M. Boris Vallaud attire l'attention de M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur le rapport réalisé au nom de la commission des affaires sociales, relatif au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Présenté par M Olivier Véran, rapporteur général puis ministre de la santé, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, porte dans son article 55 un projet de « Rénovation des politiques d'indemnisation de l'incapacité de travail de longue durée » afin de le réformer pour en corriger « l'obsolescence ». Cette analyse corrobore les conclusions du rapport de la Cour des comptes en 2019 qui dénonçait « des règles de cumul invalidité - emploi qui pénalisent les reprises d'activité des salariés modestes et certains parcours professionnels ». Il est particulièrement reproché à l'ancien dispositif de calcul de la pension d'invalidité un système d'écrêtement qui « fige les revenus d'activité de l'assuré au moment de la survenance de la pathologie, ce qui n'incite ni à augmenter la quotité de travail, ni à poursuivre une trajectoire professionnelle ascendante ». Ce dispositif avait toutefois l'immense vertu de permettre l'accès, pour les 700 000 assurés invalides sans condition de ressources et de santé (handicap, maladie grave, chronique...), à un revenu d'activité égal à celui précédant la survenance de l'invalidité. Cela offrait une visibilité sur le long terme compatible avec des engagements financiers de la vie courante. Un certain nombre de pathologies chroniques ou graves et bien heureusement temporaires après de lourds traitements, peuvent être compatibles avec une activité partielle ou une reprise d'activité. Ces autorisations sont toutefois soumises à la validation de la médecine du travail dont c'est la responsabilité et qui est la seule à détenir cette compétence. Sur la base de ces analyses et constats, le décret n° 2022-257 du 22 février 2022 établit les nouvelles règles de cumul des ressources et de la pension d'invalidité. Le décret modifie l'article R. 341-17 du code de la sécurité sociale en introduisant la notion de parcours d'accès spécifique santé (PASS). L'article cité définit le salaire de comparaison sur la base du meilleur salaire moyen des 10 années précédant l'invalidité ou du dernier avant invalidité mais introduit surtout une règle de plafonnement au PASS. Il modifie la règle d'écrêtement en ne diminuant la pension d'invalidité que de la moitié du dépassement du seuil qui a donc été plafonné au PASS. Cette incitation bénéficie aux bas salaires et peut favoriser leur reprise d'une activité. Cela permet probablement, de fait, de substantielles économies d'IJSS autofinançant en grande partie cette incitation financière. Par contre, l'introduction de ce plafond au PASS génère de facto une baisse de revenu pouvant représenter la totalité de la pension d'invalidité pour de très nombreux assurés. Cette mesure devient contraire à l'objectif affiché de parcours professionnel ascendant prôné par le rapporteur général puis ministre de la santé Olivier Véran, co-signataire du décret. Pire, pour la majorité des assurés qui voient leur pension d'invalidité ramenée à zéro et donc suspendue, ils perdent le bénéfice d'une éventuelle rente de prévoyance pour laquelle ils cotisent et ont cotisé toute leur carrière. L'impact sur les retraites complémentaires et sur l'ensemble des dispositifs assujettis à la perception d'une pension d'invalidité, aussi minime soit-elle, est aussi à évaluer. Les invalides ont des parcours bien souvent chaotiques, des parcours professionnels « moins ascensionnels » et de fait des pensions de retraites plus basses. Si on rajoute une durée de vie statistiquement beaucoup plus faible, il est indécent d'en mettre certains à contribution. En conséquence, il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la prise en compte des propositions concrètes visant l'amendement nécessaire de ce décret, formulées par les assurés, les invalides, les associations représentatives, la FNATH et par les parlementaires.
La pension d'invalidité vise à compenser la perte conséquente de gains ou de capacité de travail. En fonction de la situation de l'assuré, cette pension équivaut à 30 %, pour les pensionnés d'invalidité relevant de la 1ère catégorie, ou 50 % du revenu moyen calculé sur les dix meilleures années civiles de salaire, pour les pensionnés d'invalidité de catégorie 2 ou 3. La réforme mise en œuvre par le décret du 22 février 2022, vise à introduire davantage de justice pour les assurés qui souhaitent conserver ou reprendre une activité rémunérée après leur passage en invalidité afin de permettre que toute heure travaillée conduise à un gain financier. Avant cette réforme, les règles de cumul n'étaient en effet pas favorables à la reprise d'activité dans la mesure où les revenus cumulés des pensionnés d'invalidité - revenus d'activité et pension d'invalidité – ne pouvaient jamais dépasser un certain seuil. Ce seuil, dit de comparaison, était alors fixé au niveau du Depuis la réforme, ces pensionnés d'invalidité exerçant une activité professionnelle et dont les revenus cumulés dépassent le seuil de comparaison ne voient plus leur pension d'invalidité diminuer que de moitié. Il est rappellé qu'avant la réforme, la pension était réduite du montant du dépassement du seuil de comparaison, jusqu'à parfois être totalement supprimée dans certains cas de figure. Par ailleurs et pour éviter de pénaliser les assurés ayant connu une réduction d'activité avant leur passage en invalidité, le seuil de comparaison peut désormais être fixé soit au niveau du salaire de la dernière année d'activité avant le passage en invalidité, soit au niveau du salaire annuel moyen des dix meilleures années d'activité, selon la règle la plus favorable à l'assuré. Ainsi, la réforme a introduit la mise en place d'un seuil alternatif. Enfin, ce seuil de comparaison est désormais limité au plafond de la sécurité sociale, soit 3 666 euros bruts par mois en 2023, soit une augmentation de 6,9 % par rapport au niveau de 2022. C'est sur ce point plus spécifique que la situation est signalée, dans la mesure où certains assurés, dont les revenus étaient supérieurs au plafond de la sécurité sociale, sont susceptibles de voir leurs revenus diminuer du fait de la réforme. Le choix de la mise en place d'un plafonnement de ce salaire de comparaison parait justifié au Gouvernement pour deux raisons : la première de ces raisons réside dans le principe même de la pension d'invalidité qui est un revenu de remplacement lié à la perte de capacité de gain des assurés. Il s'agit donc d'une prestation sociale qui n'a pas vocation à compléter des revenus d'activité au-delà d'un certain seuil. Par ailleurs, la réforme n'entraine pas une suppression systématique de la pension des assurés dont les revenus seraient plafonnés. Ils peuvent en effet cumuler leur revenu d'activité plafonné et une pension d'invalidité qui n'est réduite qu'à hauteur de la moitié du dépassement du seuil de comparaison, ce qui permet un cumul partiel. Par ailleurs, le calcul de la plupart des prestations contributives de sécurité sociale, est fondé sur la prise en compte d'un revenu plafonné ; la deuxième de ces raisons repose sur le fait que cette réforme a fait plus de gagnants que de perdants. En novembre 2022, seuls 7 812 assurés ont fait l'objet d'une réduction de pension en raison du plafonnement du seuil de comparaison. Ces 7 812 assurés représentent 2,90 % des pensionnés d'invalidité du régime général exerçant une activité professionnelle, soit 1 % du total des pensionnés d'invalidité. Ils conservent par ailleurs un niveau de ressources satisfaisant, dans la mesure où ils ont des revenus au moins supérieurs à 3 666 €. En revanche, la réforme a permis à 60 000 pensionnés d'invalidité, soit 8 % des pensionnés d'invalidité et 26 % de ceux qui exercent une activité professionnelle d'améliorer leur niveau de revenu. Pour autant et devant l'incompréhension suscitée par cette réforme, les services du ministère des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées étudient les mesures correctives à apporter à ce dispositif. Comme annoncé par la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, il est ainsi envisagé de prendre un décret rectificatif pour, sans revenir sur le principe même du plafonnement, relever ce plafond et ainsi limiter encore le nombre de perdants.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.