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Pascale Martin
Question N° 5473 au Ministère de la justice


Question soumise le 14 février 2023

Mme Pascale Martin appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'application de la circulaire du 21 avril 2022 relative à la prise en charge des mineurs présents lors d'un féminicide ou homicide conjugal. Un protocole mis en place en Seine-Saint-Denis en 2016, dit « protocole féminicide », permet une prise en charge immédiate et adaptée des enfants dont l'un des parents a été victime de féminicide ou d'homicide. En France, en 2022, 147 enfants ont perdu leur mère dans un féminicide conjugal ; 34 de ces enfants étaient présents lors du meurtre et 4 ont découvert le corps de leur mère. La circulaire du 21 avril 2022 demande à l'ensemble des procureurs de la République de conclure localement un protocole de prise en charge des mineurs présents lors d'un féminicide ou homicide conjugal, en lien avec les autres acteurs institutionnels concernés (ARS, ASE, UAPED, forces de l'ordre). Cette circulaire paraît cependant insuffisante pour assurer le déploiement de protocoles de prise en charge de ces mineurs sur tout le territoire français et dans un délai raisonnable. En effet, il semble qu'à ce jour, seuls quelques hôpitaux (à Paris, Lyon, Bordeaux et Villefranche-sur-Saône) aient mis en place un protocole inspiré de celui existant en Seine-Saint-Denis. Deux autres, à Nice et à Nantes, sont en projet. D'autre part, la restriction de ces protocoles aux seuls mineurs qui étaient présents sur les lieux des faits pose question. En effet, les mineurs qui étaient absents lors du meurtre ont eux aussi besoin d'une prise en charge médicale, psychologique et sociale spécifique. Mme la députée demande donc à M. le ministre de la justice de lui fournir un état des lieux détaillé du déploiement à ce jour des « protocoles féminicide » sur l'ensemble du territoire français. Elle lui demande également ce qu'il compte faire pour accélérer ce déploiement et pour s'assurer que les mineurs qui n'étaient pas présents sur le lieu des faits bénéficient aussi d'une prise en charge adaptée.

Réponse émise le 25 juillet 2023

La circulaire du 21 avril 2022 relative à la prise en charge des mineurs présents lors d'un homicide commis au sein du couple a eu pour objet d'inviter les procureurs généraux à conclure sur leur ressort des protocoles de prise en charge des enfants mineurs présents lors d'un homicide au sein d'un couple. Comme l'indique le protocole type proposé par le ministère de la Justice et le ministère de la Santé, « il s'agit ainsi d'offrir à cet enfant une prise en charge adaptée à sa qualité de victime de violences, notamment psychologiques, un espace de protection au regard des répercussions de l'acte de féminicide ou d'homicide au sein de la cellule familiale élargie, ainsi qu'un temps d'évaluation et de prise en charge de l'ensemble des conséquences médicales et sociales de l'acte sur sa personne et ses conditions de vie ». Moins d'un an après la diffusion de la circulaire, les travaux sont actuellement en cours dans toutes les cours d'appels de France pour formaliser ces protocoles. Il convient de préciser que ce protocole ne concerne pas uniquement les enfants présents lors de l'homicide conjugal mais également les enfants absents de la scène de crime qui sont très largement impactés par ce drame familial. En effet, ce protocole prévoit une double prise en charge : - systématique et immédiate pour les enfants témoins présents sur le lieu des faits ; - recommandée pour les enfants absents de la scène de crime, l'application du dispositif étant alors laissé à l'appréciation du procureur de la République qui pourra le déclencher à tout moment. Ainsi, tous les enfants dont l'un des parents est décédé à la suite d'un homicide commis par son conjoint sont susceptibles de bénéficier de ce protocole. Cette circulaire vient compléter un arsenal législatif et réglementaire qui ne cesse de s'étoffer pour assurer une protection effective du mineur présent lors de l'homicide conjugal. Ainsi, la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a fait de la présence d'un mineur au moment des faits une circonstance aggravante de plusieurs infractions commises au sein du couple. La circulaire du 9 mai 2019 relative à l'amélioration du traitement des violences conjugales a invité les parquets à la retenir systématiquement dans ces hypothèses. Afin de garantir la préservation des droits du mineur en sa qualité de victime de l'infraction, le décret n° 2021-1516 du 23 novembre 2021 tendant à renforcer l'effectivité des droits des personnes victimes d'infractions commises au sein du couple ou de la famille invite le procureur de la République à veiller à ce que le mineur puisse se constituer partie civile lors des poursuites, le cas échéant en étant représenté par un administrateur ad hoc désigné en application des articles 706-50 et 706-51 du code de procédure pénale. La circulaire du 28 février 2022 relative à l'application de ce décret préconise d'apprécier l'opportunité de désigner un administrateur ad hoc chaque fois que la circonstance aggravante tenant à la présence d'un mineur lors des faits est retenue. Elle précise notamment que les mécanismes d'emprise générés par les situations de violences intrafamiliales sont complexes et qu'il appartient à l'autorité judiciaire de veiller à ce que l'exercice des droits du mineur, en sa qualité de victime n'en dépende pas. Enfin, la proposition de la loi présentée par la députée Isabelle SANTIAGO, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat vise à élargir les cas de retrait de l'autorité parentale en cas de crime commis sur l'autre parent. Ainsi l'article 378 du code civil tel qu'il résulte de la proposition de loi adoptée par les deux chambres en première lecture dispose qu' : « en cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un crime ou d'une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d'un crime commis sur la personne de l'autre parent, la juridiction pénale se prononce sur le retrait total de l'autorité parentale. La décision de ne pas ordonner le retrait total de l'autorité parentale est spécialement motivée ».

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