M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur le non-consentement des soins en psychiatrie. En effet, par réponse du 6 octobre 2020 à sa question du 4 février 2020, le Gouvernement lui précisait que « l'isolement et la contention en psychiatrie sont encadrés par l'article 72 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. (...) L'article L. 3222-5-1 du code de santé publique dispose ainsi que la contention, comme l'isolement, "sont des pratiques de dernier recours" et qu'il "ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée". Il prévoit aussi la création d'un registre dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie, afin de tracer chaque mesure d'isolement et de contention. Or par décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel a décidé que cet article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, était contraire à la Constitution et qu'il devait être abrogé. Cette décision prendra effet au 31 décembre 2020 (date de l'abrogation des dispositions contestées). Dans le prolongement de l'action déjà engagée pour réduire l'isolement et la contention, le Gouvernement entend donc donner suite à cette décision d'inconstitutionnalité, en travaillant sur un texte garantissant le droit des personnes de façon rigoureuse ». Or il apparaît qu'à ce jour les soins sans consentement en psychiatrie ne diminuent pas en France, contrairement aux engagements pris par le Gouvernement. En effet, selon une étude de l'Institut de recherche et d'autonomie de la santé (Irdes) publiée en juin 2022, chaque année, un quart des personnes hospitalisées en psychiatrie l'ont été sans consentement, soit près de 80 000 personnes. De plus, selon les rapports annuels des commissions départementales des soins psychiatriques, plus de 78 % des soins sous contraintes décidées par les directeurs d'établissement sont des mesures d'urgence ou de péril imminent. L'exception est ainsi devenue la règle : seuls 12 départements ont un taux d'utilisation de ces procédures inférieur à 60 %. Ainsi, considérant que ces méthodes sont une atteinte particulièrement rude aux droits de l'homme et à la liberté et que les personnes soumises à ces pratiques en ressortent toujours avec de nombreuses séquelles et traumatismes, il apparaît particulièrement urgent de tout mettre en œuvre pour les limiter au strict nécessaire. C'est pourquoi il lui demande ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour réduire drastiquement les soins sous contrainte.
Le consentement aux soins est un principe fondamental du droit de la santé. Cependant, l'une des manifestations de la maladie mentale peut être, pour la personne concernée, l'ignorance de sa pathologie et l'incapacité à formuler le besoin d'une prise en charge sanitaire. Ainsi, afin de garantir un accès aux soins aux personnes se trouvant dans cette situation, un encadrement rigoureux des « soins psychiatriques sans consentement », conciliant tant le besoin de soins, la sécurité des patients et des tiers, que le respect des droits des personnes malades, a été conçu. L'action 22 de la feuille de route Santé mentale et psychiatrie officialisée en juin 2018, prévoit de réduire le recours aux soins sans consentement, à l'isolement et à la contention. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une politique déterminée de prévention, de réduction et de contrôle des pratiques d'isolement et de contention, partagée au niveau européen. Elle s'est traduite en France par le déploiement depuis 2016, sous l'égide du Centre collaborateur de l'OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS) de Lille, de l'initiative de l'OMS Quality Rights, basée sur la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH). Cette démarche a également guidé les travaux du comité de pilotage de la psychiatrie, puis de la commission nationale de la psychiatrie, qui ont permis d'engager un plan d'actions de réduction déterminée des mesures d'isolement, de contention et de soins sans consentement les plus attentatoires aux droits des patients. Ce plan d'action comprend 4 axes : - améliorer la qualité des données qualitatives et quantitatives sur le recours aux soins sans consentement et les pratiques d'isolement et de contention ; - identifier et diffuser les bonnes pratiques de prévention et de gestion de crise à même de réduire de façon déterminée et significative le recours à l'isolement, à la contention et aux soins sans consentement ; - encourager et faire connaître les mesures améliorant le respect des droits des patients ; - créer et installer un observatoire des droits des patients en psychiatrie et santé mentale au sein du comité national de pilotage. Conformément aux exigences constitutionnelles, un contrôle systématique des mesures d'isolement et de contention par le juge judiciaire a été introduit par la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. La loi a été accompagnée d'un décret publié le 23 mars 2022 modifiant la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière d'isolement et de contention mis en œuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement ainsi que d'une instruction de la DGOS du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d'isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d'isolement et de contention. Afin de faciliter la mise en œuvre de cette réforme d'ampleur, un plan d'accompagnement à destination des établissements de santé autorisés en psychiatrie est prévu dans le cadre de l'application de l'article 17 de la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. S'inscrivant dans une politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention, il vise à aider les établissements de santé et leurs équipes à mettre en place une organisation adaptée aux nouvelles exigences législatives et réglementaires. Ce plan est décrit dans l'instruction DGOS du 19 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d'isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d'isolement. L'instruction précise que le plan d'accompagnement est doté, pour 2022, de 15 millions d'euros pérennes afin d'aider les établissements à procéder à des recrutements et à renforcer la permanence médicale, financer des binômes médecin/ infirmier « référents isolement/ contention » et des actions de formation. Cette dotation s'ajoute à celle de 15 millions d'euros alloués en 2021. Ainsi, en 2 ans, 30 millions d'euros pérennes ont été délégués afin d'accompagner la mise en place de cette réforme. Les crédits ont permis notamment de financer, selon les besoins de chaque établissement et après évaluation par les ARS en tenant compte du contexte local : les recrutements nécessaires à la nouvelle organisation et au renfort éventuel de la permanence médicale et/ou soignante ; la mise en place des binômes médecin/ infirmier « référents isolement contention » ; le financement des actions de formation ; la création d'espaces d'apaisement. Compte tenu des difficultés liées à la mise en place de cette réforme, un comité national de suivi de la réforme a été mis en place par le Ministère de la justice et le Ministère de la santé, composé des directions d'administration centrale, ainsi que d'acteurs de terrain (magistrats, greffiers, représentants d'Agences régionales de santé (ARS), directeurs d'établissements hospitaliers et psychiatres). L'objet du comité national de suivi est tout d'abord de recueillir l'avis des professionnels de terrain sur la mise en œuvre des nouvelles procédures en matière d'isolement et de contention, en recensant les difficultés rencontrées localement. Par ailleurs, le Gouvernement français a soutenu à plusieurs reprises une évolution du projet de protocole additionnel à la Convention d'Oviedo relatif à la protection des droits de l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux à l'égard du placement et du traitement involontaire. Cette évolution devrait conduire pour 2025 vers un texte accordant une plus grande place aux mesures alternatives, pour guider les États dans la mise en œuvre du principe selon lequel les soins sans consentement sont mis en œuvre en dernier recours. Les travaux de recherche de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) de 2022 portant sur les soins sans consentement ont démontré une augmentation moins marquée du recours aux soins sans consentement depuis 2015, avec une légère diminution de ce recours depuis 2020, qui semble se poursuivre en 2021, et qui resterait à confirmer. Parallèlement, ces travaux démontrent également une augmentation du recours aux soins en cas de péril imminent. Cette mesure d'exception permet une prise en charge en urgence de personnes isolées, dans l'intérêt des patients, pour lesquelles aucune demande de soins n'est émise par un tiers. Elle est contrôlée par le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions que les autres procédures de soins sans consentement. L'Irdes formule deux hypothèses concernant l'augmentation du recours à cette mesure : elle viendrait remplacer une demande de soins sur demande d'un tiers lorsque les proches préfèrent ne pas être impliqués, ou serait utilisée en urgence lorsque les équipes soignantes ne peuvent contacter les proches de la personne nécessitant des soins. On note également la publication par la Haute autorité de santé (HAS) en mars 2021 d'un guide de bonnes pratiques professionnelles contenant près de 44 préconisations et des outils pratiques pour aider les professionnels à mettre en œuvre les programmes de soins sans consentement, afin d'en améliorer la qualité et la pertinence. Enfin, dans le cadre de la réforme des autorisations, une mention "soins sans consentement" a été créée. Les établissements devront donc remplir les conditions techniques d'implantation (telles que décrites dans le décret n° 2022-1263 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions d'implantation de l'activité de psychiatrie) et de fonctionnement (telles que décrites dans le décret n° 2022-1264 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l'activité de psychiatrie) afin d'être autorisés à dispenser des soins sans consentement au sein de leur structure. Ces conditions encadrent la prise en charge des patients en soins sans consentement, à travers notamment la nécessité de disposer a minima d'un espace d'apaisement, d'une chambre d'isolement individuelle comprenant le nécessaire (aération, disposition d'appel accessible, sanitaires, point d'eau, horloge, mobilier adapté), un espace d'accueil de l'entourage du patient et un espace extérieur sécurisé (Art D. 6124-265 du CSP).
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