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Christophe Barthès
Question N° 5408 au Ministère de l’économie


Question soumise le 14 février 2023

M. Christophe Barthès attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le dispositif « nouveau réseau de proximité » mis en œuvre aux finances publiques depuis 2019 et qui vise à rationaliser le réseau de cette administration. En effet, celui-ci consiste en un regroupement des anciennes trésoreries de proximité dans des centres de traitement de la comptabilité des collectivités territoriales dénommés « services de gestion comptable (SGC) » sans moyens, notamment humains, permettant le paiement des dépenses dans des délais raisonnables, l'encaissement rapide des recettes et la tenue d'une comptabilité fiable. Chez M. le député, dans l'Aude, depuis cette date, 5 trésoreries de proximité ont été supprimées à Bram, Cuxac-Cabardès, Durban-Corbières, Leucate et Peyriac-Minervois. À l'occasion des enquêtes réalisées, il est constaté, au niveau national comme dans ce département, une baisse significative de la satisfaction des collectivités locales sur le niveau des prestations délivrées par les services des finances publiques. Cette évolution visant à supprimer des structures locales va s'accentuer suite à l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 « relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics » qui vient modifier en profondeur les responsabilités du comptable public et ainsi le contrôle de la régularité de l'utilisation de l'argent public. Cette réforme marque la fin de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public sanctionnée par le juge des comptes au profit « d'une responsabilité partagée entre tous les gestionnaires publics » donnant aux « managers publics » la responsabilité de sanctionner les fautes autres que d'une « gravité avérée ». Il est passé ainsi d'un contrôle basé sur le non-respect de la réglementation par le comptable public à une « faute de gestion », seule la responsabilité de la personne morale pouvant être engagée. Cette évolution ne sera pas sans conséquences pour les collectivités locales. Elle va causer une fragilisation de la qualité comptable liée à l'insuffisance des contrôles réalisés au quotidien et va entraîner la possibilité de prendre en charge des dépenses indues, mal liquidées ou non couvertes par des crédits budgétaires régulièrement ouverts par l'assemblée délibérante. En cas d'absence de trésorerie suffisante sur le compte courant de la collectivité, il sera désormais possible de payer la dépense sans reconstitution de la somme au préalable. Sur le plan des recettes, il y aura un risque avéré de prescription du recouvrement des créances du fait de poursuites négligées. Enfin, la fin effective de la séparation ordonnateur/comptable induite conduira inexorablement à la création d'agences comptables dont les coûts seront intégralement à la charge des collectivités locales, pourtant exsangues financièrement, ou d'une externalisation de la tenue de leur comptabilité. Sans compter les expertises fiscales et budgétaires ou les analyses financières réalisées aujourd'hui gratuitement par le réseau des finances publiques qui seront désormais payées à des cabinets d'expertise comptable. Il lui demande ce qu'il compte faire face à cette situation.

Réponse émise le 21 novembre 2023

Depuis 2019, la direction générale des finances publiques (DGFIP) est engagée dans une démarche de modernisation de son réseau. L'objectif est rendre plus cohérente et plus efficace l'organisation territoriale de l'État et de mieux répondre à l'attente forte de ses usagers et des élus de bénéficier d'un service public proche d'eux, simple et accessible. Cette nouvelle organisation permet d'améliorer la qualité du service rendu en regroupant les activités de gestion au sein de services de gestion comptable (SGC) ayant une taille suffisante pour traiter efficacement les recettes et dépenses des collectivités locales, harmoniser les pratiques et renforcer la qualité du service rendu. À ce titre, la réduction des délais de paiement demeure un objectif constant et prioritaire pour le Gouvernement. Après la mise en place du nouveau réseau de proximité (NRP), le délai global de paiement de la commande publique est de 29,5 jours au titre de l'année 2022, et de 19,5 jours pour les seules communes, demeurant ainsi en deçà du seuil réglementaire de 30 jours. Il en est de même pour le taux de recouvrement des produits locaux avec un taux atteignant les 98 % en 2022. En matière comptable, la DGFIP pilote le déploiement du nouveau référentiel budgétaire et comptable M57 en vue de sa généralisation au 1er janvier 2024 ; ce référentiel M57 intègre progressivement, depuis 2018, les normes comptables élaborées par le Conseil de normalisation des comptes publics (CnoCP) les plus abouties en termes de qualité comptable et offre des règles budgétaires assouplies. Le déploiement de ce nouveau référentiel comptable s'accompagne de l'expérimentation du compte financier unique (CFU), qui offre un cadre simplifié de reddition des comptes des entités publiques locales et qui a vocation à remplacer le compte administratif établi par l'ordonnateur et le compte de gestion produit par le comptable public. L'expérimentation du CFU s'inscrit dans une démarche d'amélioration de l'information financière relative aux collectivités locales et vise à favoriser la transparence et la lisibilité des données comptables tout en simplifiant le processus administratif de production des comptes. Le dispositif expérimental de la synthèse de la qualité des comptes (dispositif « alternatif » à la certification des comptes) proposé et piloté depuis 2020 par la DGFiP permet en outre, via un rapport présenté par le comptable public (ou le conseiller aux décideurs locaux) à l'assemblée délibérante au moment de l'approbation des comptes, de dresser un bilan sur la qualité des comptes de l'entité et de mettre en exergue les points forts et les éventuelles perspectives d'amélioration. Les retours positifs des 550 collectivités engagées sur la base du volontariat dans cette expérimentation traduisent un intérêt fort pour cet exercice, ayant abouti à la préconisation du Gouvernement, dans son rapport au Parlement, de déployer ce dispositif en tant qu'offre de service de la DGFiP à compter de 2024. Enfin, la création des conseillers aux décideurs locaux (CDL) en 2020, qui offrent des prestations d'accompagnement et de conseil renforcées aux communes et aux intercommunalités, permet aujourd'hui de dédier une force d'expertise aux ordonnateurs, s'appuyant sur l'ensemble des compétences de la DGFiP. Ainsi, au-delà de ses fonctions traditionnelles d'exécution des budgets et de tenue des comptes, la DGFiP a développé et enrichi son soutien aux acteurs locaux dans le domaine budgétaire, comptable, financier, fiscal, juridique et domanial. Sur le territoire de l'Aude par exemple, dix postes de CDL ont été créés (situation au 30 juin 2023), afin de proposer une offre individualisée aux élus et aux services ordonnateurs permettant de les accompagner autant dans leur gestion quotidienne que dans la réalisation de leurs projets de développement territorial. En 2022, les conseillers ont ainsi réalisé près de 4 000 prestations de conseil au profit des collectivités de l'Aude, dont une majorité de prestations de conseil budgétaire et comptable au profit de communes de moins de 3 500 habitants. Ils ont par ailleurs réalisé 165 études ou expertises financières. Dans un contexte de déploiement soutenu de ces CDL, la satisfaction des ordonnateurs envers leurs prestations s'est confirmée au niveau national (88,3 % en 2022 et 86,7 % en 2021), avec un nombre de réponses collectées largement supérieur à l'année précédente. Pour le département de l'Aude, le taux de satisfaction se situe à 80 % pour un nombre de réponses presque doublé (67 retours en 2021 vs 115 retours en 2022). Concernant le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, un nouveau régime juridictionnel unifié de responsabilité des gestionnaires publics est entré en vigueur le 1er janvier 2023, qu'ils exercent des fonctions d'ordonnateur ou de comptable. Cette réforme, qui met fin à la traditionnelle responsabilité personnelle et pécuniaire (« RPP ») des comptables publics, a pour objectif principal de fluidifier l'action publique, en réservant l'intervention du juge aux fautes les plus graves. En pratique, elle doit conduire les administrations publiques à réexaminer leurs circuits financiers pour mieux identifier les zones de risque et à diffuser plus largement la culture et les outils de contrôle interne, tout en allégeant les procédures. La réforme de la responsabilité des gestionnaires publiques reste fidèle à un certain nombre de principes, au premier rang desquels la séparation entre l'ordonnateur et le comptable. Le cadre réglementaire du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique est lui totalement maintenu : les comptables devront toujours veiller à la régularité des opérations de dépense et de recette et restent les gardiens de l'ordre public financier. Parce que la direction générale des finances publiques est bien consciente qu'en fonction de la taille de la collectivité, l'acculturation aux règles de la comptabilité n'est pas aisée, elle a conçu un livret pour les aider à identifier les risques au sein d'une collectivité et ainsi y porter toute l'attention nécessaire.

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