M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les inégalités de moyens attribués en faveur de l'enseignement privé au détriment de l'enseignement public. Ils disposent notamment de plus d'heures d'enseignement rapportées au nombre d'élève, par rapport au public en filière générale. En effet, une enquête de presse a montré que, dans les lycées parisiens pour l'année scolaire 2021-2022, les lycées privés sous contrat ont pu bénéficier de davantage de moyens que les lycées publics, à effectifs et à composition sociale équivalente. Le ratio d'heures enseignements hebdomadaire par élève (H/E) permet de mesurer les conditions d'apprentissage des élèves. Plus il est élevé, plus ces conditions sont favorables. En moyenne en 2021, les lycées publics ont un H/E de 1,1, alors que ce taux s'élève à 1,27 dans le privé. Cet écart se traduit par 85h de décalage moyen, ce qui est considérable. Ces heures supplémentaires permettent de dédoubler des cours, de proposer des options supplémentaires, voire d'ouvrir des classes pour alléger les effectifs. Cet écart peut s'expliquer en partie par la taille des établissements, puisque plus l'établissement est petit, plus ce ratio augmente mécaniquement. Mais même à effectifs comparables, le ratio reste nettement en faveur du privé. En effet, chaque classe donne le droit à un certain nombre d'heures, mais souvent, elles sont plus nombreuses dans le privé que dans le public, ce qui permet des effectifs par classe moins chargés. Cela permet aussi, à effectif total égal, d'avoir plus d'heures. Ainsi, la moyenne d'élève par classe dans les lycées privés est de 29,7 et de 34,2 dans le public. De même, dans le privé il y a 4 % de classes à plus de 35 élèves, alors que c'est 35 % dans le public. Un autre biais intervient avec l'indice de position sociale (IPS) qui montre le profil social des élèves fréquentant l'établissement. Plus l'indice est élevé, plus les élèves sont issus d'un milieu favorisé. Or dans le public, les lycées défavorisés sont davantage dotés. Pourtant, ces lycées défavorisés et surdotés restent derrière en matière de H/E que de nombreux lycées privés très privilégiés. Cet état de fait s'explique par une dérogation dans le mode de gestion qu'a le privé par rapport au public, des moyens qui lui sont alloués. En effet, le budget de l'État attribue une enveloppe au primaire et au secondaire, qui ne peut pas être transférée d'un niveau à l'autre, de façon à avoir une politique cohérente avec les orientations décidées. Or le privé a une enveloppe globale. Cela lui permet de privilégier ses lycées, dans une logique élitiste, en prenant des moyens sur le collège et le primaire. Ainsi, les établissements privés peuvent avoir une logique à rebours de la politique nationale, dans le but de favoriser davantage ses lycées prestigieux, surtout dans un contexte où la concurrence scolaire est accrue. Ainsi, conclut l'enquête les lycées privés sont plus favorisés parmi les établissements parisiens déjà favorisés : ils ont une population plus homogène et moins de boursiers et sont mieux dotés. S'ensuivent des inégalités scolaires d'autant plus marquées : les lycées privés choisissent leurs élèves, contrairement au public et attirent les élèves des familles plus favorisées. Ils écrèment leurs effectifs au long de la scolarité, dans l'objectif de pouvoir afficher des résultats d'excellence, qui leur servent dans un contexte de concurrence accrue des établissements entre eux. Or ce double système, où le public finance néanmoins 73 % des établissements privés, aggrave la ségrégation scolaire au détriment du public. Alors que l'enseignement public fait porter l'effort sur la mixité sociale et l'égalité de traitement des élèves, l'enseignement privé sous contrat poursuit une logique d'élitisme et de performance. Cette stratégie mise en œuvre par les établissements privés a également pour effet de siphonner les meilleurs élèves du public et affaiblir encore les efforts de mixité de ces derniers. En effet, ils participent à des stratégies d'évitement scolaire du public, vers le privé. Aussi, tous les efforts de mixité menés par le public, donc contrecarrés par les efforts contraires de l'enseignement privé. Aussi, M. le député souhaite-il apprendre de M. le ministre quelles mesures il compte prendre afin que l'enseignement privé soit contraint de participer à la mixité scolaire et sociale, afin de mettre un terme à la ségrégation scolaire et aux inégalités de traitement qui perdurent entre les élèves. Il souhaite donc savoir ce qu'il compte faire pour que les lycées les plus défavorisés aient effectivement plus de moyens que les lycées plus favorisés, fussent-ils privés. Plus largement, il souhaite savoir quand enfin les financements publics seront entièrement affectés à l'enseignement public.
Le principe de parité pour le financement de l'enseignement privé est inscrit dans la loi. En effet, l'article L. 442-5 du code de l'éducation prévoit que les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public. De plus, les maîtres et documentalistes de l'enseignement privé, en leur qualité d'agent public, sont rémunérés par l'État au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés. Néanmoins, l'article L. 442-14 du code de l'éducation précise que le montant des crédits alloués par l'État pour la rémunération des personnels enseignants des classes faisant l'objet d'un des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12 du même code est fixé chaque année par la loi de finances. La loi de finances initiale pour 2023 prévoit ainsi la suppression, à la rentrée scolaire 2023, de 1 598 ETP dans l'enseignement public (programmes 140 et 141) et de 502 ETP dans l'enseignement privé (programme 139 « enseignement privé du premier et du second degré »). Ce dernier supportant de ce fait près du quart des suppressions d'emplois, alors qu'il ne représente qu'un sixième du total des élèves. Comme pour les programmes 140 et 141, le programme 139 est ventilé par académie en tenant compte des évolutions démographiques prévues et des orientations nationales qui s'imposent aux établissements privés qui ont signé un contrat avec l'État. Le taux d'encadrement (H/E : rapport entre les heures d'enseignement dispensées hebdomadairement et le nombres d'élèves) et l'indice de position sociale (IPS) de l'enseignement privé permettent d'intégrer la dimension sociale dans le calcul de la répartition des moyens pour limiter l'impact des retraits d'emplois dans les territoires qui présentent un IPS inférieur à la moyenne nationale du privé. Ainsi le H/E est plus bas dans des académies « socialement favorisées, » comme Paris (1,25) et Nice (1,18) par rapport à la moyenne de l'ensemble de l'enseignement privé sous contrat : 1,28 à la rentrée 2022 dans les établissements du second degré et post-bac. Cet écart se retrouve dans l'enseignement public, où le H/E moyen à la rentrée 2022 est de 1,35, mais plus faible dans les académies de Paris (1,34) et Nice (1,29). L'administration centrale du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse répartit entre les académies les moyens humains et financiers qui sont gérés ensuite par le recteur, responsable du budget opérationnel de programme académique. Le recteur répartit les moyens entre les établissements en leur attribuant une dotation horaire globale en fonction du nombre de classes (ou « divisions »), lequel est limitativement fixé dans l'enseignement privé sous contrat d'association par les contrats signés entre le préfet et les établissements. Ainsi, si l'établissement reste libre du nombre d'élèves qu'il accueille dans ses classes, il ne peut augmenter le nombre de divisions sous contrat. Cependant, la taille des établissements et l'offre de formation, qui peut être plus diversifiée au lycée qu'au collège, sont des facteurs qui entrent en ligne de compte dans le calcul du H/E. Le rectorat de Paris utilise – pour l'octroi d'heures en fonction du nombre de divisions – le même barème pour le public que pour le privé. Ainsi, un H/E plus élevé peut se présenter dans un établissement de petite taille, ce qui est une situation plus fréquente pour les lycées d'enseignement général et technologique (LEGT) privés que pour les LEGT publics. En revanche, les collèges et EREA publics présentent un H/E légèrement supérieur à ceux de l'enseignement privé. Le ministère est conscient des difficultés engendrées par le recul de la mixité sociale dans l'enseignement privé sous contrat, et s'est engagé dans l'élaboration d'un plan visant à renforcer la mixité dans les établissements d'enseignement associés à l'État par contrat. Un protocole d'accord avec le principal réseau de l'enseignement privé, le Secrétariat général de l'enseignement catholique, a été signé au mois de mai 2023 ; dans ce cadre, une attention particulière sera portée à la répartition des moyens entre les académies et entre établissements au regard des efforts engagés en faveur d'une plus grande mixité sociale.
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