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François Ruffin
Question N° 5699 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 21 février 2023

M. François Ruffin alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le Mercosur et demande si le Président de la République tiendra ses engagements. « Par définition, cet accord [le Mercosur], tel qu'il a été conçu et pensé, ne peut pas être compatible avec notre agenda climatique et de biodiversité. Ça n'est pas vrai ». C'est très clairement que le Président de la République, Emmanuel Macron, s'exprimait en en septembre 2021 au Congrès mondial de la nature, à Marseille. Il faut rappeler que le Mercosur contient 15 fois le mot « concurrence », 38 fois le mot « marché », 28 fois le mot « commerce » et seulement 2 fois le mot « climat » et 0 fois le mot « écologie », preuve de l'absence de prise en compte des enjeux environnementaux, le traité ne prévoit pas de « conditionnalité tarifaire » liée au respect des principales normes européennes quant à l'usage des pesticides. Cet accord représente également un grand danger de dumping social pour les agriculteurs, les éleveurs en particulier. La Fédération nationale bovine y voit une « catastrophe » avec un quota annuel d'importation en Europe fixé à 99 000 tonnes de viande bovine venant des pays du Mercosur, où les exploitations y sont 15 000 fois plus grandes, avec seulement 7,5 % de droit de douane. M. le député se félicite ainsi que le Président de la République ait reconnu l'incompatibilité de cet accord avec les engagements de la France, comme l'avait déjà souligné la Fondation pour la nature et l'homme ou encore l'Institut Veblen. Mais voilà que le traité du Mercosur revient sur le devant de la scène. Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, affirmait début février 2023 qu'il existait « une fenêtre d'opportunité » pour la ratification de l'accord : « Il nous faut relancer les débats en ce qui concerne l'accord du Mercosur. Parce que le commerce international est essentiel pour aider notre industrie à réduire les coûts, à créer des emplois et à développer de nouveaux produits ». Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, opinait : « J'espère que nous pourrons finaliser l'accord avant le prochain sommet avec l'Amérique latine qui aura lieu le 17 et le 18 juillet à Bruxelles ». Olaf Scholz, le chancelier allemand, à son tour : « Notre objectif est d'arriver enfin à une conclusion rapide ». Emmanuel Macron doit se rendre prochainement au sommet de l'Amazonie : que va-t-il annoncer ? Se prépare-t-il à valider l'accord avec le Mercosur ? Pour mémoire : en plein cœur de la crise covid, en mars 2020, le Président de la République déclarait : « Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, à d'autres, est une folie ». Depuis, quel changement de politique commerciale a-t-on pu observer ? De nouveaux accords de libre-échange ont vu le jour avec le Japon, Singapour, le Vietnam, le Mexique, le Canada, la Nouvelle-Zélande et dernièrement le Chili. Avec quels résultats ? À la clé, un déficit commercial de 164 milliards d'euros pour la France cette année : un record historique ! C'est pourtant là que devrait s'activer la grande « ambition réformatrice » du Président de la République : reconstruire l'industrie française, garantir la souveraineté alimentaire, permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail. Il est temps de mettre fin au dépeçage de du pays. Alors que Mme la ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna, était en déplacement au Brésil la semaine dernière, il demande à M. le ministre si la France va tenir ses engagements et si le Président maintiendra que « par définition, cet accord, tel qu'il a été conçu et pensé, ne peut pas être compatible avec notre agenda climatique et de biodiversité ».

Réponse émise le 23 mai 2023

Un accord politique a été conclu le 28 juin 2019, ouvrant la voie à la possible signature d'un accord d'association entre l'Union européenne (UE) et les pays du Mercosur. La France demeure vigilante et a rappelé qu'elle ne soutiendrait l'accord qu'à condition que les pays du Mercosur respectent une série d'engagements et que les dispositions de ce texte permettent de les suivre attentivement. Elle défend une position exigeante, en particulier sur le volet agricole et sur le développement durable, et a fixé des conditions préalables avant d'envisager toute reprise du processus vers un accord. Il s'agit de s'assurer que l'accord n'entraîne pas une augmentation de la déforestation importée au sein de l'UE, que les politiques publiques des pays du Mercosur soient pleinement conformes avec leurs engagements au titre de l'accord de Paris et que les produits agroalimentaires importés bénéficiant d'un accès préférentiel respectent bien, de droit et de fait, les normes sanitaires et environnementales de l'UE. La réunion de ces conditions exigeantes reste un préalable à toute évolution sur le soutien de la France à cet accord comme l'a rappelé le Président de la République au salon international de l'agriculture le 25 février 2023. Par ailleurs, le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit respecter les règles du marché intérieur, en particulier les normes sanitaires et phytosanitaires, demeure non négociable. Le Gouvernement a bien identifié que les préoccupations exprimées, à la fois par les éleveurs et les consommateurs, ne portent pas seulement sur la qualité sanitaire des importations, mais également sur l'équivalence des modes de production. C'est prioritairement au niveau européen que les normes de production applicables aux produits issus de pays tiers doivent être fixées. La France s'est pleinement engagée sur le sujet de la réciprocité des normes dans les échanges commerciaux de produits agroalimentaires et en a fait une priorité de la présidence du Conseil de l'UE au 1er semestre 2022. À ce titre, un premier échange de vues avait été organisé, lors de la réunion du conseil agriculture et pêche du 21 février 2022, sur la base d'un papier de la présidence française présentant plusieurs leviers mobilisables, qu'il s'agisse des mesures miroirs et des limites maximales de résidus de pesticides au niveau unilatéral, des accords de commerce au niveau bilatéral, et enfin des leviers multilatéraux. La France avait déjà été à l'initiative de l'introduction, dans la réglementation sanitaire de l'UE, de mesures de réciprocité envers les produits issus de pays tiers, en particulier des « mesures miroirs » comme en témoigne le règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'application de l'interdiction d'utiliser certains médicaments antimicrobiens chez les animaux ou dans les produits d'origine animale exportés à partir de pays tiers vers l'UE. La France se mobilise pour que la publication des actes délégués et d'exécution, nécessaires à la mise en œuvre de ce règlement soit accélérée. Dans l'intervalle, le Gouvernement a pris un arrêté visant la suspension de l'introduction, l'importation et de la mise sur le marché, en France, de viandes et produits à base de viande issus d'animaux provenant de pays tiers ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement. Cet arrêté anticipe l'entrée en vigueur du règlement européen, qui devrait intervenir prochainement et entériner l'interdiction au niveau européen.

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