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Philippe Lottiaux
Question N° 5625 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 14 février 2023

M. Philippe Lottiaux attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la situation particulièrement difficile à laquelle sont confrontées les sociétés de sécurité privées. Un accord a été conclu le 19 septembre 2022 dans le cadre de la convention collective nationale des entreprises privées et de sécurité. Cet accord porte essentiellement sur une revalorisation de 7,5 % des salaires minimaux, afin de tenir compte des évolutions du Smic sur les premiers mois de 2022 et d'anticiper les évolutions de 2023 (une augmentation étant intervenue au 1er janvier 2023). Cette évolution a nécessité en parallèle la refonte de certaines grilles salariales. L'accord concerné a été étendu par arrêté ministériel du 19 décembre 2022. Or si cette revalorisation est nécessaire dans une profession où les salaires sont traditionnellement faibles et où existent d'importantes difficultés de recrutement (jusque 30 000 emplois non pourvus en 2022), elle pose de réels problèmes à nombre d'entreprises. En effet, comme le soulignait un rapport de la Cour des comptes de 2018, le secteur de la sécurité doit faire face à d'importantes fragilités économiques et sociales du fait notamment d'une très faible rentabilité, que la Cour estimait à 1 % en moyenne. S'agissant de services dont l'essentiel du coût est formé par la main d'œuvre, l'augmentation salariale issue de celle du Smic est aujourd'hui susceptible, sur les marchés en cours, de rendre l'exécution de prestations déficitaire, ce qui d'une part représenterait du travail à perte, interdit par la réglementation, d'autre part conduirait nombre d'entreprises à la faillite. Les entreprises concernées se trouvent donc généralement dans l'obligation de procéder à des augmentations de tarifs. Or dans le cadre des marchés publics qui représentent l'essentiel de leur activité, la prise en compte de ces évolutions n'est pas automatique. Il convient de se référer à la circulaire Borne, avec des administrations publiques réticentes, pour des raisons évidentes, à accepter des évolutions de prix, d'autant qu'elles ne sont pas liées à des coûts de fournitures. Des interrogations subsistent pour la possibilité du recours à la théorie de l'imprévision pour obtenir une indemnisation, si besoin via le juge, procédure évidemment ultime mais qui parfois est la seule solution pour les entreprises. Car s'il convient certes d'éviter autant que faire se peut l'augmentation des coûts pour les administrations publiques, on est ici dans un cas très particulier au regard du très faible taux de marge. Alors que la Cour des comptes reconnaissait que le domaine de la sécurité privée « représente un enjeu de sécurité publique », la France ne peut se permettre de voir de nombreuses entreprises du secteur mettre la clé sous la porte, qui plus est à la veille des JO de Paris 2024, dont le bon déroulement va nécessiter un recours majeur à ces acteurs. Il souhaiterait donc s'assurer que le Gouvernement a bien pris en compte ces difficultés et connaître les mesures envisagées ou les dispositifs auxquels recourir pour préserver le secteur.

Réponse émise le 3 octobre 2023

Dans un contexte d'augmentation des besoins en services de sécurité privée, notamment à l'approche de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le Gouvernement a bien pris en compte les difficultés que connaissent les entreprises privées de sécurité. La hausse de 7,5 % des rémunérations s'inscrit dans une mesure de rattrapage proposée par la branche et acceptée par la majorité des organisations syndicales, alors que les coefficients d'entrée dans la profession (120 mais également 130 et 140) se trouvaient fréquemment inférieurs au SMIC, à l'occasion du relèvement régulier de ce dernier. C'est en soi une mesure nécessaire pour permettre de recruter et de fidéliser des agents dans un secteur d'activité par ailleurs soumis à une forte attrition. Il s'agit bien de renforcer ainsi l'attractivité pour les métiers de la sécurité privée. L'objectif est d'enclencher un cercle vertueux permettant d'accompagner le renforcement des qualifications des agents privés de sécurité et l'attractivité de ces métiers tout en proposant, notamment aux plus jeunes, des parcours valorisants. Cet objectif de professionnalisation et de montée en puissance de la sécurité privée est au cœur de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés du 25 mai 2021, par laquelle le législateur a notamment réduit les niveaux de sous-traitance dans la surveillance humaine à deux rangs maximum, renforcé les obligations de contrôle de ladite sous-traitance par les donneurs d'ordre, durci les conditions d'accès à la profession en matière de formation, de conditions de séjour de cinq ans pour les étrangers hors union européenne et de connaissance des principes fondamentaux de la République. Cette professionnalisation accrue des métiers de la sécurité privée est indispensable pour répondre aux besoins de sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024 et des grands évènements. D'autres mesures ont toutefois été mises en place. C'est ainsi qu'ont été créés et développés le titre et la carte professionnelle de sécurité événementielle permettant de former des agents en trois semaines, contre cinq pour les missions « classiques » d'agent privé de sécurité (APS), afin d'assurer la sécurité de tout évènement accueillant au moins 300 participants. L'Etat finance d'ailleurs des aides en direction des jeunes et des étudiants qui souhaiteraient obtenir ce titre, notamment une prime spécifique conditionnée à l'exercice d'un emploi lors des JOP 2024. Ce titre événementiel doit être compris comme une première étape d'entrée dans les métiers de la sécurité privée. Dans le même esprit, l'Etat cofinance à hauteur de 9 millions pour 2023 et 13 millions pour 2024 le maintien et l'actualisation des compétences (MAC), formation obligatoire pour obtenir le renouvellement quinquennal de la carte professionnelle. Cette mesure profitera à 64 000 agents d'ici les JOP. Avec le CNAPS et Pôle emploi, les pouvoirs publics s'attachent aussi à mobiliser les détenteurs de cartes professionnelles qui n'exercent plus, soit environ 120 000 personnes. L'Etat soutient également la campagne de communication de la branche prévention sécurité destinée à recruter des agents privés de sécurité supplémentaires dans la filière. Concernant les marchés publics de services de sécurité privée, la moyenne de la pondération du critère prix pour les marchés conclus en 2021 en France aurait été de 47 %, contre 60 % en moyenne en Europe alors que le critère technique était de l'ordre de 53 %, contre 40 % en Europe. Par ailleurs, la circulaire du 16 mars 2022 relative aux engagements de l'Etat pour favoriser par l'achat public un emploi de qualité et responsable dans le secteur de la sécurité privée, dite « circulaire Borne », est pleinement appliquée par les services de l'Etat. De surcroît, la circulaire 6374/SG du 29 septembre 2022 de la Première ministre relative à l'exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix permet à tout acheteur, en cours de contrat, de résoudre les difficultés liées à un déséquilibre des conditions financières imprévisibles lors de l'offre initiale. Elle permet notamment de traiter les situations contractuelles en faisant bénéficier l'entreprise de sécurité privée co-contractante de l'Etat d'une intégration, en cours de contrat, de clauses de révision de prix mieux adaptées, voire d'une « modification sèche » des prix. Ces efforts collectifs de la filière et de l'Etat profiteront à tous : aux agents, à leurs employeurs, mais également aux donneurs d'ordres et, bien sûr, aux pouvoirs publics au titre du continuum de sécurité. C'est avec cette conviction que le Gouvernement s'engage résolument dans un partenariat accru, opérationnel et pragmatique avec chaque acteur de la sécurité.

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