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Hadrien Clouet
Question N° 5710 au Ministère du travail


Question soumise le 21 février 2023

M. Hadrien Clouet attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur la fiabilité des données concernant l'espérance de vie en bonne santé. Depuis décembre 2022, différents ministres avancent que l'espérance de vie en bonne santé s'élève à de 64,4 ans pour les hommes et 65,9 ans pour les femmes. Si ces chiffres sont tirés des enquêtes de la DREES, nul ne semble pressé d'en dénouer les problèmes méthodologiques sur lesquels les auteurs eux-mêmes alertent. L'espérance de vie en bonne santé est calculée en croisant les enquêtes INSEE relatives à la mortalité (à partir des 600 000 décès enregistrés annuellement sur le territoire) et un sondage sur échantillon modeste (16 000 personnes, soit 38 fois moins). Quatre problèmes peuvent être soulevés pour la bonne information du public et l'élaboration des politiques nationales. Premièrement, l'échantillon est trop réduit. Deuxièmement, la question qui lui est adressée est bien trop large (« êtes-vous limitée ou limité depuis au moins 6 mois à cause d'un problème de santé ? »). Troisièmement, seuls les ménages sont concernés par l'étude, excluant de fait les résidants d'EHPAD... pourtant extrêmement concernés par les invalidités. Finalement, ces études ne ventilent pas les résultats entre catégories socioprofessionnelles. Ces obstacles limitent la portée de l'indicateur. Ils permettent à certains intervenants d'occulter la pénibilité de métiers ou de secteurs, alors même que les écarts d'espérance de vie demeurent, eux, significatifs entre catégories socioprofessionnelles. Aussi, M. le député demande-t-il à M. le ministre comment il entend améliorer la robustesse et la précision des données récoltées. Quels moyens seront accordés à l'INSEE et à la DREES pour leurs futures enquêtes sur l'espérance de vie en bonne santé ? Seront-ils équivalents à ceux accordés, à raison, aux grandes études sur les prix ou la démographie ? Entend-il doter la statistique publique des ressources nécessaires pour identifier les populations les plus vulnérables en cas de report de l'âge légal de départ en retraite ? Il souhaiterait avoir des précisions à ce sujet.

Réponse émise le 11 juillet 2023

Les espérances de vie sans incapacité (EVSI) ont récemment été calculées pour l'année 2021, elles valent respectivement pour les femmes et les hommes 67 ans et 65,6 ans (1). Les EVSI sont estimées à partir de données de l'Insee recueillies et exploitées par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), avec d'une part les données relatives à la mortalité (nombre de décès par âge provenant des certificats de décès et population vivant en France par âge provenant du recensement de la population) et d'autre part les données relatives aux incapacités (enquêtes annuelles SRCV - Statistiques sur les ressources et conditions de vie - réalisées par l'Insee également). Rapporter le nombre de personnes répondant à ces enquêtes SRCV au nombre de décès n'indique en soi aucun problème méthodologique ou de précision. L'enquête SRCV de 2021 a interrogé 17 000 ménages. C'est à partir de cette enquête que sont estimées les prévalences d'incapacités par âge dans la population, ces prévalences par âge étant nécessaires au calcul de l'indicateur. Si la DREES a fait le choix, en toute indépendance, de produire et de diffuser cet indicateur sur la base des données collectées dans l'enquête SRCV, c'est qu'elle juge qu'il est conforme aux principes du code des bonnes pratiques de la statistique européenne et aux standards de qualité internationaux en la matière. L'expertise du service statistique public français et la fiabilité des données qu'il produit sont confortées par le jugement de ses pairs, à l'occasion de revues périodiques. Le Conseil d'orientation des retraites utilise l'indicateur sur l'espérance de vie sans incapacité pour documenter son rapport annuel en pointant le fait que l'espérance de vie sans incapacité a plus augmenté ces dernières années que l'espérance de vie ce qui est interprété par le fait que les années de vie supplémentaires sont principalement des années de vie sans incapacité (2). La question exacte posée lors de l'enquête SRCV est « Êtes-vous limité (e), depuis au moins 6 mois, à cause d'un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ? ». Elle permet donc de se positionner par rapport à ce que les répondants jugent habituel en termes d'activités. Trois modalités de réponses sont proposées : « 1. Oui, fortement limité (e) », « 2. Oui, limité (e), mais pas fortement » et « 3. Non, pas limité (e) du tout », ce qui permet notamment de distinguer les incapacités fortes des incapacités modérées et ainsi de calculer des espérances de vie sans incapacité forte. Cette question a fait l'objet d'un large consensus au niveau international ; elle a notamment été adoptée pour les enquêtes harmonisées du système statistique européen à travers plusieurs règlements statistiques. Elle permet de calculer un indicateur synthétique du handicap nommé le GALI (Global Activity Limitation Indicator). Cet indicateur prend en compte les quatre éléments constitutifs du handicap que sont sa dimension durable (6 mois), ses causes (problème de santé), ses conséquences sur les activités (limité dans les activités) ainsi qu'un contexte social donné (ce que les gens font habituellement). Cette question a fait l'objet de travaux méthodologiques dans différents pays européens qui montrent qu'elle cible de manière stable et satisfaisante les limitations fonctionnelles quotidiennes (3). L'objectif de cette question est de mesurer la prévalence du handicap dans la population. L'avantage de poser une seule question est de pouvoir la poser dans de nombreuses enquêtes notamment en vue de comparaisons internationales. L'inconvénient est qu'il est difficile de délimiter un sujet complexe avec une seule question qui peut faire l'objet d'interprétations différentes de la part des répondants. Il convient de rappeler par ailleurs que, dans ce domaine en particulier comme de façon générale, un seul indicateur ne sera jamais en capacité de représenter des phénomènes démographiques, économiques ou sociaux complexes. C'est la raison pour laquelle le service statistique public diffuse de nombreux indicateurs visant à éclairer ces phénomènes, et plus largement met à disposition de la recherche les données qu'il collecte pour compléter les travaux qu'il est en capacité de conduire avec ses moyens et pour explorer de nouvelles approches. Par exemple l'enquête santé européenne recueille de l'information détaillée subjective et objective sur l'état de santé et ses conséquences sur la vie quotidienne, au-delà des limitations fonctionnelles.  Seuls les ménages dits « ordinaires » sont concernés par l'enquête SRCV et par conséquent l'espérance de vie sans incapacité (EVSI) est calculée pour ce champ qui exclue donc les personnes résidantes en institutions ou communautés dont les établissements d'hébergement pour personnes âgées qui comptabilisent 730 000 personnes en France métropolitaine selon la dernière enquête auprès des établissements d'hébergement pour personnes âgées (EHPA) de 2019, soit 1,1 % de la population. La très grande majorité de ces personnes ne sont pas autonomes dans les actes de la vie quotidienne. D'autres données peuvent être mobilisées pour décrire ces personnes comme le dispositif d'enquêtes sur l'autonomie de la DREES qui couvre l'ensemble des personnes âgées, quel que soit leur lieu de vie. Pour calculer l'EVSI pour des sous-populations particulières, par catégorie socio-professionnelle par exemple, il faut alors pouvoir estimer la prévalence d'incapacité par âge pour ces sous-populations. L'effectif de l'enquête SRCV devient limitant pour calculer avec une bonne précision l'EVSI sur des sous-populations, au-delà de la distinction entre femmes et hommes. Au-delà de la seule EVSI, de nombreuses informations sont disponibles et permettent déjà largement d'éclairer les conditions de vie des personnes âgées et les inégalités sociales de santé au regard de leurs parcours professionnels. Conscient de la forte demande sociale et des enjeux pour les politiques publiques dans les années à venir, le Conseil national de l'information statistique (CNIS) a d'ailleurs identifié l'observation des conditions de vie et de l'état de santé aux grands âges et les liens entre parcours professionnel et santé comme des priorités pour le programme de travail du service statistique public pour la période 2019-2023. La consultation publique en cours pour le programme de moyen-terme 2024-2027 du service statistique public sera probablement l'occasion de confirmer ces orientations ; il est rappelé que tous les usagers, y compris les parlementaires, sont invités à y participer. Par ailleurs, de nombreux travaux ont d'ores et déjà été engagés ou sont envisagés à la DREES en ce sens. Premièrement, l'expertise d'autres sources de données permettant de disposer d'échantillons plus grands (enquêtes VQS [Vie Quotidienne et Santé] ou VRS [Vécu et Ressenti en matière de Sécurité] ). Deuxièmement, de nouvelles enquêtes de grande taille abordant les sujets du handicap sont en préparation comme la nouvelle enquête de santé européenne qui aura lieu en 2025 avec des premiers résultats attendus en 2026. De plus, l'Insee envisage d'intégrer prochainement aux enquêtes annuelles de recensement une question permettant d'estimer le GALI sur des échantillons bien plus importants que pour l'enquête SRCV et sur un champ plus large. Enfin, il est envisagé d'élaborer des indicateurs complémentaires issus de bases de données médico-administratives et permettant des déclinaisons selon des caractéristiques socio-économiques et socio-professionnelles sur le même modèle que l'EVSI : espérance de vie sans maladie chronique ou espérance de vie sans handicap détectés par ces données. (1) https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/lesperance-de-vie-sans-incapacite-65-ans-est (2) Rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites, septembre 2022, page 29 : https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2023-02/RA_COR2022_def.pdf (3) Jagger C., Gillies C., Cambois E., Van Oyen H., Nusselder W., Robine J.-M., EHLEIS Team, 2010, “The Global Activity Limitation Index measured function and disability similarly across European countries”, Journal of clinical epidemiology, vol. 63, n° 8, p. 892-899

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