Mme Marine Hamelet interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les fermetures de classes et d'écoles, spécifiquement en zone rurale, par rapport aux efforts financiers intensifs, consentis par l'État depuis 1977 et 1981 dans les zones d'éducation prioritaires (ZEP), devenues en 2015 « réseaux d'éducation prioritaire » (REP et REP+), en particulier depuis la mise en œuvre d'une politique éducative inspirée des propositions du rapport intitulé « Vivre ensemble, vivre en grand » remis par M. le ministre Jean-Louis Borloo le 26 avril 2018. Elle lui demande que lui soit fournie et rendue publique la comparaison des données statistiques territoriales ayant permis à la direction de l'évaluation, de la prospective et de de la performance (DEPP) d'affirmer dans sa note d'information n° 19.47 que « la baisse de la taille des classes, pour les élèves de CP-CE1, en éducation prioritaire, ne s'est pas faite au détriment des autres niveaux, ni des autres territoires », alors même que les fermetures de classes et d'écoles sont ressenties durement dans les zones rurales, où la démographie n'est pas la même qu'en ville. Sur ce point, il est à craindre en effet que les difficultés actuelles de recrutement que rencontre le ministère de l'éducation nationale, aussi bien dans le premier que dans le second degré, amènent l'État à des décisions prises au détriment des zones rurales, ne permettant plus ainsi d'assurer l'objectif d'équité territoriale qui justifiait jusque-là la politique éducative mise en place dans les REP et REP+. Aucun enfant français, aussi peu nombreux soient-ils au total aujourd'hui dans leurs écoles communales, ne doit voir la qualité de son enseignement se dégrader pour des raisons démographiques, sous peine de rompre le principe d'égalité des chances défini à l'article 1er du code de l'éducation et de remettre en cause le fait que l'éducation est la première priorité nationale depuis la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire obligatoire. Afin de lever les craintes de voir émerger une politique éducative à deux vitesses au détriment des zones rurales, Mme la députée demande à M. le ministre le bilan financier des « fonds pour la cité éducative », un label d'excellence alimenté pour moitié par le ministère de l'éducation nationale et mentionné dans le rapport « Vivre ensemble, vivre en grand » établi par Jean-Louis Borloo. Par conséquent, elle attire enfin son attention sur l'opportunité conjoncturelle de mener une vaste enquête sur les disparités territoriales d'accès à une éducation d'excellence et souhaite connaître ses intentions à ce sujet.
La Première ministre et le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ont annoncé le 31 mars 2023 un plan ambitieux pour les territoires ruraux qui vise à garantir l'amélioration durable de la qualité du service public de l'éducation au sein de ces territoires. Ce plan se décline en trois axes : le premier axe vise à garantir un maillage scolaire partout sur le territoire, notamment en proposant une anticipation sur trois ans des ouvertures et fermetures de classes en milieu rural, en créant une instance de dialogue permettant d'assurer la coordination sur les grands projets d'aménagements éducatifs des territoires concernés, et en créant un bonus pour les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). Le deuxième axe doit permettre de garantir la réussite des élèves en milieu rural, en favorisant les échanges entre collégiens de milieu rural et de milieu urbain, et en offrant trois mille places supplémentaires ou rénovées en internat d'excellence. Le troisième axe place la dynamisation des territoires par l'école comme élément fondamental, et dans ce cadre, à partir de la rentrée 2023, le dispositif des territoires éducatifs ruraux (TER) sera étendu à tous les départements ruraux dans les trois ans à venir. Le déploiement de ces nouvelles mesures s'inscrit dans la continuité d'une action forte souhaitée par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (MENJ) en faveur des territoires ruraux : Ariane Azéma et Pierre Mathiot se sont vus confier en 2018-2019 une mission dite « Territoires et réussite » visant à réinterroger les critères de l'éducation prioritaire dans le but de mieux tenir compte des spécificités de chaque territoire et proposer des mesures allant dans le sens d'une plus grande différenciation territoriale dans l'action éducative. C'est dans le cadre des travaux de la Mission « Territoires et réussite » qu'a été développé l'indice d'éloignement aujourd'hui utilisé dans les outils et les dispositifs d'analyse territoriale par les autorités académiques et nationales pour mesurer notamment l'éloignement d'un collège avec les services éducatifs, sportifs et culturels et en déduire et calibrer l'accompagnement spécifique nécessaire, y compris en terme de moyens. L'action du ministère vise donc à développer des mesures les plus adaptées possible à la diversité des territoires. Deux nouveaux dispositifs avaient ainsi été proposés pour permettre d'introduire une plus grande souplesse et une plus grande progressivité dans l'allocation des moyens et dans les actions d'accompagnement, tout en donnant plus de marges de manœuvre aux acteurs locaux dans l'identification des territoires cibles et le choix des mesures devant être mises en œuvre : établis par les autorités académiques pour une durée de trois ans, les contrats locaux d'accompagnement (CLA), qui s'adressent aux écoles, collèges et lycées socialement proches de l'éducation prioritaire ou bien ayant des besoins d'accompagnement particuliers, permettent d'introduire plus de progressivité dans l'allocation des moyens. Chaque contrat repose sur le projet de l'école ou de l'établissement à partir duquel les autorités académiques apportent des formes d'accompagnement définies au cas par cas permettant ainsi de répondre à des problématiques ciblées en tenant compte des contextes locaux. Les leviers mobilisés sont mentionnés dans le CLA et peuvent être de différents ordres : pédagogique, éducatif, social ou relevant des ressources humaines (formations...) ; le ministère a également développé une nouvelle approche des zones rurales grâce aux TER qui permettent de mobiliser la complémentarité des prises en charge pédagogiques et éducatives des élèves résidant dans des territoires ruraux et éloignés en associant l'ensemble des partenaires du territoire dans le but de développer l'ambition scolaire (cordées de la réussite, internats d'excellence...), mieux accompagner les personnels enseignants affectés en zone rurale (notamment par la formation) et enfin inscrire plus résolument l'École dans les stratégies de développement territorial. Chaque TER repose sur un réseau constitué d'au moins un collège et de ses écoles de rattachement. À ce jour, 64 territoires, pour un total de 570 communes, sont engagés dans la démarche et regroupent 86 collèges, 632 écoles en bénéficiant à près de 70 000 élèves. Les projets portés par chacun des territoires s'appuient en priorité sur des outils et dispositifs existants qui concernaient jusqu'ici principalement l'éducation prioritaire : à titre d'exemple, les stages de réussite, École Ouverte, Devoirs faits, Petits déjeuners, ou encore le plan bibliothèques d'école, constituent autant de dispositifs de droit qui peuvent être mobilisés en fonction de besoins pour la mise en œuvre des projets portés par les territoires. En particulier identifiés comme des leviers importants, les cordées de la réussite et le plan d'internats d'excellence ont bénéficié de moyens supplémentaires : depuis la rentrée 2020, le dispositif des cordées de la réussite est étendu aux collèges des zones rurales et/ou isolées où les ambitions des collégiens et lycéens sont souvent bridées du fait de l'éloignement des métropoles. Ce sont près de 32 000 élèves de territoires ruraux qui ont ainsi été accompagnés ; ancrés dans leur territoire, les internats d'excellence constituent à la fois un levier d'attractivité pour les zones rurales et une opportunité pour les élèves dont l'environnement n'offre pas toutes les conditions favorables à la réussite et à l'ambition scolaire – les élèves des territoires ruraux étant particulièrement concernés. Les appels à projet lancés en 2020 et en 2021 ont permis de labelliser 307 projets, dont 132 sont situés en zone rurale (soit 43 % des internats d'excellence labellisés). Parmi l'ensemble des projets labellisés, 54 ont bénéficié de crédits exceptionnels du Plan de relance pour financer la création, l'extension ou la réhabilitation d'internats, dont 18 situés en zone rurale et isolée ; depuis la rentrée 2022, l'implantation d'Espaces Service Jeunesse (ESJ) répond à la question de la dispersion de certains services liés à l'éducation, la formation et la jeunesse, qui complique les démarches des personnes concernées par les thématiques liées à la jeunesse. Les ESJ peuvent ainsi proposer des actions pour aider les jeunes dans la recherche de stage, des actions de sensibilisation et de prévention aux addictions, des actions liées à l'engagement citoyen, au civisme, des rapprochements avec les acteurs économiques et les entreprises du territoire, des ateliers dédiés au numérique, etc. Le MENJ mène donc une politique d'équité, qui permet d'affecter plus de moyens dans les écoles et les établissements où les élèves en ont le plus besoin. Ainsi, le taux d'encadrement dans les écoles situées en milieu rural est plus élevé que la moyenne nationale : dans le premier degré, le nombre d'élèves par classe en zone rurale est de 21,20 et de 20,28 pour les communes rurales éloignées, alors qu'il est de 21,7 en moyenne au niveau national. Conformément à l'engagement présidentiel, depuis 2019 aucune fermeture d'école de zone rurale n'a lieu sans l'accord du maire. Par ailleurs, nonobstant une baisse de 14 245 élèves dans les écoles rurales, soit 1,4 % des effectifs, plus marquée que sur l'ensemble du territoire où elle a été de - 0,9 %, entre 2021 et 2022, le nombre de fermetures de classes a été de 295, représentant une baisse de 0,7 % des classes en milieu rural. Les mesures de carte scolaire du premier degré (ouverture, fermeture ou regroupement des écoles et des classes) prennent en effet en compte les spécificités des territoires ruraux : s'agissant d'une compétence partagée entre l'État et les communes, ces mesures relèvent bien d'une décision du conseil municipal. Ainsi, les fermetures de classes constatées en milieu rural sont, chaque année, extrêmement limitées : on en comptabilise annuellement sur les trois dernières années moins de 300. Pour mieux répondre aux préoccupations exprimées par les élus locaux, des travaux sont engagés avec les collectivités pour garantir la qualité du service public de l'éducation au sein des territoires ruraux. Parmi ces axes de travail figure la garantie d'un maillage scolaire partout sur le territoire, à travers notamment une meilleure anticipation des évolutions démographiques et de leurs implications éventuelles en termes d'ouvertures ou de fermetures de classes. En 2024, chaque commune rurale aura ainsi une visibilité sur les évolutions démographiques du territoire où elle se situe et sera informée des prévisions d'effectifs. Ce travail permettra de mieux anticiper la carte scolaire sur trois ans. Le dialogue et la coordination seront renforcés en amont des CDEN, dans le cadre d'une instance associant les différents acteurs, permettant d'apporter une réponse globale aux enjeux du territoire. L'action du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en faveur de l'égalité des chances participe également au déploiement du label d'excellence des « Cités éducatives » qui vise à lutter contre les inégalités de destin en rassemblant tous les acteurs agissant dans le quotidien des enfants et des jeunes – entre 0 et 25 ans – autour de l'enjeu éducatif. À travers les Cités éducatives, le Gouvernement entend fédérer tous les acteurs de l'éducation – scolaire et périscolaire – dans les territoires qui en ont le plus besoin et où sont concentrés les moyens publics. Le label « Cité éducative » et les moyens affectés par l'État ont été accordés dès la rentrée scolaire 2019 aux territoires pour lesquels une stratégie ambitieuse pour l'école a été définie avec la collectivité. 208 territoires bénéficient désormais de ce label. Dotés de moyens inédits (230 millions d'euros sur la période 2019-2023) la démarche repose sur une alliance tripartite organisée autour du collège chef de file de la Cité éducative. Aujourd'hui se sont près de 1,2 millions élèves qui sont bénéficiaires des actions portées par les Cités éducatives. Elles se déploient autour de 509 collèges, 3 165 écoles et 422 lycées engagés dans la démarche. En conclusion, le ministre affirme sa volonté résolue de faire réussir la politique éducative en l'adaptant aux contextes locaux, en soutenant et en accompagnant les projets des collectivités territoriales et en permettant une prise en compte qualitative renforcée des besoins et des enjeux de l'école dans l'ensemble du territoire national.
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