Mme Christine Arrighi interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur des essais de terrain réalisés pour des pesticides ARNi épandus en France sur des cultures de pommes de terre. Ces pesticides nouvelle génération sont conçus pour interférer avec l'expression génique d'insectes ravageurs des cultures et rendre « silencieuse » l'expression de certains gènes essentiels à leur survie. Plusieurs études scientifiques montrent que leur utilisation pourrait avoir de graves impacts sur la biodiversité, notamment en provoquant des transferts de gènes involontaires entre les organismes vivants ou des bouleversements au sein des structures et fonctions des réseaux écologiques. C'est pourquoi elle lui demande de préciser en vertu de quel cadre réglementaire (règlement européen, directive européenne, loi ou tout autre texte pertinent) de tels essais de terrain ont-ils été autorisés et réglementés ; et quelle procédure a été appliquée par le Gouvernement, notamment pour l'évaluation des risques environnementaux.
Le recours à des produits composés d'ARN interférents (ARNi) dans le domaine phytopharmaceutique constitue une technologie émergente. Aucun produit de ce type n'est actuellement autorisé en France et dans l'Union européenne. En bloquant l'expression de gènes de la cible, les ARNi pourraient permettre de viser précisément certains agents pathogènes ou ravageurs des cultures. Ils posent cependant la question, comme les autres pesticides, d'éventuels effets non intentionnels sur les organismes non cibles tels que les insectes pollinisateurs. L'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié en décembre 2020 un document de travail [ENV/JM/MONO (2020) 26] à l'intention des agences internationales, qui fournit des éléments de méthode pour évaluer les risques d'une application exogène d'ARNi, en particulier sur le devenir dans l'environnement de ces molécules et sur les risques potentiels pour les organismes non cibles. Dans le domaine de l'expérimentation, le règlement européen (CE) n° 1107/2009 relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques prévoit à son article 54 la possibilité d'autoriser la réalisation d'essais de produits sans autorisation de mise sur le marché (AMM) ou impliquant l'utilisation non autorisée d'un produit phytopharmaceutique, pour collecter des données sur l'efficacité, la sélectivité et l'innocuité des produits, préalablement à une demande d'AMM ou de modification d'une AMM existante. Les demandes sont formulées auprès de l'État membre sur le territoire duquel l'essai doit être effectué sauf si l'État membre a reconnu à la personne concernée le droit d'entreprendre certains essais et a déterminé les conditions dans lesquelles ces essais doivent être effectués. La règlementation nationale relative à l'expérimentation de produits phytopharmaceutiques est précisée aux articles R. 253-30 et suivants du code rural et de la pêche maritime (CRPM). Elle est complétée par les dispositions de l'arrêté du 26 avril 2007 relatif aux essais officiels et officiellement reconnus pour l'évaluation des produits phytopharmaceutiques, et celles de l'arrêté du 9 février 2016 fixant les conditions applicables aux essais et expériences visés à l'article D. 253-32 du CRPM et concernant les produits phytopharmaceutiques. Au titre de cette réglementation, la conduite d'une expérimentation nécessite un permis d'expérimentation délivré par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) après évaluation d'une demande documentée. Cependant, des expérimentations peuvent être réalisées en dispense de permis d'expérimentation dès lors qu'elles sont conduites par un organisme agréé pour les bonnes pratiques d'expérimentation (BPE), sur des surfaces réduites (< 1 hectare) et avec des volumes de produits limités [< 200 litres (l)]. De plus, les récoltes éventuelles issues des essais doivent être détruites. Les expérimentations réalisées en dispense de permis doivent faire l'objet d'une déclaration auprès de l'Anses. Ces conditions restrictives permettent de minimiser les risques pour l'environnement compte tenu de l'absence d'évaluation préalable par l'Anses. Selon les informations détenues par l'Anses, des expérimentations ont été réalisées au cours des dernières années en France avec des produits à base d'ARN, en dispense de permis d'expérimentation, sur des surfaces limitées (< 3 500 mètres carrés) et impliquant des volumes très limités de produit (< 1 l). À ce jour, aucun permis d'expérimentation pour des essais d'ARNi pour la protection des cultures n'a été délivré par l'Anses, ni aucune sorte d'autorisation délivrée par le ministère chargé de l'agriculture.
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