M. Sylvain Carrière attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le bienfondé du label Haute valeur environnementale dit HVE. Introduit après le Grenelle de l'environnement de 2007, il vise à créer un mode d'agriculture à mi-chemin entre le conventionnel et l'agriculture biologique. La justification est de permettre aux agriculteurs d'entamer une transition écologique de l'agriculture conventionnelle basée sur l'usage de pesticides, dangereux pour la santé et la biodiversité, ainsi que d'intrants azotés, dépendant de l'industrie pétrochimique, vers une agriculture la plus responsable possible. Ce label HVE lancé en 2012 ne prend initialement pas auprès des agriculteurs. Mais aujourd'hui, dans un contexte où le changement climatique est la préoccupation principale pour 27 % des Français, le fait d'afficher sur les produits de grande consommation un label prônant une Haute valeur environnementale commence à séduire les consommateurs et donc les agriculteurs en conventionnel qui y voient une opportunité économique. Cependant, où sont les contraintes écologiques ? Où sont les études qui garantissent que ce label HVE est vraiment à haute valeur environnementale ? De nombreuses associations alertent, rien ne garantit la bonne santé des sols, la préservation du vivant ainsi que la soutenabilité du type d'agriculture qu'est censé défendre ce label. Elles se basent, entre autres, sur le rapport de l'IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales) de 2021 qui qualifie le label « d'insuffisant pour une transition agroécologique ». En cause l'autorisation de l'utilisation d'intrants, que sont les pesticides, les engrais ou les aliments importés qui ne doit pas dépasser 30 % du chiffre d'affaires. Ne sont donc pas concernées les exploitations qui embauchent de nombreuses personnes, ce ratio est de 14 % dans la viticulture conventionnelle et de 26 % dans le maraîchage. Ce seuil est bien trop peu restrictif à l'heure où les populations d'insectes se sont effondrées de 80 % en 40 ans, à l'heure où l'alimentation importée du bétail entretient la déforestation en Amazonie. Aussi, le cahier des charges du label réserve 10 % en surface pour l'agroécologie. Un élevage intensif qui possède quelques infrastructures agroécologiques pourra donc prétendre à être reconnu comme écologiquement bénéfique, une aberration. Depuis, rien ne s'est amélioré, l'OFB et la Cour des comptes ont regretté en 2022 que les modifications du référentiel du label n'améliorent pas sa performance environnementale. En mars de la même année, la Commission européenne annonçait que « le label n'était pas conforme au droit européen ». Il n'établit pas de différenciation des niveaux de rémunération entre le bio et le label HVE alors que l'impact environnemental est drastiquement différent entre les deux types d'agriculture. Le problème est international, le principe d'égalité entre les pays membres n'est pas respecté car le label HVE français est moins bénéfique pour la santé humaine et l'écologie que celui des voisins européens. Dans le contexte de nouvelle PAC (politique agricole commune) de 2023 et du plan de la stratégie nationale l'État a décidé de faire bénéficier de l'écorégime, jusqu'alors réservé au bio, au label HVE. Les paysans qui travaillent en bio et sont soumis à un cahier des charges très contraignant se voient donc appliquer une double peine : plus d'investissement, plus de risques liés aux maladies mais aucune distinction de rémunération et d'aides de l'État. Un mensonge organisé donc. L'UFC-Que Choisir, la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) et le réseau environnement santé ont déposé, en janvier 2023, un recours au Conseil d'État afin de « faire reconnaître la tromperie du consommateur » et de dénoncer le greenwashing entretenu par la mention « Issu d'une exploitation haute valeur environnementale ». Dès lors, dans un contexte de loi d'orientation agricole prévue cette année, M. le député demande à M. le ministre que le label HVE soit plus restrictif afin de garantir une réelle amélioration écologique dans les pratiques agricoles. Il s'agit de la santé des sols, des insectes, de la vie animale et humaine, il s'agit de la transition écologique nécessaire à l'heure du changement climatique. Il s'agit de transparence, car pour l'instant c'est un mensonge organisé. Le label n'est pas à haute valeur environnementale et trompe le consommateur. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.
La certification environnementale a connu une forte dynamique depuis les états généraux de l'alimentation de 2017, et la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite EGAlim 1 de 2018 qui a inclus ces produits dans la part des produits de qualité en restauration collective. Cette montée en puissance rapide, est liée à la création du crédit d'impôt dans le cadre du plan de Relance et au choix de retenir la certification de niveau 3 comme critère d'accès au niveau supérieur de l'écorégime dans le cadre de la future politique agricole commune (PAC). Après une dizaine d'années d'existence de la certification environnementale, il est apparu légitime d'évaluer et de faire évoluer le référentiel haute valeur environnementale (HVE). Les ministères chargés de l'agriculture et de la transition écologique ont ainsi lancé, en août 2021, une étude d'impact du référentiel v3 de 2016 de la HVE conduite sous l'égide de l'OFB, pour en évaluer les performances. Les résultats finaux, présentés début juillet 2022 en commission nationale de la certification environnementale (CNCE) ont corroboré la nécessité de faire évoluer le référentiel de la HVE. Il apparaît en effet que les exigences telles qu'elles avaient été fixées en 2010, et étaient encore traduites dans le référentiel évalué de 2016 devaient être renforcées pour entraîner un réel changement de pratiques au regard des contraintes existantes dans les exploitations agricoles en 2022. Sans pouvoir attendre le résultat final de cette étude, mais en valorisant les résultats intermédiaires, qui comportent déjà l'essentiel des pistes, les autorités françaises ont mené un travail de rénovation du référentiel de la HVE de mi-2021 à mi-2022. Des réflexions ont été conduites au sein de groupes de travail, avec pour objectif d'actualiser des références et listes techniques sur de nombreux items, de consolider le référentiel en ajoutant de nouveaux items et de renforcer certains items pour atteindre au moins le niveau minimum requis par la conditionnalité lorsque la pratique se recoupe avec les exigences des bonnes conditions agro-écologiques ou exigences réglementaires en matière de gestion de la PAC. Le fait que la HVE soit une voie d'accès à l'écorégime a en effet renforcé la nécessité de s'assurer que ce référentiel était parfaitement cohérent avec les obligations environnementales prévues par la future PAC, tout en allant au-delà, pour répondre aux critiques qui pourraient être formulées. Ce référentiel, soumis à l'avis de la CNCE de juin 2022 puis à la consultation du public en juillet 2022, apparaît à la fois ambitieux et équilibré. Le projet de référentiel a reçu l'accord de la Commission européenne sur les modalités de prise en compte de la HVE comme voie d'accès au niveau supérieur de l'écorégime. Afin de permettre aux exploitants d'adapter leurs pratiques au contenu du nouveau référentiel, la mise en œuvre de cette réforme a prévu des mesures transitoires dans le décret publié au Journal officiel du 22 novembre 2022. La CNCE réalisera dans la durée un suivi de l'impact de la mise en œuvre de cette révision du référentiel de la HVE. Comme annoncé au lancement des travaux, une deuxième étape de révision sera ensuite menée pour continuer d'accompagner les efforts des agriculteurs dans la transition écologique et de consolider la plus-value environnementale de HVE. La démarche déjà lancée répond donc à la demande formulée.
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