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André Chassaigne
Question N° 5226 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 7 février 2023

M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les actions menées visant à prévenir les suicides dans le milieu agricole. Le monde agricole est frappé par une sursuicidité. Motivée par plusieurs facteurs, cette vulnérabilité face au risque suicidaire est une réalité reconnue. Elle touche aussi bien les ouvriers agricoles que les chefs d'exploitation, avec une prédominance sur les plus âgés. Les raisons sont multiples et liées à la dureté des métiers, à une rémunération peu attractive et aléatoire, au manque flagrant de reconnaissance allant jusqu'à l’agribashing. Elles sont d'autant plus prégnantes que la fréquence des aléas climatiques augmente et que le coût énergétique et des matières premières explose. Ainsi, les trésoreries se retrouvent exsangues. Ce sont autant de facteurs anxiogènes qui peuvent conduire au passage à l'acte. Certes des mesures ont été mises en œuvre, notamment via « Agri'écoute ». Toutefois, il est regrettable de constater une trop faible incidence de ce service. Le rapport de M. le député Olivier Damaisin « Identification et accompagnement des agriculteurs en difficulté et prévention du suicide » ainsi que le rapport des sénateurs Henri Cabanel et Françoise Férat « Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse » ont été sources de recommandations et propositions. Cependant, force est de constater peu d'effets notoires sur les territoires. Aussi, le Gouvernement se doit d'impulser des mesures fortes visant à prévenir les actes suicidaires. Au regard de ces arguments, il lui demande quelles mesures concrètes ont été mises en œuvre sur les territoires et quelles prochaines mesures sont prévues afin de mieux prévenir les suicides dans le milieu agricole.

Réponse émise le 13 juin 2023

Les questions du mal-être et du suicide sont restées trop longtemps cachées voire ignorées dans le milieu agricole où les acteurs, souvent par culture et par tradition, préfèrent trop souvent taire leurs difficultés professionnelles ou personnelles. Le rapport remis au Premier ministre en décembre 2020 par M. Olivier Damaisin sur l'« identification et accompagnement des agriculteurs en difficulté et prévention du suicide » a permis une véritable prise de conscience de ce phénomène préoccupant, dépassant très largement l'audience des seules professions agricoles. Ce rapport a été suivi par celui des sénateurs M. Henri Cabanel et Mme Françoise Férat sur les « Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse », lequel a également été source de recommandations et propositions. Dans la suite de ces rapports, les ministères chargés de l'agriculture, de la santé, du travail et des solidarités ont défini les priorités d'une politique publique de lutte et de prévention du suicide en agriculture, déclinées dans une feuille de route « Prévention du mal-être en agriculture », présentée le 23 novembre 2021. La mise en œuvre de cette feuille de route a été engagée dès le 3 février 2022, avec la nomination pour une année d'un coordinateur national, M. Daniel Lenoir, inspecteur général des affaires sociales, et la publication d'une circulaire des ministres chargés de l'agriculture, de la santé, de la solidarité et du travail, installant une nouvelle gouvernance tant au niveau national que départemental. Pendant plus d'un an, le déploiement de la feuille de route interministérielle a permis de mettre en place une coordination nationale de l'ensemble des acteurs concernés (les services chargés de l'agriculture, du travail, de la santé, de la solidarité, les agences de santé, les services publics professionnels, notamment les chambres d'agriculture et les caisses de la mutualité sociale agricole, les associations…) et de structurer une gouvernance au plus près des acteurs de terrain, placée sous l'autorité directe de chacun des préfets de département. Parallèlement, sept chantiers nationaux d'ampleur ont été engagés. De nombreux textes législatifs et réglementaires ont pu avancer : sur les retraites, sur le répit, sur l'étalement des cotisations sociales, sur l'aide à la relance des exploitations agricoles (AREA). À la demande des ministres chargés de l'agriculture et des solidarités, une réflexion est lancée afin de mieux intégrer la conciliation vie familiale et vie professionnelle, et conduire à des propositions concrètes. Avec le déploiement du réseau des sentinelles qui visent à prévenir le passage à l'acte, l'agriculture fait figure de modèle dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention du suicide, portée par le ministre de la santé et de la prévention. L'intégration des risques psychosociaux en agriculture dans les projets régionaux de santé au travail atteste aussi de l'engagement du ministre du travail dans cette cause nationale que constitue la prévention du risque suicidaire en agriculture, pour les salariés, tout autant que pour les non-salariés. Au-delà, la mise en œuvre de la feuille de route a été élargie, à la demande de la Première ministre, à d'autres ministères et en particulier ceux chargés de l'intérieur, des outre-mer, de la justice, de la transition écologique, ou de la ruralité. Enfin, il convient de souligner l'inscription de la feuille de route dans la dynamique du pacte et de la loi d'orientation et d'avenir de l'agriculture avec pour objectif de prévenir aussi les nouveaux risques psychosociaux liés aux mutations considérables que connait et connaîtra dans les décennies à venir l'agriculture française. À l'issue de cette première année de mise en œuvre de cette feuille de route, les ministres ont souhaité pérenniser les actions entamées. C'est pourquoi une nouvelle mission a été confiée en mars 2023 à M. Olivier Damaisin par des ministres chargés de l'agriculture, de la santé, du travail et des solidarités. Le nouveau coordinateur national interministériel de la feuille de route « prévention du mal être et accompagnement des populations agricoles en difficulté » a ainsi pour objectifs de continuer et amplifier les chantiers en cours, de s'assurer de l'effectivité du déploiement des réseaux de sentinelles –lequel constitue un enjeu majeur– et d'apporter sur la durée un appui concret aux préfets chargés de l'animation de la gouvernance territoriale, au plus près des acteurs locaux.

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