M. Timothée Houssin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'usage du néonicotinoïde acétamipride en France. Son usage, contrairement à d'autres néonicotinoïdes, n'a, en effet, pas été interdit par l'Union européenne, qui en a prolongé l'utilisation jusqu'en 2033. De façon particulièrement étonnante, la France l'a pour sa part interdit, devenant le seul pays d'Europe à interdire tous les néonicotinoïdes. La conséquence en est très grave. En allant encore plus loin qu'une législation européenne déjà très contraignante, la France a laissé sa filière betteravière et sucrière sans protection face aux nombreux risques que courent ces récoltes. Un article du journal Le Point va jusqu'à caractériser la France comme « une bonne élève qui a poussé sa filière sucrière au bord du gouffre ». Les néonicotinoïdes ont en effet un véritable rôle de protection des récoltes contre les maladies qui peuvent les dévaster. Ainsi, en 2020, les récoltes de betteraves ont été ravagées jusqu'à 70 % par une épidémie de jaunisse apportée par les pucerons, alors même que l'emploi de néonicotinoïdes aurait pu éviter ce drame. En conséquence, la filière sucrière française s'est effondrée de moitié. Des agriculteurs aux producteurs de sucre et jusqu'aux consommateurs, les conséquences de l'interdiction de tous les néonicotinoïdes ne peut qu'avoir des conséquences graves sur la filière sucrière, composante centrale de la production agroalimentaire française alors même que la France est le premier producteur européen de sucre. Ces baisses de rendement obligent la France à importer du sucre depuis des pays qui, eux, utilisent des pesticides bien plus dangereux pour l'environnement, ce qui démontre toute l'absurdité de cette mesure, y compris du point de vue environnemental d'autant plus que, dans le cas de la production de betteraves, ces dernières sont arrachées avant la floraison. Les abeilles ne les butinent donc pas et ne sont donc pas exposées aux néonicotinoïdes qui pourraient être utilisés. Pour résumer, l'interdiction de tous les néonicotinoïdes est à la fois dangereuse pour toute la filière sucrière française et inefficace du point de vue écologique. Les pays voisins l'ont d'ailleurs bien compris. Ils pourront utiliser jusqu'en 2023 l'acétamipride, un néonicotinoïde qui n'a pas été interdit par l'Europe. La France seule s'interdisant cet usage, de manière absurde. La France va donc dépenser des sommes folles pour indemniser les agriculteurs pour des baisses de récolte qui auraient pu être évitées très simplement. Aussi, il lui demande s'il va rétablir l'autorisation de l'acétamipride, a minima jusqu'à ce que des solutions alternatives de protection des plants puissent être trouvées.
Le Gouvernement a agi dès 2020 face aux risques de fragilisation de la filière sucrière lié à la la jaunisse de la betterave, d'une part en réouvrant de façon temporaire et limitée l'utilisation de certains néonicotinoïdes, d'autre part en mettant en place un plan national de recherche et innovation (PNRI) sans précédent de plus de 20 millions d'euros (M€), dont 7 M€ venant de l'État, le reste étant financé par le secteur privé (filière, porteurs de projets…) et l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). Ce plan a permis de coordonner un important effort de recherche de la filière afin d'apporter des solutions alternatives techniquement et économiquement viables pour sortir des néonicotinoïdes dans les meilleurs délais. Il commence d'ores et déjà à porter ses fruits : de premières alternatives sont expérimentées sur le terrain dès cette année. Dans une décision du 19 janvier 2023, la cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a exclu l'utilisation des néonicotinoïdes pour les semences et invalidé le droit de déroger à l'interdiction européenne dans le cadre de l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009. Par conséquent, aucune nouvelle dérogation autorisant l'utilisation des néonicotinoïdes pour les semences de la campagne 2023 n'a été accordée. Afin d'éviter que la filière ne se trouve dans l'impasse, le Gouvernement a annoncé le 9 février 2023 le déploiement d'un plan d'action avec la filière afin d'assurer une production suffisante de betteraves et l'approvisionnement de l'ensemble de la filière sucre française en 2023. Ce plan d'action visait en particulier à déployer rapidement des mesures de protection des cultures. À cette fin, de nouveaux itinéraires techniques ont été élaborés en liaison avec les professionnels et selon les recommandations du PNRI. Ils ont été mis à disposition des producteurs via l'institut technique de la betterave et ont pu être utilisés en cas de jaunisse depuis le printemps 2023. En parallèle, toutes les solutions immédiatement disponibles issues du PNRI, concernant notamment l'utilisation des plantes compagnes, ont été mises en œuvre par la profession. À des fins préventives, des mesures ambitieuses de gestion des réservoirs viraux ont été mises en place et des modèles de prévision des vols de pucerons issus des travaux du PNRI ont été déployés. Enfin, un dispositif d'aide aux planteurs en cas de pertes de rendements liées à un épisode de jaunisse en 2023 a été construit en concertation avec la filière par le délégué interministériel à la filière sucre et les services du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Ce dispositif de soutien s'appuie sur les références individuelles de production de la période 2017-2019, à comparer la production individuelle de 2023 à cette référence avec de légères décotes, entre 10 % et 15 %, afin de différencier le traitement des assurés et des non-assurés, pour indemniser la perte sur la base d'un montant de 41 euros par tonne, permettant de couvrir le coût de production. Il permettra de payer les pertes dues à la jaunisse, localisées en quelques points du territoire betteravier, au début de l'été 2024 au plus tard. Par ailleurs, les travaux relatifs au PNRI seront consolidés pour une durée de trois années, jusqu'en 2026, et bénéficieront de 4 M€ supplémentaires de la part du ministère chargé de l'agriculture, sans préjudice des contributions des autres acteurs, qu'ils soient publics ou privés, Ce renforcement du PNRI s'inscrira, à terme, dans les travaux de la nouvelle stratégie Écophyto 2030. Malgré le renforcement et l'accélération des recherches, la situation climatique et sanitaire du début de campagne 2024, avec des vols de pucerons précoces, faisait courir le risque de pertes de rendements importantes pour la filière cette année. La ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a donc octroyé une dérogation, à la demande de la filière, pour permettre 3 passages de spirotétramate (commercialisé sous le nom Movento) au lieu de 2 actuellement, ce nombre pouvant être porté à 5 au total en cas de nécessité. Ce produit s'ajoute au flonicamide (commercialisé sous le nom de Teppeki), pour lequel un passage est d'ores et déjà autorisé. Le Gouvernement met ainsi en œuvre le principe pas d'interdiction sans solution avec pragmatisme, en accompagnant la recherche de solution à moyen terme par des dérogations de court terme nécessaires à la pérennité des filières. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a lancé dès le printemps 2023, le plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait de substances actives au niveau européen et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (PARSADA), qui est entré dans sa phase opérationnelle le 18 décembre 2023 lors de la tenue de la 3ème réunion du comité interfilières pour la protection des cultures. Ce dispositif a pour objectif de développer, face aux risques d'impasses techniques, l'éventail des solutions disponibles pour les agriculteurs en s'attachant à identifier les facteurs clés de leur déploiement. D'autre part, c'est également cet esprit qui a présidé au lancement à partir de mars 2024 d'un cycle de réunions « solutions et alternatives aux produits phytosanitaires interdits » présidées par la ministre déléguée visant à répondre aux difficultés rencontrées par les agriculteurs pour la protection de leurs cultures. Ce cycle de réunions a mandaté la commission des usages orphelins (CUO) et son comité technique opérationnel (CTOP) pour objectiver les situations de distorsions dans les différentes filières et identifier les mesures permettant de répondre à ces difficultés. Ces travaux permettront également d'articuler les calendriers de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et de l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour éviter les situations de distorsion de concurrence.
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