Vous devez être identifié pour donner une opinion sur cet élement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Jordan Guitton
Question N° 5991 au Ministère de l’économie


Question soumise le 28 février 2023

M. Jordan Guitton alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le niveau alarmant de la balance commerciale de la France sur l'année 2022. Le déficit commercial a atteint 164 milliards, soit 7 % du PIB. Il a presque doublé par rapport à l'année 2021. Selon plusieurs études, 40 % de la cause de ce déficit résiderait dans l'inflation des prix de l'énergie et dans les approvisionnements énergétiques du pays. La France était pourtant pionnière avec l'énergie nucléaire pour produire à bas prix et de façon décarbonée. Les autres causes de ce déficit proviennent essentiellement de la désindustrialisation et du manque de compétitivité. Par exemple, l'industrie manufacturière a perdu plus de 2 millions d'emplois en seulement 20 ans. Face à cette situation alarmante des finances publiques et de la place de la France dans l'économie mondiale, il est urgent d'agir. C'est pourquoi M. le député souhaiterait connaître les mesures que M. le ministre compte mettre en œuvre, hormis « la politique du chèque », afin de retrouver une souveraineté énergétique. Il souhaiterait également connaître les mesures de réindustrialisation et de protectionnisme intelligent que compte mettre en œuvre le Gouvernement afin de sauver les emplois français et l'économie française.

Réponse émise le 25 avril 2023

S'agissant de la dégradation du solde commercial en 2022 et de l'impact de la hausse des prix énergétiques, la dégradation du déficit des biens par rapport à 2021 (- 163,6 Mds€ après - 85,6 Mds€ en 2021) est principalement imputable à l'explosion de la facture énergétique qui fait plus que doubler, passant de 44,8 Mds€ à 115,3 Mds€ (+70,5 Mds€) et qui s'explique notamment par la forte hausse des prix de l'énergie. Après que la facture énergétique a atteint son niveau annuel le plus faible en 2020 (25,2 Mds€), le rebond de l'activité en sortie de crise a entraîné une forte hausse de la demande, qui a largement contribué à la hausse des prix du pétrole. En février 2022, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui compte parmi les premiers exportateurs de pétrole et de gaz naturel, a de nouveau provoqué une forte augmentation des prix des énergies. En 2022, la hausse du prix des produits énergétiques contribuerait à hauteur de 86 % à la hausse des importations énergétiques par rapport à 2021, les 14 % restants étant imputables à la hausse du volume d'importation de produits énergétiques, notamment en électricité en lien avec l'indisponibilité du parc nucléaire national (et ce malgré l'importante baisse de consommation, du fait des températures clémentes fin 2022 et des comportements de sobriété) et en gaz dans le cadre de la reconstitution des stocks avant l'hiver 2022-2023. En 2022, les prix à l'importation des produits énergétiques ont augmenté de + 105 % par rapport à 2021 et de + 219 % par rapport à 2020. Nos importations d'électricité, historiquement faibles, ont progressé de 371,9 % pour atteindre 15,9 Mds€ et, pour la première fois, la France a importé plus d'électricité qu'elle n'en a exporté, avec un déficit sectoriel de 7,4 Mds€ contre un excédent de + 2,6 Mds€ en 2021. La situation exceptionnelle d'importateur net d'électricité ne devrait toutefois pas se poursuivre en 2023. Dès la mi-décembre, la France est redevenue exportatrice nette d'électricité en raison des températures clémentes de la fin de l'année, d'une production éolienne importante et surtout de la remise en route par EDF (électricité de France) de plusieurs réacteurs nucléaires. Le solde est même redevenu excédentaire en janvier 2023 (+ 0,2 Mds€ après - 0,2 Md€ en décembre 2022) en raison du repli sensible de nos importations de - 50%. Par ailleurs, une large part (80 %) de nos importations de pétrole (brut et raffiné) est libellée en dollar. Entre 2021 et 2022, le prix du baril de Brent a augmenté en moyenne de 36 €, ce qui reflète principalement la hausse du baril en dollar mais aussi, dans une moindre mesure (20 %) un effet de change lié à la dépréciation de l'euro. S'agissant des mesures mises en œuvre par le Gouvernement afin de retrouver une souveraineté énergétique, le Gouvernement a engagé plusieurs actions pour réduire la dépendance française aux énergies fossiles et ainsi accroitre sa souveraineté énergétique. Le premier levier consiste à accroitre la production d'énergie bas-carbone produite sur le sol national. Le projet de loi du Gouvernement portant accélération des énergies renouvelables a été adopté le 10 mars 2023. Il doit notamment permettre de diviser par 2 le temps d'instruction des projets et sécuriser ces derniers face aux recours. En complément, un projet de loi est en cours de discussion à l'Assemblée nationale pour faciliter le développement de l'énergie nucléaire. Le Gouvernement travaille également à la construction d'une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie pour planifier le déploiement des différentes filières renouvelables et nucléaire. Le second levier mis en place concerne les politiques d'efficacité énergétique et de sobriété pour réduire la consommation d'énergie, en particulier fossile. Les mesures de soutien à l'efficacité énergétique concernent en particulier les secteurs tertiaires résidentiels et l'industrie (dispositif de certificats d'économie d'énergie, guichet d'aides MaPrimeRénov', appels à projet efficacité énergétique du plan de relance). Enfin, un plan de sobriété a été annoncé en octobre 2022 visant à réduire la consommation énergétique de 10 % en deux ans. S'agissant de la stratégie de réindustrialisation, la réindustrialisation de notre pays est essentielle pour notre prospérité, notre souveraineté économique et l'équilibre social et territorial. Le Gouvernement porte l'ambition de réindustrialiser l'économie de façon concomitante avec la transition de l'industrie vers un modèle bas-carbone. Les réformes transversales menées depuis 2017 pour renforcer la compétitivité et l'attractivité de notre économie s'inscrivent pleinement dans cette démarche : des efforts importants ont été réalisés pour améliorer les conditions cadres, notamment par la baisse du coût du travail, un allègement de la fiscalité sur les entreprises (impôt sur les sociétés, impôts sur la production dans le cadre du plan de relance) et une simplification de l'environnement des affaires (lois d'accélération et simplification de l'action publique et plan d'action pour la croissance et la transmission des entreprises – PACTE – notamment). Une réforme de la fiscalité du capital a également contribué à améliorer l'attractivité du pays pour les investisseurs ; l'investissement dans l'éducation et les compétences fait partie intégrante des politiques de compétitivité. Les réformes menées dans le système éducatif visent ainsi à réduire les inégalités et améliorer nos performances (loi pour une école de confiance, dédoublement des classes, plan mathématiques et plan français), et rendre le métier d'enseignant plus attractif (Grenelle de l'éducation). Leurs effets se feront sentir progressivement, à mesure que les nouvelles générations arriveront sur le marché du travail ; enfin, la recherche et l'innovation restent une priorité. La loi de programmation pour la recherche promulguée en décembre 2020 a notamment augmenté les moyens de la recherche publique de 25 Mds€ jusqu'en 2030 afin de soutenir l'attractivité et l'excellence de la recherche française. Au-delà des politiques transversales, les interventions sectorielles doivent permettre de répondre aux enjeux sociétaux et favoriser l'émergence d'acteurs innovants dans des secteurs porteurs. Le plan d'investissement France 2030 et le quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA4) s'inscrivent dans cette démarche, avec un total de 54 Mds€ pour répondre aux défis structurels tels que la transition écologique et numérique à l'horizon 2030, avec un fort accent sur l'innovation. Le Gouvernement engage aujourd'hui la France dans une réindustrialisation verte massive pour faire de la France la première nation de l'industrie verte en Europe. La décarbonation doit constituer l'avantage comparatif de la France dans les années à venir, pour les industries traditionnelles comme pour les secteurs d'avenir. Un projet de loi en ce sens sera présenté à l'été, autour de 5 thèmes : transformer la fiscalité pour faire grandir l'industrie verte, ouvrir des usines, réhabiliter les friches et mettre à disposition des terrains, produire, commander et acheter en France et en Europe, financer l'industrie verte, former aux métiers de l'industrie verte. Ce projet de loi vise à faire de la France la championne de l'industrie verte et des technologies qui permettront la décarbonation et à accompagner la décarbonation de l'industrie. L'Union européenne (UE) a également proposé un ensemble de mesures ambitieuses en ce sens avec le Temporary Crisis and Transition Framework et le Net-Zero Industry Act pour favoriser le développement des technologies industrielles de la transition bas-carbone, et le Critical Raw Materials Act pour sécuriser les approvisionnements européens en matières premières critiques. S'agissant de la défense de nos intérêts économiques à travers la politique commerciale, depuis le discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017, la France a engagé un chantier ambitieux de réformes pour rééquilibrer la politique commerciale européenne. L'action de la présidence française du Conseil de l'UE a notamment permis d'impulser d'importantes avancées comme l'adoption de l'instrument relatif aux marchés publics internationaux qui permet de restreindre l'accès des entreprises non européennes aux marchés publics de l'UE dans les secteurs où nos opérateurs n'ont pas un accès réciproque dans les pays tiers. Sous la présidence française, l'UE s'est également dotée d'un règlement relatif aux subventions étrangères qui permettra de corriger l'effet distorsif des subventions étrangères qui facilitent indûment la réalisation d'activités économiques sur le marché intérieur européen. Ces nouveaux instruments viennent compléter les instruments de défense commerciale qui permettent de protéger les producteurs européens des pratiques déloyales de nos concurrents commerciaux. La France soutient ainsi activement la pleine utilisation de ces instruments, présentée comme le corollaire de l'ouverture commerciale, en particulier dans les secteurs industriels d'avenir. Àla fin de l'année 2021, l'UE comptabilisait 163 mesures définitives de défense commerciale en vigueur, en augmentation de 13 mesures sur un an. La Commission estime ainsi que ces mesures ont protégé plus de 462 000 emplois directs au sein de l'UE.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion