M. Sébastien Chenu appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la situation de femmes victimes de violences conjugales dont le conjoint refuse de vendre leur bien immobilier en commun. Alors que des avancées notables en faveur des victimes de violences conjugales ont été réalisées ces dernières années, la problématique des femmes copropriétaires de leur bien immobilier avec leur partenaire pose toujours un problème important. En effet, une victime de violences conjugales qui choisira de quitter son domicile dont elle est propriétaire pourra se voir opposer par la suite par son conjoint violent un refus de vendre le bien immobilier en commun. Ainsi, elle se retrouvera dans la situation de devoir supporter le coût du logement dont elle est propriétaire, en plus de devoir payer un loyer pour se loger. Car s'il y a des logements d'urgence, il ne sont qu'une solution à court terme et les logements sociaux se référant aux revenus du demandeur, ils peuvent exclure certaines victimes. Or il apparaît que cette problématique de la vente du bien immobilier commun aux partenaires, qu'ils soient mariés, pacsés ou en concubinage, est une situation n'ayant pas de réponse rapide, mais devant suivre une procédure judiciaire lourde pouvant prendre plusieurs années et pénalisant largement la victime de violences. D'ailleurs, le guide juridique « Logements et violences conjugales 2021 » édité par Solidarités femmes évoque dans cette situation deux possibilités : - si les personnes sont pacsées ou en concubinage : ce sont alors les règles de l'indivision qui s'appliquent, suivant une « procédure lourde » ; - si les personnes sont mariées : c'est le jugement de divorce ou de séparation de corps qui prononcera la liquidation et le partage de la communauté de biens dans le cas de la résidence principale. Une femme victime de violences conjugales se voit alors condamnée à subir pendant des années le choix de son conjoint violent qui refuserait de vendre leur bien immobilier commun, souvent dans le but de maintenir sur elle une emprise. Il lui demande ce qu'il entend mettre en place sur cette question pour faciliter la situation de ces femmes et leur permettre de refaire leur vie sans être tributaires du choix de leur conjoint violent.
Le logement de famille, bien commun du couple, fait l'objet, en raison de sa nature, d'une protection particulière : les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels le logement de la famille est assuré (article 215 alinéa 3 du code civil). Les concubins et les partenaires de PACS sont, quant à eux, soumis aux règles de droit commun de l'indivision. Cette nécessité de recueillir le consentement de chacun des époux pour procéder à la vente du logement s'explique également par la nature même du droit de propriété, qui est un droit fondamental, protégé au niveau législatif par l'article 544 du code civil, et au plan constitutionnel par l'article 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. La lutte contre les violences conjugales constitue l'une des priorités d'action du Gouvernement, et cette lutte exige d'apporter à la victime de violences conjugales une protection renforcée s'agissant de son logement. C'est pourquoi, la loi a prévu que lorsque la victime souhaite demeurer dans le logement du couple, elle peut demander l'éloignement du conjoint violent dans le cadre du dispositif civil de l'ordonnance de protection. Les textes imposent ainsi au juge aux affaires familiales, sauf circonstances particulières, d'attribuer à la demanderesse la jouissance du logement et ce, même si elle a bénéficié d'un hébergement d'urgence (articles 515-11, 3° et 4° du code civil). Cette attribution du logement commun est effectuée très rapidement depuis que la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille impose que l'ordonnance de protection soit délivrée dans un délai maximal de six jours. Dans le cadre d'une procédure pénale, une injonction d'éloignement peut être ordonnée à l'encontre du conjoint violent par le procureur de la République avant toute poursuite (art. 41-1, 6° du code de procédure pénale), ou par le juge d'instruction dans le cadre du contrôle judiciaire (art. 138, 17° du code de procédure pénale), ou par le tribunal correctionnel dans le cadre d'un sursis probatoire par exemple (art. 132-40 et suivants du code pénal). L'attribution du logement commun à la victime dans le cadre de l'ordonnance de protection et l'injonction d'éloignement prononcée à l'encontre du conjoint violent dans le cadre d'une procédure pénale, permettent à la victime de jouir du logement commun sans avoir à pâtir du surcoût que représenterait une autre solution d'hébergement. Ainsi, si la protection du droit de propriété et les règles régissant le droit de la vente imposent certaines limites, la situation particulière des victimes de violences conjugales est prise en compte par le législateur qui a mis en place une protection renforcée.
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