier majeur sur les budgets des établissements de santé, un recours dérégulé à l'intérim médical, hors du cadre réglementaire, engendre une déstabilisation des services hospitaliers et des équipes médicales et soignantes susceptible de nuire à la qualité des soins. La fragilité de la démographie médicale dans certains territoires génère ainsi une tension sur le marché de l'emploi médical et une forte concurrence entre établissements pour l'accès aux ressources humaines médicales rares, favorisant ces pratiques dérégulées. Les dispositions de l'article 33 de la loi Rist du 26 avril 2021 visant à lutter contre les dérives de l'intérim sont entrées en vigueur depuis le 3 avril 2023. Elles permettent, d'une part, aux comptables publics de bloquer les rémunérations des contrats d'intérim médical dépassant le plafond réglementaire ou ne respectant pas les conditions fixées par la réglementation et, d'autre part, aux agences régionales de santé de renvoyer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers dont les montants excèdent les plafonds réglementaires, conclus avec des entreprises de travail temporaire ou directement conclus entre praticiens et établissements publics de santé. Des travaux préparatoires à la mise en œuvre de ces contrôles ont été conduits depuis l'automne 2021, au niveau national et régional, pour mobiliser le territoire afin de répondre aux besoins de santé de la population. Toutes les concertations menées depuis le début d'année 2023 ont permis d'anticiper la mise en œuvre de ces dispositions et de rechercher des solutions adaptées à chaque territoire en lien avec les agences régionales de santé (ARS), les élus et les établissements de santé. Des solutions alternatives sont travaillées dans chaque territoire en fonction de leurs spécificités et des ressources mobilisables. Tous les acteurs de santé, publics comme privés, sont mobilisés pour assurer la continuité et la permanence des soins. L'engagement du Ministre de la santé et de la prévention est qu'aucun patient ne reste sans solution. Une charte d'engagement solidaire a d'ailleurs été signée au niveau national par l'ensemble des fédérations d'établissements de santé. Une organisation dédiée est mise en place au sein du ministère de la santé et de la prévention pour identifier et suivre les situations les plus signalées. Ces dispositifs de contrôle s'accompagnent en parallèle de mesures d'attractivité vis-à-vis des praticiens. Ainsi, en décembre 2021, une prime de solidarité territoriale (PST) visant à encourager les remplacements de praticiens entre établissements publics de santé au-delà de leurs obligations de service par la mutualisation des ressources humaines médicales à l'échelle d'un territoire a été créée. Elle permet par exemple de rémunérer environ 1 700 € brut un praticien qui réaliserait 24h de travail un dimanche dans un autre établissement. Ce dispositif a été revalorisé et assoupli pour faciliter son accès. Désormais, le directeur général de l'ARS peut majorer ces montants dans la limite de 30 %. En outre, le plafond de l'intérim médical pour les praticiens salariés d'une entreprise de travail temporaire et mis à disposition d'un établissement public de santé a été revalorisé à 1 389,83 euros bruts pour 24h. Enfin, la majoration des indemnités de garde de 50 % a été prolongée jusqu'au 31 août 2023. Toutes ces mesures visent donc à accompagner les établissements dans une période de tension sur l'offre de soins et à soutenir les professionnels des établissements publics de santé. Enfin, l'application de la loi dite Rist de 2021 doit permettre d'engager une réflexion sur les enjeux d'attractivité et de fidélisation des personnels médicaux. Conformément aux annonces du Président de la République lors de ses vœux aux soignants en janvier 2023, une concertation autour des enjeux de permanence de soins, de l'évolution des carrières hospitalières et d'amélioration des conditions de travail des praticiens se tiendra jusqu'à l'été. Cette concertation s'inscrira dans la suite du rapport que va rendre prochainement l'inspection générale des affaires sociales sur cette question.

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