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Karine Lebon
Question N° 5662 au Ministère du ministère du travail


Question soumise le 21 février 2023

Mme Karine Lebon appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la demande des médecins généralistes et des centres de santé concernant l'élargissement des consultations complexes aux faits de violences intrafamiliales. Mme la députée reconnaît les bienfaits de la loi du 30 juillet 2020 donnant la possibilité au médecin de se démettre du secret médical « lorsqu'il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l'emprise exercée par l'auteur des violences » (loi du 30 juillet 2020 qui modifie les dispositions de l'article 226-14 3° du code pénal). Mais elle se joint aux professionnels de santé faisant le constat de l'insuffisance de cette mesure. En effet, d'après la Haute Autorité de santé, en 2019, 3 à 4 femmes sur 10 présentes dans les salles d'attente des médecins seraient victimes de violences conjugales. Parmi ces médecins, nombreux sont ceux qui ignorent la situation de violences, qui n'est décelable qu'après avoir effectué un examen complet de la victime reçue en cabinet. Bien que la HAS ait récemment publié un outil d'aide au repérage, l'actuel cadre des consultations reste trop restreint pour la bonne prise en charge de ces situations. Les violences physiques et morales subies par la victime sont bien souvent à l'origine de nombre de pathologies. De ce fait, le bon accompagnement de la part des professionnels de santé n'est possible que dans le cadre de consultations longues et complexes. Le cadre de ces consultations se limite aujourd'hui, selon la décision du 21 juin 2017, à certaines pathologies complexes et instables. Il s'étend également aux situations particulières impliquant un fort enjeu de santé publique (prise en charge des enfants de 3 à 12 ans en risque avéré d'obésité, première consultation de prise en charge d'un couple dans le cadre de la stérilité...). En 2019, l'enquête Cadre de vie et sécurité (INSEE-ONDRP-SSMSI) a montré qu'en France, 213 000 femmes de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire intime ancien ou actuel. À cela s'ajoute qu'une femme sur trois est maltraitée durant sa vie et parmi elles 18 % déclarent avoir porté plainte. Dans 47 % des cas de victimes de viol en France, l'auteur de l'agression est le conjoint. Enfin, une femme décède sous les coups de son compagnon tous les 2,5 jours. Bien plus qu'une inquiétude sociale, la situation des violences intrafamiliales, en France et à La Réunion, troisième département français le plus touché par ce fléau, est un réel problème de santé publique et mérite d'être intégré dans la liste des actes médicaux pouvant faire l'objet de consultations longues. Celles-ci permettraient au personnel de santé d'effectuer un diagnostic complet et approfondi de la situation sanitaire, physique comme mentale, de la victime pour, par la suite, une prise en charge efficace et réparatrice. Elle lui demande d'entreprendre le dialogue avec les professionnels de santé afin d'élargir le cadre des consultations complexes et très complexes aux situations de violences intrafamiliales.

Réponse émise le 20 février 2024

La lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales est une priorité du Gouvernement. Les médecins constituent un maillon essentiel pour repérer et accompagner les victimes. Le Grenelle des violences conjugales de l'automne 2019 a listé 54 mesures dont 46 sont entrées en application. Ce temps fort a marqué une prise de conscience de la réalité des violences faites aux femmes. La Haute autorité de santé (HAS) a actualisé en novembre 2022 ses recommandations sur le repérage des femmes victimes de violences au sein du couple. L'Ordre des médecins a mis en place des commissions Vigilance-Violences-Sécurité dans chaque conseil départemental et des protocoles ont été signés par 69 d'entre eux avec la police et la justice pour accompagner le médecin dans le signalement des violences. A cette occasion, a été réaffirmé le rôle essentiel des médecins, en première ligne pour repérer les situations de violences domestiques et prendre en charge les victimes. Dans ces situations complexes et sensibles, les praticiens engagés contre les violences domestiques font remonter en premier lieu des besoins liés à l'évaluation et au repérage des violences, notamment par le biais de formations plus nombreuses et déployées sur l'ensemble du territoire. Ils soulignent également la nécessité d'une prise en charge judiciaire permettant de mettre à l'abri les victimes. L'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), qui a en charge la formation des professionnels de santé libéraux et des salariés des centres de santé conventionnés, dispose dans ses orientations prioritaires d'actions dédiées au repérage et à la conduite face aux violences intrafamiliales. Sur la période 2019-2022, 220 actions touchant à cette thématique ont été recensées et 8 589 professionnels de santé s'y sont inscrits. Parallèlement, des outils d'aide au repérage de violence intrafamiliale ont été mis en place à destination des médecins (violentomètre, déclicviolence) et une campagne d'information à destination du grand public valorise et normalise le rôle du médecin. Enfin, les négociations conventionnelles en cours sont l'occasion d'aborder ce sujet avec les représentants des médecins.

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