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Fabien Di Filippo
Question N° 599 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 9 août 2022

M. Fabien Di Filippo appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'accord de libre-échange conclu le 30 juin 2022 entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande et sur les risques que celui-ci fait peser sur l'agriculture française et la souveraineté alimentaire de la France. En effet, ce nouvel accord commercial permet des accès facilités au marché européen pour les produits agricoles, laitiers et des viandes bovines et ovines néo-zélandais. Actuellement, l'Union européenne exporte vers la Nouvelle-Zélande des marchandises d'une valeur de 5,5 milliards d'euros par an et importe des produits néo-zélandais pour 2,3 milliards d'euros, soit une balance commerciale bénéficiaire pour l'Union européenne. Mais dans le secteur agricole et alimentaire, la Nouvelle-Zélande est bénéficiaire de 750 millions d'euros. En ouvrant de nouveaux quotas d'importation, avec des droits de douane réduits pour certains produits agricoles et en donnant un accès substantiel au marché de l'UE sur des produits déclarés sensibles avec des contingents tarifaires pour les produits laitiers, la viande bovine et la viande ovine, l'accord signé entre la commission européenne et la Nouvelle-Zélande va renforcer ces flux commerciaux et contribuer à dégrader la balance commerciale européenne sur les produits agroalimentaires. De plus, l'accord ne pose aucune contrainte en ce qui concerne la réciprocité des normes, à l'exception des antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance (déjà prévu dans la législation européenne mais pas mis en œuvre). Ce type d'importations inquiète donc les agriculteurs français, qui craignent une concurrence déloyale qui se fera à leur détriment, spécialement quand il leur est impossible de produire dans les mêmes conditions que leurs concurrents, alors qu'un grand nombre d'entre eux se trouvent déjà dans une situation économique fragile. C'est une question d'équité, de réciprocité et de compétitivité pour le modèle agricole français qui fait la fierté du pays, est un moteur des exportations et permet d'assurer à la population française l'accès à une nourriture de qualité. Il implique également des risques sanitaires pour les consommateurs, qui se verront proposer des produits non soumis aux mêmes normes que les produits européens. Les éleveurs néo-zélandais peuvent utiliser par exemple dans leurs prairies d'élevage des herbicides nocifs interdits à l'échelle européenne. Enfin, cet accord pose de réelles difficultés en matière environnementale, en favorisant l'importation de dizaines de milliers de tonnes de produits laitiers, viandes ovines et bovines venues de l'autre bout du monde, impliquant un transport de plus de 20 000 kilomètres. Il soulève également de sérieuses interrogations sur les ambitions de la France et du Gouvernement en matière de souveraineté alimentaire et de préservation de l'agriculture française, alors que cet accord a été signé durant la présidence française de l'Union européenne. Par un courrier en date du 4 juillet 2022, plusieurs parlementaires ont demandé à la Présidente de l'Assemblée nationale la mise à l'ordre du jour d'un vote sur l'accord de libre-échange UE et la Nouvelle-Zélande face à un « contenu flou, mais qui risque de mettre à mal notre industrie, notre agriculture et le climat ». Soucieux de la protection des consommateurs français et du respect du travail des éleveurs et agriculteurs français qui procurent jour après jour des produits de qualité, il souhaite savoir si le Gouvernement compte faire ratifier par le Parlement cet accord qui touche à la souveraineté alimentaire du pays et quelle méthode il compte employer afin de s'assurer que les risques sanitaires et économiques qu'il comporte soient écartés.

Réponse émise le 4 octobre 2022

L'ouverture de marchés dans les pays tiers offre des débouchés supplémentaires aux filières. Le Gouvernement est donc favorable aux accords de libre-échange et au commerce, pour autant que les accords signés soient équilibrés et respectent les filières sensibles. Tout produit importé dans l'Union européenne (UE) doit être sûr, ne représenter aucun danger pour la santé des consommateurs et être conforme à la législation sanitaire et phytosanitaire (SPS) de l'UE. Cependant, pour répondre aux interrogations légitimes des agriculteurs et de la société civile, le Gouvernement est attaché à obtenir une meilleure application des normes liées aux procédés et aux modes de production afin de renforcer la protection de la santé ou de l'environnement à la plus grande échelle possible, dans le respect des règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC). Le Gouvernement a ainsi fait de la thématique de la réciprocité des normes une priorité de la présidence française du Conseil de l'UE au premier semestre 2022. Un échange de vues a été organisé dans ce cadre en février 2022 au conseil agriculture et pêche, sur la nécessité de renforcer la cohérence entre le pacte vert, la politique agricole commune et la politique commerciale pour soutenir la transition vers des systèmes alimentaires durables. La publication, le 3 juin 2022, d'un rapport de la Commission européenne sur l'application des normes sanitaires et environnementales de l'UE aux produits agricoles et agroalimentaires importés représente une avancée notable car il confirme la possibilité d'agir aux niveaux multilatéral et bilatéral mais également au niveau unilatéral, sous certaines conditions, via l'adoption de mesures miroirs visant à appliquer les normes de production européennes aux produits importés. Le Gouvernement veillera à ce que les travaux de la Commission, du Conseil et du Parlement européens se poursuivent, notamment afin de mettre en place à chaque fois que cela est nécessaire et pertinent des mesures miroirs dans la législation sectorielle de l'UE. Ces mesures doivent notamment être légitimes, nécessaires, proportionnées et non discriminatoires pour être conformes aux règles de l'OMC. Elles s'appliquent à tous les flux commerciaux, y compris à ceux qui s'inscrivent dans le cadre d'un accord de commerce. L'accord avec la Nouvelle-Zélande présente une avancée inédite en matière de cohérence des politiques européennes en conditionnant l'accès au contingent bilatéral de viande bovine au respect de standards de durabilité et de qualité, qui exclut les bovins élevés en parcs d'engraissement (feedlots). Cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation constante du Gouvernement pour l'introduction dans les accords commerciaux de conditionnalités tarifaires relatives à des modes de production durables et plus respectueux du bien-être animal. En outre, l'accord protège les filières sensibles, en particulier bovine, ovine, laitière, contre des ouvertures trop importantes en excluant des libéralisations complètes pour les lignes tarifaires les plus sensibles, avec le maintien de droits de douane pour la majorité d'entre eux et en prévoyant des contingents, ouverts progressivement. Ainsi, le contingent ovin sera ouvert en 7 années et prévoit une répartition entre la viande fraiche (35 %) et la viande congelée (65 %), comme le demandait la filière. Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande est un partenaire qui partage les ambitions européennes en matière de développement durable, permettant à l'accord d'être le plus ambitieux jamais négocié sur ce point : il intègre l'accord de Paris comme clause essentielle et comporte un chapitre nouveau sur les systèmes alimentaires durables permettant de coopérer davantage notamment en matière de réduction des pertes et gaspillages, de fertilisation ou de produits phytosanitaires. Enfin, aucun accord de commerce de l'UE, ne remet en cause le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit être conforme à ses normes. Ainsi, les limites maximales de résidus (LMR) définies, notamment pour les herbicides, s'appliquent aux produits importés. Le Gouvernement évaluera le projet d'accord avec la Nouvelle-Zélande de manière exhaustive en vue de sa présentation au Conseil. Il sera invité à se prononcer à la majorité qualifiée sur la décision de signature de l'accord, puis après approbation du Parlement européen, sur la décision de conclusion de l'accord en vue de son entrée en vigueur.

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