Mme Martine Etienne interroge Mme la Première ministre sur la mise en place de compensation fiscale avec certains états. Une étude de l'INSEE de 2018 estimait à 424 400 le nombre d'actifs frontaliers résidents français et exerçant leur activité professionnelle dans un pays voisin, essentiellement la Suisse, le Luxembourg, l'Allemagne et la Belgique. Si ce chiffre peut sembler relativement faible au regard de l'ensemble de la population active du pays, il progresse de façon constante et particulièrement importante sur les régions du flanc Est du territoire national. Le travailleur frontalier qui travaille sur le territoire d'un État membre de l'UE ou de l'association européenne de libre-échange et qui réside en France retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine dans son pays de résidence. Ainsi, il est confronté, au-delà des problématiques de mobilité et de télétravail, à des réglementations fiscales et sociales différentes entre les pays de travail et de résidence. Quant aux collectivités locales qui accueillent ces frontaliers, la progression de leur nombre leur impose une hausse constante de leurs charges publiques et un recours au levier fiscal alors que les ressources provenant de l'impôt sur le revenu ne reviennent, en principe, qu'au seul pays du lieu de travail. Aujourd'hui, les directives européennes de la CEE 1612/68 et 1408/71 contribuent en partie à clarifier les questions sociales auxquelles les frontaliers sont confrontés et les conventions fiscales signées entre États sur le modèle élaboré par l'OCDE doivent permettre en principe d'éviter la double imposition. Il en est ainsi avec la République Fédérale Allemande, la Principauté d'Andorre, le Royaume de Belgique, le Royaume d'Espagne, la République Italienne, le Grand-Duché du Luxembourg, la Principauté de Monaco et la Confédération Suisse. Mais au-delà de cet objectif, ces conventions n'excluent pas la possibilité d'atténuer l'iniquité qui résulte de la prise en charge de la quasi-totalité des charges de résidence par un pays alors que les ressources provenant de l'impôt sur le revenu, ne reviennent, qu'à un seul d'entre eux. Ce contexte conduit à compléter les conventions fiscales d'une mesure de péréquation fiscale transfrontalière comportant un partage des ressources fiscales en vue de résoudre le déséquilibre entre les charges et les ressources des collectivités locales situées de part et d'autre de la frontière. Cette péréquation fiscale peut se concrétiser dans le versement à l'autre État, dans le cadre d'un accord interétatique, d'un pourcentage par rapport à la masse salariale brute ou nette des revenus des frontaliers, comme dans le système franco-suisse, ou bien d'un pourcentage des impôts perçus, comme dans le système italo-suisse. Au regard de l'évolution du nombre de travailleurs frontaliers et de son impact sur notre budget national comme sur ceux des collectivités locales frontalières, Mme la députée souhaite que Mme la Première ministre puisse lui indiquer avec quels pays, parmi ceux cités dans cette question, des accords de compensation financière, rétrocession ou péréquation fiscale ont été conclus ainsi que les montants versés ou reçus annuellement par la France au titre des conventions ou des accords, actuellement en vigueur avec ces pays.
Conformément au modèle de convention fiscale de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les revenus tirés d'une activité salariée sont imposés au lieu d'exercice de celle-ci. Les conventions fiscales conclues par la France avec ses pays frontaliers sont conformes à ce principe. Toutefois, certains dispositifs applicables aux travailleurs frontaliers y dérogent et établissent une règle d'imposition exclusive dans l'État de résidence, généralement en contrepartie d'une compensation financière en faveur de l'État d'exercice de l'activité. De tels dispositifs s'appliquent dans les zones frontalières de la France avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et huit cantons suisses. Le régime fiscal frontalier franco-allemand établit ainsi la règle de l'imposition exclusive des salaires dans l'État de résidence, moyennant le versement d'une compensation financière égale à 1,5 % de la masse totale des rémunérations brutes annuelles au profit de l'État d'exercice de l'activité. Le montant du versement est déterminé en retenant la base nette des compensations réciproques dues par chacun des États. Un régime équivalent s'applique entre la France et la Belgique qui ne profite qu'aux résidents de France qui travaillaient en Belgique au 31 décembre 2011. Il s'éteindra au 31 décembre 2033 au profit d'une taxation en Belgique soit au lieu d'exercice de l'activité. La France verse à la Belgique une compensation forfaitaire. L'accord franco-suisse du 11 avril 1983, qui concerne les cantons de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura, retient également un principe d'imposition exclusive dans l'État de résidence des salaires perçus par les travailleurs frontaliers. En contrepartie, une compensation financière égale à 4,5 % des rémunérations brutes annuelles est versée à l'État d'exercice de l'activité. Un accord budgétaire en date du 29 janvier 1973 prévoit que le canton de Genève verse chaque année une compensation financière au profit des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie aux fins de dédommager ces derniers des infrastructures et services publics qu'ils mettent à disposition de leurs habitants travaillant à Genève. Enfin, le nouvel accord relatif au télétravail entre la France et la Suisse, qui a fait l'objet d'un avenant à la convention franco-suisse de 1966 signé le 27 juin 2023, comprend également un dispositif de compensation fiscale. En contrepartie du maintien du droit d'imposer les revenus d'activité salariée dans l'État de l'employeur, une compensation fixée à 40 % des impôts dus sur les rémunérations versées à raison des activités exercées en télétravail depuis l'État de résidence est due à ce dernier. Lorsque l'employeur est situé dans le canton de Genève, cette compensation s'applique à la seule fraction de télétravail comprise entre 15 % et 40 % du temps de travail. Les régimes frontaliers franco-espagnol et franco-italien ne donnent en revanche lieu à aucune compensation financière.
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