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Hadrien Clouet
Question N° 5649 au Ministère du travail


Question soumise le 21 février 2023

M. Hadrien Clouet appelle l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur la convention n° 155 de l'organisation internationale du travail (OIT) relative à la santé et à la sécurité des travailleurs, non ratifiée par la France. En reconnaissant le droit des travailleurs à voir leur santé et leur sécurité garantie au travail, cette convention est une avancée importante pour la condition des salariés à travers le monde. Ce texte définit dans un premier temps les principes généraux attribués aux politiques nationales. La seconde partie définit les obligations tant de moyens que de résultats auxquelles doivent satisfaire les États membres. On y trouve notamment une obligation de mettre en place non seulement les moyens de contrôle suffisants, mais également les sanctions adéquates à l'encontre des sociétés ne respectant pas ses principes. La santé n'y est pas définie que comme des lésions ou des blessures, mais comme un état physique et psychique. Cette partie garantit un droit de retrait aux travailleurs qui se retrouveraient confrontés à une situation dont ils estiment qu'elle présente un péril imminent pour leur sécurité ou leur santé. Enfin, la convention impose une série de devoirs aux entreprises, comme l'obligation des employeurs de fournir aux salariés les équipements de protection individuelle nécessaires, lorsque cela est possible et raisonnable, un lieu de travail exempt de risque mécanique, physiques ou chimiques mais également des formations visant à assurer leur sécurité. Ses effets sont éminemment positifs : tous les États membres de l'OIT ont, depuis, développé des outils techniques ou juridiques destinés à la prévention des accidents et des maladies du travail. Ainsi, la convention n° 155 de l'OIT a sous-tendu la loi du 23 décembre 1982 sur le droit de retrait dans le secteur privé. Elle implique même des obligations de sanctions vis-à-vis des entreprises supérieures à celle du droit du travail français. En 2022, le conseil d'administration du Bureau international du travail a élevé cette convention au statut de texte fondamental. Ainsi, cette convention est applicable de droit, dans tous les États membres de l'OIT. Ce caractère contraignant est un moyen symbolique et efficace, pour lutter contre les mauvaises conditions de santé et de sécurité au travail que subissent nombre de travailleurs. Mais elle demeure un enjeu de lutte : ainsi, une norme internationale comme celle ISO 45001 comporte des dispositions moins protectrices (excluant la soustraction à un danger grave et imminent ou la gratuité des équipements de protection professionnelle). Si elle ne l'a pas ratifiée, la France arbore en plus un triste record en matière d'accidents du travail : 3 % par an, maximum de l'Union européenne, notamment concentrés dans l'agriculture, la logistique et la construction. Les intérimaires sont les plus affectés. Et parmi ces accidents, un nombre considérable est mortel (645 par an), encore plus élevé si l'on considère les accidents de trajet professionnel (900), d'où l'urgence de ratifier cette convention. En l'état, trois options sont envisageables : le statu quo qui autorise à mobiliser la convention devant les tribunaux nationaux, l'opt-out qui permettrait à un Gouvernement de déroger malheureusement à certains articles de la convention et la ratification entière qui en ferait une partie intégrante et complète de notre droit. M. le député interroge M. le ministre sur l'opportunité de cette dernière option, afin de maintenir un droit stable, rattraper le retard pris par la France, envoyer un message à l'ensemble des autres États non-signataires et assurer que l'application sera intégrale. Le cas échéant, il lui demande de préciser le calendrier d'une ratification, d'autant plus urgente qu'un projet de report de l'âge de départ à la retraite est envisagé, susceptible de multiplier les accidents du travail et les maladies professionnelles chez les travailleurs seniors.

Réponse émise le 6 juin 2023

L'attention du Gouvernement a été appelée sur la ratification par la France de la convention n° 155 de l'organisation internationale du travail (OIT) relative à la sécurité et la santé des travailleurs. En 2022, la conférence internationale du travail a adopté une résolution concernant l'inclusion d'un milieu de travail sûr et salubre dans le cadre des principes et droits fondamentaux au travail de l'OIT. La France, qui était porte-parole de l'Union européenne, s'est engagée en faveur de cette inclusion et a défendu l'intégration des conventions n° 155 sur la sécurité et la santé des travailleurs et n° 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail parmi les conventions fondamentales. Depuis 2022, tous les Etats membres de l'OIT doivent respecter, promouvoir et réaliser les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet de ces deux nouvelles conventions fondamentales, indépendamment de leur ratification. A ce jour, la France a ratifié 129 conventions de l'OIT et 2 protocoles, sur les 190 adoptées. La France est ainsi le deuxième pays à avoir ratifié le plus grand nombre de conventions. A ce titre, le Gouvernement est pleinement engagé dans le respect et la promotion des normes internationales du travail. S'agissant de la convention n° 155, le processus de ratification a été initié au niveau interministériel. Ainsi, le ministère du travail est en train de travailler à cette ratification avec l'ensemble des ministères concernés, afin d'analyser la convention n° 155 et de lever les éventuels obstacles qui pourraient être identifiés. La ratification de la convention n° 155 s'inscrit dans un contexte plus large de réforme du système de santé au travail en France, suite à l'adoption en août 2021 de la loi renforçant la prévention en santé au travail. Ce texte, élaboré conjointement avec les partenaires sociaux, modernise notre système de santé au travail autour de grands objectifs, dont fait partie le renforcement de la prévention des risques. L'accidentalité au travail, et en particulier les accidents graves et mortels, demeurent la priorité de la politique publique de santé au travail. Aussi, cet objectif se poursuit également à travers la déclinaison du quatrième plan santé au travail, présenté en décembre 2021, dont l'axe transversal est précisément la lutte contre les accidents du travail graves et mortels. Les actions dédiées définies conjointement par les partenaires sociaux, les acteurs de la prévention et de l'Etat dans le cadre de ce plan sont diverses : faire progresser la culture de prévention (objectif 1), porter une attention particulière à certains risques prioritaires (objectif 2), notamment le risque de chutes et le risque routier professionnel, qui demeurent les facteurs les plus importants d'accidents du travail graves et mortels, favoriser la qualité de vie et des conditions de travail (objectif 3), renforcer le paritarisme et le dialogue social au bénéfice de la prévention et de la santé au travail (objectif 8) ou encore s'appuyer sur des acteurs proches des entreprises pour les accompagner, comme les agents de contrôle de l'inspection du travail ou des caisses régionales de l'Assurance maladie – Risques professionnels (objectif 9).

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