Mme Nicole Dubré-Chirat attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les enjeux liés à la lutte contre le trafic d'espèces sauvages par voie aérienne et notamment celui de la viande de brousse. Celui-ci est classé parmi les quatre activités illégales les plus lucratives au monde, représente une des causes majeures d'érosion de la biodiversité et menace la sécurité sanitaire du pays. Dans le cadre de la rédaction de la 3e stratégie nationale pour la biodiversité, le Gouvernement doit réaffirmer son engagement à lutter contre le trafic d'espèces. Il faut donc que cela se traduise par des actions concrètes ayant un impact mesurable. Aujourd'hui même si les agents des douanes et de l'OFB officient sur tout le territoire et réalisent de nombreux contrôles, cela reste malheureusement insuffisant pour stopper le commerce illégal d'espèces sauvages. De même, l'encadrement de la vente d'animaux en ligne instaurée par la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes promulguée le 30 novembre 2021 ne sera pas efficace contre le trafic d'espèces par voies aériennes. Pour rappel, sur le seul terminal 2 de Paris-Charles-de-Gaulle du 1er janvier au 15 décembre 2021, 36 tonnes de denrées périssables illégales ont été saisies dont plus d'une dizaine de tonnes de viande de brousse. Dans ce terminal, seuls 20 agents officient pour un flux de 24 000 passagers. Ils estiment pouvoir saisir environ 10 % du flux. Il s'agit de pangolins, de primates, de chauves-souris, d'antilopes, de poissons, d'agoutis, d'insectes, toutes les espèces sont impactées. Les primates et les chauves-souris étant les principaux vecteurs d'Ebola, la prochaine pandémie viendra de là. Celle dont l'on sort a montré que le Gouvernement a la capacité de prendre des mesures fortes rapidement allant jusqu'au confinement de tout le pays. Il est urgent d'agir pour enrayer ce trafic qui menace non seulement les espèces et leurs écosystèmes mais aussi la santé. Plusieurs actions concrètes pourraient participer à la lutte contre ce trafic par voies aériennes : bénéficier d'indicateurs de suivi des flux et des mesures d'impact des actions mises en œuvre; renforcer l'affichage des produits interdits au départ des vols internationaux ; réduire de moitié les 2 x 23 kg de bagages autorisés sur les vols en provenance d'Afrique ; responsabiliser les compagnies aériennes : leur responsabilité doit pouvoir être engagée avant celle du passager en cas de transport illégal ; développer la formation et la spécialisation des juges pour traiter les contentieux environnementaux comme des enjeux majeurs ; relever le niveau de pénalisation du trafic illégal d'espèces au même niveau que celui du trafic de drogues ou d'armes ; renforcer la formation et les moyens mis à la disposition des agents des douanes dans les aéroports et en particulier à Paris-Charles-de-Gaulle, qui représente à lui seul plus de la moitié des enregistrements des saisies dans les aéroports français. Ainsi, elle lui demande si le Gouvernement envisage de mettre en place de telles actions.
Le Gouvernement partage pleinement les préoccupations sur les enjeux sanitaires et environnementaux liés au trafic d'espèces sauvages et à l'introduction de viande dite de brousse sur le territoire national. L'importation de produits carnés dans les bagages des voyageurs est strictement prohibée par la réglementation européenne, car ils constituent un risque majeur de transmission de maladies animales. Ils représentent donc un danger pour la santé publique. En outre, ces importations participent directement à l'appauvrissement de la biodiversité, des viandes d'espèces protégées par la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) étant régulièrement découvertes dans les bagages. Dans ce contexte, l'ensemble des services de l'Etat et notamment l'administration des douanes sont fortement mobilisés. Ainsi, en 2021, à Roissy, 19,7 tonnes de produits carnés ont été saisies dans les bagages voyageurs, dont au moins 500 kg de viande de brousse (cette dernière quantité est certainement sous-évaluée, compte tenu de la difficulté d'identifier la nature des viandes en l'absence d'analyses laboratoire). Ce phénomène ne concerne pas toutes les destinations et est très localisé. En dépit de la prise de conscience du grand public sur les risques et conséquences des pandémies mondiales avec la COVID19, les saisies de produits prohibés introduits par les voyageurs sont malheureusement en hausse. Les franchises de bagages élevées sur certaines destinations concernées par une typologie de trafic spécifique peuvent constituer un « appel d'air » pour ce type de trafic. Il conviendrait d'évaluer l'efficacité et la proportionnalité d'une mesure réduisant significativement la possibilité d'emport de bagages accompagnés, au regard des conséquences négatives sur l'ensemble des passagers des liaisons concernées et des risques de déroutement des flux, avant d'entamer des démarches aux niveaux européen et international en faveur d'une réglementation restreignant la politique commerciale de transport de bagages des transporteurs aériens. En effet, les franchises, en termes de nombre de bagages, de poids maximal et de pénalité pour les bagages au-dessus de ce poids, relèvent de la politique commerciale des transporteurs et constituent un levier concurrentiel important. La libre détermination de cette politique tarifaire est protégée par le droit de l'Union européenne et par des accords internationaux pour la plupart des destinations internationales. En outre, des évolutions récentes sur les franchises conduites de manière volontaire par des compagnies aériennes françaises n'ont pas démontré d'effet sur le volume du phénomène. Pour limiter les risques sanitaires et environnementaux et soulager par ailleurs l'action des services douaniers en frontière, plusieurs axes de travail sont à l'étude avec l'ensemble des acteurs et de nombreuses initiatives déjà mises en place : un groupe de travail dédié à la question réunit l'ensemble des acteurs (services de l'Etat, acteurs du transport aérien, associations environnementales) sur l'aéroport Charles-de-Gaulle pour identifier les moyens opérationnels les plus efficaces de lutter contre ce phénomène ; de nombreuses compagnies aériennes sont mobilisées pour lutter contre le phénomène, par exemple au travers de la Déclaration de Buckingham Palace ou de la résolution de 2016 de l'Association du transport aérien IATA ; une densification de la communication des compagnies aériennes, en lien avec la direction générale de l'aviation civile et les plateformes aéroportuaires, permettrait d'améliorer l'information des voyageurs sur les risques sanitaires et environnementaux, ainsi que sur les contrôles en frontière. En complément, cette mesure devrait être accompagnée d'une communication sur la réglementation sanitaire en vigueur, par les compagnies aériennes, dès le stade de la réservation des billets, à l'aéroport et pendant le vol ; enfin, pour prendre en considération une problématique sensible notamment au regard des pratiques des passagers, la douane française a pris la mesure et apporté, à son niveau, des réponses adaptées et a mis en place des moyens adéquats, tant matériels qu'en termes de formation des agents. Il est toutefois probable que ces seules mesures ne permettront pas d'enrayer ces pratiques entièrement si des dispositifs volontaristes de l'ensemble des parties prenantes à ces problématiques ne sont pas mis en œuvre concomitamment et à titre principal dans les pays de départ.
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