M. André Chassaigne interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les mesures à prendre pour faire respecter les droits de l'enfant et du travail dans l'exploitation des mines de cobalt, notamment en République démocratique du Congo. Des associations internationales de défense des droits humains, comme Amnesty international, l'alertent à nouveau sur les conditions dramatiques d'exploitation des mines dans certains pays d'Afrique, comme celles de cobalt en République « démocratique » du Congo (RDC) qui détient la plus grande réserve mondiale de ce minerai. Le cobalt est un métal devenu hautement stratégique par ses propriétés chimiques qui augmentent les capacités des batteries électriques dont la demande mondiale explose en raison de la transition énergétique et le développement des voitures électriques. Ainsi, d'après des chiffres avancés par l'Unicef, près de 40 000 enfants sont victimes dans les mines de la RDC d'exploitation et d'assassinat sur fond de misère, d'éboulements meurtriers et de corruption et détournements généralisés. Après l'esclavage portugais durant des siècles et la colonisation belge, la Chine contrôle maintenant la grande majorité des mines, des usines de raffinage et de la chaîne logistique. Elle détient ainsi près de 75 % du stock mondial de cobalt. Selon des ONG locales, les atteintes aux droits humains et à l'environnement, certes récurrentes dans ces activités, auraient empiré dans un contexte de défaillance générale de l'État, miné par une corruption endémique. Sachant que le contrôle et l'application du droit dans ces mines seront difficiles à faire progresser rapidement, l'effort devrait surtout être porté sur les négociants et les industriels qui achètent et utilisent le cobalt issu de ces mines. La France a bien adopté la loi relative au « devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre » du 27 mars 2017, mais les effets s'avèrent encore insuffisants. La Commission européenne a aussi adopté le 23 février 2022 une proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises à l'égard des atteintes aux droits humains et à l'environnement tout au long des chaînes de valeur mondiales. Devant la situation évoquée, il lui demande où en sont les négociations avec les autres partenaires européens et comment il compte faire progresser le respect des droits sociaux et environnementaux tout au long de la chaîne d'approvisionnement par les industriels qui commercent avec le secteur minier.
La France s'est engagée à lutter contre le travail forcé et le travail des enfants. Elle est devenue pays pionnier de « l'alliance 8.7 » dont elle assure actuellement la présidence. Dans le respect de l'Objectif de développement durable (ODD) 8.7, cette alliance vise à combattre le travail forcé et le travail des enfants. Le statut de pays pionnier implique que la France accélère son action dans le domaine. C'est dans ce cadre qu'en janvier 2020, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) a noué un partenariat avec Ressources humaines sans frontières (RHSF) dans le but de former les agents et sensibiliser les entreprises sur ces questions. En novembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, et le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles se sont réunis pour lancer la stratégie nationale d'accélération pour éliminer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l'esclavage contemporain, en France et dans le monde. Cette stratégie propose : - une association plus étroite de l'Inspection du Travail avec les travaux d'identification précoces conduits par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) ; - la conclusion d'une convention avec les partenaires sociaux pour faire remonter les informations aux entreprises ; - le renforcement de la coopération européenne en matière de lutte contre la traite des êtres humains, notamment à travers la mobilisation des services de l'Inspection du travail et de l'Autorité européenne du travail (AET). La France est engagée en faveur de la bonne gouvernance du secteur extractif. Sur le plan multilatéral, la France a soutenu l'adoption du règlement européen sur les minerais de conflit, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Ce règlement fixe un devoir de diligence aux importateurs européens d'or, d'étain, de tantale et de tungstène, de manière à empêcher les violations des droits humains, et notamment le travail des enfants, dans l'exploitation et le commerce de minerais issus de zones de conflit ou à haut risque. La France s'est plus largement engagée à promouvoir des pratiques d'exploitation minière responsables via un soutien actif à l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE) et une participation aux travaux de l'OCDE pour des chaînes d'approvisionnement en minerais responsables. Elle contribue également financièrement au fonds fiduciaire de la Banque mondiale consacré à la bonne gouvernance des ressources extractives et à l'impact sur les communautés locales. En République Démocratique du Congo (RDC), notre ambassade soutient le travail de l'ONG locale Save Act Mine, qui œuvre à la mise en place de chaînes d'approvisionnement responsables des minerais, dans le respect des lignes directrices du Guide de l'OCDE et des principes du mécanisme de certification régional de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). La France soutient la mise en œuvre de la norme ITIE en RDC, à la fois politiquement, financièrement et à travers le déploiement prochain d'un Expert technique international (ETI) auprès de l'ITIE-RDC. La France accompagne les filières concernées par ces enjeux. Elle mène des campagnes d'information et de sensibilisation sur le règlement européen 3TG auprès des entreprises et des fédérations sectorielles concernées par ce règlement, notamment au sein du Comité pour les métaux stratégiques (COMES - qui regroupe l'ensemble des acteurs de la chaine de valeur des métaux stratégiques, dont le cobalt) et du Comité stratégique de filière (CSF) Mines et métallurgie. Les autorités françaises soutiennent l'engagement de la filière française regroupée au sein du CSF Mines et métallurgie, qui devrait prochainement publier un référentiel français « mines et approvisionnements responsables ». Celui-ci s'articulera autour d'une série d'engagements couvrant notamment les domaines de la gouvernance, de la formation ainsi que l'emploi des populations locales, et se référant à des standards internationaux en matière de travail et d'éthique. La France a développé un cadre complet en matière de conduite responsable des entreprises qu'elle promeut activement à l'échelle européenne. Dès les années 2000, elle a élaboré un cadre précurseur et complet en la matière (transparence et responsabilité). Puis, en 2017, la France a été la première nation au monde à adopter des règles juridiquement contraignantes sur le devoir de vigilance des grandes entreprises. Par conséquent, la France soutient l'action de l'Union européenne (UE) en la matière. La France avait d'ailleurs fait de ce thème une priorité de sa présidence du Conseil de l'UE. L'Union est la région la plus active au monde en matière de conduite responsable des entreprises. À travers son Pacte Vert, elle a fait preuve d'un effort conséquent de règlementation, qui fixe des règles aux entreprises et porte nos ambitions à l'échelle du continent, notamment la proposition de directive sur le devoir de vigilance et la proposition de règlement d'interdiction de mise sur le marché européen de produits issus du travail forcé, ou encore les différents règlements sectoriels sur les batteries et les minerais. En effet, le cobalt, pour lequel la RDC assure 70% de la production mondiale en 2021, est un intrant important des batteries, notamment pour véhicules électriques, volet clé de la décarbonation du secteur des mobilités. Le projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité vise à transcrire en "droit dur" européen les principales normes internationales en matière de RSE (principes de l'OCDE a l'intention des multinationales en particulier) afin d'améliorer le respect des droits de l'Homme et des droits environnementaux dans les chaînes de valeur entre l'UE et les pays tiers. Le Conseil a adopté son mandat le 1er décembre dernier. Le texte prévoit notamment des obligations pour les entreprises étrangères opérant sur le marché intérieur européen de se conformer aux mêmes exigences que les entreprises européennes assujetties. Nous sommes en attente du trilogue qui débutera dès l'obtention d'un mandat par le Parlement européen (juin-juillet 2023). Un an après la déclaration de la Présidente de la commission européenne sur le traitement du travail forcé lors de son discours sur l'état de l'Union de 2021, la Commission a publié, le 14 septembre 2022, une proposition de réglementation qui interdit, pour tous les opérateurs économiques, la mise sur le marché européen de produits issus du travail forcé (fabriqués sur le territoire de l'UE ou importés), ainsi que l'exportation de tels produits depuis l'UE. Cette proposition de règlement viendra compléter la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. La proposition de règlement est en cours de discussion au sein du Conseil.
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