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Philippe Ballard
Question N° 5654 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 21 février 2023

M. Philippe Ballard interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la fin de la dérogation relative à l'utilisation des néonicotinoïdes pour la culture de la betterave en France et son refus de faire appel de cette décision auprès de la Cour de justice de l'Union européenne, qui a jugé illégales les dérogations accordées par les États membres à certains pesticides. Pourtant, le 9 décembre 2022, M. le ministre avait annoncé une nouvelle dérogation pour 2023, rassurant les agriculteurs et les industriels français, qui s'inquiétaient, à juste titre, du risque de pertes de rendements et de monopole pour la filière sucrière, tout comme pour le bioéthanol, alors que la France est le premier pays producteur de sucre en Europe. En 2020, la première année sans néonicotinoïdes pour les semis de betteraves, les agriculteurs avaient connu une baisse de 30 % à 70 % de leur production. Alors qu'aucune solution scientifique ou agronomique n'a fait ses preuves et n'a abouti malgré un grand plan national de recherche et d'innovation, Bruxelles et le Gouvernement menacent gravement les filières betteravières et sucrières dont dépendent 45 000 emplois directs en France, leader mondial. La mort de la filière sucrière française entraînera l'arrivée massive de sucre importé issus de pays voisins utilisant les néonicotinoïdes mais aussi de pays tels que le Brésil (2e producteur mondial) dont les normes environnementales sont très faibles. En Europe, la France sera le seul pays à interdire totalement les néonicotinoïdes pour la betterave. Ses voisins belges ou allemands, notamment, continueront à pulvériser ces produits jusqu'en 2033, en attente d'alternative sérieuse. Lors des questions au Gouvernement du mardi 24 janvier 2023, M. le ministre a assuré que le Gouvernement garantirait aux planteurs la couverture intégrale des pertes éventuelles pour la campagne 2023, qu'il réfléchissait à l'aide à apporter aux industriels et qu'il allait accélérer le plan national de recherche et d'innovation. Les pertes des agriculteurs betteraviers doivent être prises en charge à 100 %, mais elles ne sauraient être suffisantes pour maintenir l'activité des sucreries ainsi que la valeur ajoutée et les emplois qui en dépendent sur les années à venir. Pourquoi vouloir être le meilleur de la classe en Europe alors que l'on n'en a pas la capacité et les moyens ? Pourquoi porter encore atteinte à l'agriculture françise, déjà suffisamment et beaucoup trop malmenée par les politiques ? Pourquoi ne pas avoir prolongé la dérogation le temps d'avoir les outils nécessaires pour pérenniser la filière ? Pourquoi la France décide-t-elle de débloquer encore des millions d'euros, dans un contexte de grave crise financière, alors que prolonger la dérogation ne mettrait pas la France dans une situation différente que les autres pays européens et permettait à une filière d'excellence de perdurer sereinement ? Enfin, il lui demande pourquoi perdre encore un peu plus de souveraineté alimentaire.

Réponse émise le 23 mai 2023

La décision rendue le jeudi 19 janvier 2023 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) exclut l'utilisation des néonicotinoïdes pour les semences. Par conséquent, aucune nouvelle dérogation autorisant l'utilisation des néonicotinoïdes pour les semences n'a été accordée. Dès 2020, le Gouvernement avait mis en place un plan national de recherche et d'innovation (PNRI) sans précédent de plus de 20 millions d'euros (M€) [dont 7 M€ venant de l'État, le reste étant financé par le secteur privé (filière, porteurs de projets…) et l'institut national de la recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement] face à la menace de la jaunisse. Ce plan a permis de coordonner un important effort de recherche autour de la filière afin d'apporter des solutions alternatives techniquement et économiquement viables pour sortir des néonicotinoïdes en 2024. La décision de la CJUE est venue percuter ce programme de travail établi pour 3 ans et provoque des inquiétudes légitimes chez les planteurs, sucriers et semenciers sur la campagne des semis de mars 2023. Elle oblige la France à s'adapter pour la troisième et dernière année, et le ministre chargé de l'agriculture l'a déjà indiqué, l'État sera en soutien de la filière pour y parvenir. Dès le 23 janvier 2023, conscients des impacts qu'emporte l'arrêt de la CJUE pour la campagne betteravière, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a reçu les professionnels de la filière afin d'échanger avec eux sur la situation. Le 9 février 2023, il a annoncé avec la filière le déploiement d'un plan d'actions afin de garantir une production suffisante de betteraves en 2023 et l'approvisionnement de l'ensemble de la filière sucre française. Dans ce cadre, afin que les producteurs ne pâtissent pas d'une distorsion de concurrence, une action est menée à l'échelle européenne, afin de s'assurer que la décision de la CJUE soit uniformément appliquée par l'ensemble des pays de l'Union européenne. De plus, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a demandé, lors du Conseil européen « agriculture et pêche » du 30 janvier 2023, le déclenchement d'une clause de sauvegarde permettant d'interdire l'importation de produits traités avec des néonicotinoïdes. En outre, ce plan d'actions vise à déployer rapidement des mesures de protection des cultures. À cette fin, de nouveaux itinéraires techniques ont été élaborés en liaison avec les professionnels et selon les recommandations du PNRI. Ils sont mis à disposition des producteurs via l'institut technique de la betterave et peuvent être utilisés en cas de jaunisse dès ce printemps 2023. En parallèle, toutes les solutions immédiatement disponibles, issues du PNRI, concernant notamment l'utilisation des plantes compagnes sont mises en œuvre par la profession. À des fins préventives, des mesures ambitieuses de gestion des réservoirs viraux sont à l'étude et un plan d'actions et de surveillance sur la gestion de ces réservoirs sera présenté prochainement. Les modèles de prévision des vols de pucerons issus des travaux du PNRI seront déployés prochainement. Enfin, une aide sera accessible aux planteurs en cas de pertes liées à un épisode de la jaunisse au cours de l'année 2023. Le Gouvernement a demandé l'activation d'une mesure de crise européenne et engagé le travail de construction du dispositif, en lien avec la Commission européenne.

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