M. Matthieu Marchio appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur les opérations de transport bilatéral, dites de cabotage routier et leurs conséquences sur l'emploi et l'activité des routiers français. Le cabotage désigne un transport de marchandises effectué en France par une entreprise non résidente, c'est-à-dire étrangère. Malgré l'adoption d'un « Paquet Transport » par le Parlement européen en 2019 visant à mieux encadrer ces pratiques, les discussions s'enlisent au niveau européen entre la Commission et le Conseil. À ce stade, quelques compromis ont été trouvés, notamment sur l'interdiction du repos hebdomadaire en cabine. Le transport bilatéral reste cependant possible et les entreprises étrangères en profitent. Tout habitant du Nord peut témoigner de la multitude de camions immatriculés à l'étranger, roulant sur les routes et autoroutes du département quand parfois les routiers français ont interdiction de rouler. Cette situation génère incompréhension et colère. Outre les répercussions sur le trafic routier et les dangers associés en matière de sécurité routière, les entreprises françaises de transport dénoncent à juste titre une concurrence déloyale. Il n'est pas question de remettre en cause les droits et les conditions de travail et de repos des routiers français pour s'aligner sur les règles de certains transporteurs étrangers, au nom d'un dumping social mortifère. Il n'est pas non plus question de nier la géographie et la situation de la France en Europe qui en font naturellement une terre de transit. Il est en revanche incompréhensible que les règles de transport européennes impactent aussi négativement le transport routier et la vie quotidienne des compatriotes sur le réseau routier, spécifiquement dans le Nord. Il est anormal que la loi de la jungle perdure en la matière et que, sur le sol français, l'essentiel du transport routier ne soit pas assuré par des entreprises et des travailleurs français. Dans ce contexte, il souhaite connaître la stratégie du Gouvernement pour rééquilibrer, au niveau européen, les règles en faveur des professionnels français et limiter fortement le cabotage.
Le cabotage consiste en la possibilité pour un transporteur établi dans un État membre de l'Union européenne ou partie à l'Espace économique européen d'effectuer des opérations de transport routier de marchandises sur le territoire d'un autre Etat membre consécutivement à un transport routier international de marchandises. Les règles du cabotage en France sont strictement délimitées par le règlement (CE) n° 1072/2009 du 21 octobre 2009 modifié par le règlement (CE) 2020/1055 du 15 juillet 2020 dont les mesures sont applicables depuis le 21 février 2022. En effet, les négociations conduites au niveau européen et qui ont abouti à la publication du « Paquet mobilité » en juillet 2020 ont permis de renforcer significativement les règles applicables, tant sur le plan social qu'en matière d'accès au marché ou à la profession. Ainsi, le transport de cabotage doit être nécessairement consécutif à un transport international de marchandises et réalisé dans un délai maximum de sept jours suivant le dernier déchargement des marchandises constituant le transport international. Seules trois opérations de cabotage sont possibles dans ce délai de sept jours, et une période de carence de quatre jours suivant la dernière opération de cabotage a été instaurée par les textes récents, avant que ce même véhicule puisse de nouveau effectuer une opération de cabotage sur le territoire national. Par ailleurs, ce même règlement prévoit que tout transporteur non résident doit se soumettre aux dispositions en vigueur dans le pays où il exerce des opérations de cabotage, notamment en ce qui concerne les temps de conduite et de repos ou en matière de détachement. Le règlement (CE) 1071/2009 impose, depuis le 21 février 2022, que le véhicule utilisé pour le transport international retourne sur le territoire de son État d'établissement dans un délai maximal de huit semaines après l'avoir quitté, tandis que le règlement (CE) 561/2006 prévoit que tout conducteur européen doit retourner à son lieu de résidence ou au centre opérationnel de son employeur dans un délai maximal de quatre semaines. En outre, les dispositions du « Paquet mobilité » ont renforcé les moyens de contrôle des Etats membres. Ainsi, les conducteurs sont tenus d'enregistrer les passages de frontière sur les tachygraphes qui équipent les véhicules. Cet enregistrement sera automatique sur les véhicules neufs immatriculés à partir du mois d'août 2023 et les véhicules en circulation circulant à l'international devront changer de tachygraphe, pour la version la plus récente en 2025 au plus tard. Complétées par une période de contrôle augmentée à 56 jours (au lieu de 28 jours), les dispositions adoptées dans le cadre du « Paquet mobilité » permettent de bénéficier de moyens de contrôles renforcés de la réglementation applicable en matière de cabotage. Il convient également de souligner que la responsabilité des donneurs d'ordre a été renforcée par le « Paquet mobilité », dans le droit de l'Union européenne puis dans le droit national afin que ceux-ci soient pleinement impliqués dans le respect de la réglementation en la matière. Outre l'engagement des autorités françaises dans les négociations qui ont abouti à l'évolution de ces textes, le Gouvernement français est très attaché à une application rigoureuse des règles européennes encadrant le cabotage en matière de transport routier de marchandises, comme en témoignent les actions de contrôles effectuées en France mais également en coordination avec d'autres États membres de l'Union européenne dans le cadre des activités d'Euro Control Route. A ce titre, des sanctions sont mises en place pour lutter contre le cabotage illégal, irrégulier ou abusif, qualifié de délit, peut être puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende, et le tribunal peut prononcer l'interdiction d'effectuer ou de faire effectuer des opérations de transport sur le territoire national pendant une durée d'un an au plus (article L. 3452-6 du Code des transports). Le fait pour un transporteur admis au cabotage d'outrepasser les limites citées plus haut est puni de 15 000 € d'amende (article L. 3452-7-2 de ce code). De la même façon, le transporteur non résident qui exercerait en France une activité de transport « habituelle, continuelle ou régulière » sous couvert de cabotage (article L. 3421-8-1 de ce code) commettrait le délit d'exercice illégal de l'activité, puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (article L. 3442-6 de ce code). Tout nouveau renforcement des conditions de cabotage nécessite préalablement de mesurer l'impact des mesures entrées en vigueur il y a un an environ, en particulier le délai de carence de quatre jours. À cet égard, l'article 17 du règlement 2020/1055 du 15 juillet 2020 prévoit que la Commission établira un rapport sur la situation du marché des transports routiers de l'Union avant le 21 août 2024. Ce rapport contiendra une analyse de la situation du marché, notamment une évaluation de l'efficacité des contrôles, et de l'évolution des conditions d'emploi dans la profession. La France contribuera à recueillir les données concernant l'évolution du marché des transports, en particulier concernant le cabotage, volet important des mesures adoptées en 2020, et communiquera ses conclusions à la Commission européenne.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.