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Manuel Bompard
Question N° 6048 au Secrétariat d'état à l’écologie


Question soumise le 7 mars 2023

M. Manuel Bompard appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la menacé écologique et économique de l'invasion de frelons asiatiques (Vespa velutina). Vespa velutina a été observé pour la première fois en France en 2004. Depuis lors le front d'invasion n'a cessé de progresser, et c'est désormais la majorité du territoire métropolitain qui été colonisée par cette espèce invasive. Vespa velutina est susceptible de coloniser une grande partie de l'Union européenne ; pire, le réchauffement climatique risque d'accroître encore son expansion en élargissant les zones climatiques qui lui sont favorables. Vespa velutina est un dangereux prédateur, notamment pour les abeilles, sa présence pouvant entraîner un stress des colonies d'abeille, une baisse de leur production, et parfois la mort. Sa prédation sur les insectes pollinisateurs est susceptible de provoquer une baisse de la polonisation et donc de nuire à la reproduction des plantes cultivées. La lutte contre Vespa velutina représente un coût non négligeable : des modèles scientifiques se basant sur les niches climatiques prédisent, outre l'invasion totale de la France dans une douzaine d'années, un coût de lutte qui pourrait atteindre 11,9 millions d'euros par an. Ce coût demeure faible comparé à l'impact économique des espèces invasives comme Vespa velutina : entre 1,14 et 10,2 milliards d'euros en seulement 25 ans selon une étude de 2021. Il est peu probable que Vespa velutina puisse être totalement éradiquée du territoire européen ; les travaux des chercheurs travaillant sur les guêpes sociales invasives à travers le monde montre que s'il est possible de localiser et détruire leurs colonies et de piéger en masse les adultes, aucune de ces stratégies ne permet de réduire durablement les niveaux de populations. Il est donc indispensable d'avoir une stratégie nationale, et si possible européenne, de surveillance et de contrôle en vue de prévenir l'installation de Vespa velutina et d'éradiquer rapidement les colonies avant la dispersion de la génération sexuée. Malheureusement, depuis 2021, Vespa velutina ne fait plus l'objet d'une « obligation de prévention et d'éradication » ; cela fait donc reposer la charge et les frais de destruction sur les propriétaires ayant des colonies sur leur propriété. Le coût dissuasif d'une telle opération nuise gravement à la lutte contre cette espèce invasive. Le Gouvernement entend-il adopter une stratégie nationale de lutte contre Vespa velutina ? Est-ce qu'une plateforme nationale de repérage des nids de Vespa velutina sera créée ? Quelle action le Gouvernement entreprendra-t-il au niveau européen pour adapter la législation européenne, notamment le règlement n°1143/2014 relatif à la prévention et à la gestion de l'introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes, et créer un réseau européen de surveillance et de contrôle deVespa velutina ?

Réponse émise le 11 avril 2023

La lutte contre le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax),  espèce ayant connu une expansion rapide dès son introduction accidentelle en Aquitaine en 2004, est encadrée par un corpus législatif et réglementaire complet et détaillé ci-après. Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation qui a été lancé conjointement par les ministères de la transition écologique et de l'agriculture en novembre 2021 est de nature à soutenir une bonne application des moyens de lutte (action 4.4.4 du plan, disponible ici : https://agriculture.gouv.fr/plan-national-en-faveur-des-insectes-pollinisateurs-et-de-la-pollinisation-2021-2026-DP). Depuis fin avril 2021, une seule réglementation concourt à la lutte contre cette espèce : celle portant sur les espèces exotiques envahissantes (EEE) pilotée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Celle portant sur les organismes de quarantaine, pilotée par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), a exclu le frelon asiatique au regard de la nouvelle législation européenne dite "loi de santé animale ». Concernant la réglementation spécifique sur les EEE, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a complété le code de l'environnement pour intégrer des dispositions législatives permettant d'agir contre les EEE (articles L. 411-5 et suivants). Au regard de l'intérêt de préservation du patrimoine biologique, des milieux naturels et des usages associés, l'article L.411-6 du code de l'environnement interdit sur le territoire national, l'introduction, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant d'EEE, dont la liste est fixée par l'arrêté interministériel du 14 février 2018. Le frelon asiatique est inscrit sur cette liste. Les opérations de lutte sont définies à l'article L.411-8 du code de l'environnement. Ainsi, dès constat de la présence dans le milieu d'une EEE, le préfet de département peut « procéder ou faire procéder (…) à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens » d'EEE. Un arrêté préfectoral précise alors les conditions de réalisation de ces opérations. Les préfets peuvent notamment ordonner la destruction de nids sur des propriétés privées. Le financement des opérations de lutte contre le frelon n'est pas pris en charge par l'État, au regard du degré très large d'envahissement du territoire métropolitain par l'espèce. La destruction des nids reste à la charge des particuliers et ses coûts peuvent être, le cas échéant, pris en charge en tout ou partie par des financements locaux émanant de collectivités territoriales. Parallèlement, la direction générale de l'alimentation du MASA accompagne financièrement l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (ITSAP – Institut de l'Abeille) et le MNHN (Muséum national d'Histoire naturelle) pour leurs actions techniques et scientifiques relatives à l'identification et à la validation des outils de lutte contre le frelon asiatique. Les actions financées comportent deux volets : une méthode concernant le piégeage des fondatrices au printemps et le développement d'un protocole pour la destruction de nids par appâts empoisonnés. Le premier volet des travaux concernant le piégeage est arrivé à son terme et a montré que le nombre de nids du frelon asiatique décroît significativement lorsque la méthode est conduite durant plusieurs printemps successifs, avec un maillage spatial fin et régulier (plus de 200 pièges répartis de façon homogène sur environ 10 km2 autour d'un rucher à protéger). Un complément d'étude est envisagé sur 2023, afin d'approfondir les résultats. Le second volet vise à vérifier l'efficacité d'appâts empoisonnés et leurs impacts sur l'environnement. Dans le cas où la méthode se montrerait efficace, il reviendra à la filière et/ou à un industriel de réaliser les démarches d'obtention des autorisations « substances biocides », puis « produits ». Ce projet devrait également permettre de proposer une méthode alternative au fipronil (hautement toxique) utilisé sans autorisation pour lutter contre les frelons. Enfin, il est à noter que le frelon asiatique n'est pas réglementé par le ministère de la santé et des solidarités au titre des espèces nuisibles pour la santé humaine car il s'avère, au regard des données des centres anti-poisons, que l'espèce ne présente pas de danger supérieur par rapport d'autres hyménoptères (frelon européen, guêpes, etc). Si cette situation venait à changer du fait de l'extension de l'espèce, la question de sa réglementation serait à réexaminer.

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