Mme Caroline Fiat interroge M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur une problématique aussi bien sociale qu'environnementale : la banalisation des titres-restaurants, chèques-cadeaux, chèques-culture ou encore chèques mobilité. Ces soi-disant « avantages sociaux offerts aux salariés par les entreprises » se substituent à de véritables augmentations de salaires. Les entreprises sont incitées à les mettre en place puisqu'ils sont largement exonérés de cotisations sociales. Les contraintes d'utilisation de ces titres et chèques sont nombreuses. À titre d'exemple, pour les titres-restaurant, payés pour moitié par les salariés, le code du travail et la commission nationale des titres restaurants imposent que leur utilisation est plafonnée à 19 euros par jour et limitée géographiquement. Ils ne sont pas utilisables les weekends et jours fériés et périment au bout d'un an. De nombreux aliments ne sont pas éligibles à leur utilisation (pâtes, riz, glaces, etc.). Avec la dématérialisation des titres, restaurateurs et commerçants ne disposent pas tous des terminaux spécifiques. Nombreux d'entre eux refusent ces titres du fait de commissions trop importantes prélevées par les sociétés émettrices ou du fait d'un système de facturation trop complexe. Les grandes surfaces sont habilitées à les recevoir mais pas les AMAP, les producteurs locaux, de nombreuses épiceries bio etc. Bilan : sur le plan écologique et sanitaire, cette politique est un non-sens total qui encourage à surconsommer inutilement et contrevient à la logique de relocalisation et d'incitation à consommer des produits biologiques et de saison. Sur le plan social, c'est une injustice pour tous les salariés qui n'en ont pas usage et se voient rogner une partie de leur revenu pouvant atteindre plusieurs centaines d'euros par an. Sur le plan fiscal, c'est de l'argent en moins par la sécurité sociale. Pour les entreprises, c'est toujours plus de concurrence déloyale au profit des grandes surfaces. À l'heure où l'on parle écologie et pouvoir d'achat, elle lui demande donc de bien vouloir mettre ce sujet à l'ordre du jour pour qu'une refonte du dispositif soit envisagé au profit de dispositifs écologiques réellement favorables aux petites entreprises et aux salariés.
Facultatif pour l'employeur, le titre-restaurant a été institué pour permettre aux salariés des entreprises ne disposant pas sur leur lieu de travail d'un local de restauration de déjeuner à l'extérieur de leur entreprise à des conditions financières avantageuses, puisque l'employeur prend en charge conjointement avec le salarié le prix de ces repas et que cette prise en charge patronale bénéficie d'exonérations sociales et fiscales. Si à l'origine l'utilisation des titres-restaurant n'était prévue qu'en paiement d'un repas consommé au restaurant, l'apparition d'autres formes de restauration (restauration rapide, vente à emporter, traiteurs, préparations prêtes à consommer dans les commerces de détail alimentaires) a conduit progressivement le législateur à permettre l'utilisation par les salariés de ces titres auprès de commerçants non-restaurateurs. Il convient en particulier de souligner que depuis le 5 mars 2010 (suite à une disposition issue de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires), les titres-restaurants peuvent également être utilisés auprès des détaillants en fruits et légumes. Afin de garantir que les titres-restaurant soient utilisés conformément à l'objectif poursuivi par le dispositif, à savoir permettre aux salariés de se restaurer lorsque leur horaire de travail journalier comprend un repas, et ainsi que leur mise en place ne se substitue pas à des augmentations salariales, les articles L. 3262-4 et R. 3262-4 et suivants du code du travail sont venus encadrer les conditions d'utilisation des titres. Ainsi, les titres-restaurant ne sont pas utilisables les dimanches et jours fériés, sauf décision contraire de l'employeur au bénéfice exclusif des salariés travaillant pendant ces mêmes jours. De plus, ils sont au bénéfice exclusif du salarié auquel les titres ont été attribués, et leur utilisation est limitée à un montant maximum quotidien fixé depuis le 1er octobre 2022 à 25 € par jour (décret n° 2022-1266), afin de tenir compte de l'évolution des prix de l'alimentation. Enfin, les titres-restaurant ne peuvent être utilisés que dans le département du lieu de travail des salariés bénéficiaires et les départements limitrophes. Les salariés appelés à des déplacements professionnels hors de ces départements peuvent utiliser les titres-restaurant à la condition que l'employeur appose une mention spéciale, sous sa responsabilité, validant une utilisation en dehors des limites départementales susvisées. Exceptionnellement, les conditions d'utilisation sont néanmoins susceptibles d'être adaptées pour répondre à certains enjeux. En particulier, pour répondre aux difficultés liées à la crise sanitaire, plusieurs décrets successifs ont temporairement autorisé l'utilisation des titres-restaurant les dimanches et jours fériés, et porté le montant plafond d'utilisation à 38 euros par jour dans les restaurants et hôtels-restaurants ou des débits de boissons assimilés. L'objectif était d'accompagner la reprise du secteur de la restauration durement touché par la crise sanitaire, en encourageant la consommation au sein de ces établissements. Ce ciblage des restaurateurs visait à éviter une utilisation accrue des titres-restaurant dans les grandes et moyennes surfaces restées ouvertes durant les périodes de confinement. Ces mesures dérogatoires, qui ont pleinement joué leur rôle de soutien au secteur de la restauration, ont pris fin le 30 juin 2022. S'agissant par ailleurs des types de repas pouvant être acquis par le biais de titres-restaurant, il est prévu que ces derniers ne peuvent être utilisés qu'en paiement d'un repas composé de préparations alimentaires directement consommables, à réchauffer ou à décongeler éventuellement, notamment de produits laitiers. Ce repas peut également être composé de fruits et légumes, qu'ils soient ou non directement consommables. Là encore, pour répondre aux enjeux d'actualité qui se présentent, en particulier en matière de pouvoir d'achat, la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a temporairement étendu le panel des produits alimentaires pouvant être achetés par le biais des titres-restaurant. Ainsi, de manière dérogatoire et jusqu'au 31 décembre 2023, les titres- restaurants peuvent être utilisés pour acquitter en tout ou en partie le prix de tout produit alimentaire non directement consommable. L'encadrement du dispositif permet de cibler l'utilisation des titres-restaurant autour de la prise des repas par les salariés durant leurs journées de travail, et ainsi d'éviter que ces dispositifs se substituent à des augmentations de salaires. Dédiés uniquement à l'achat quotidien de produits alimentaires pour un montant plafonné, ils n'incitent par ailleurs pas à la surconsommation. Il ressort de ces éléments que le système de titres-restaurant bénéficie tant aux salariés, qu'aux employeurs et organismes pouvant accepter ces titres. Il n'apparaît pas opportun de revenir sur ce dispositif, qui a su évoluer au gré des enjeux qui se sont présentés depuis sa création en 1967 tout en conservant son objectif initial, et qui apparaît aujourd'hui équilibré.
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