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Christophe Blanchet
Question N° 5190 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 31 janvier 2023

M. Christophe Blanchet appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur la fiscalité applicable aux produits du tabac et son Plan tabac présenté le 6 décembre 2022. La hausse de la fiscalité applicable aux produits du tabac, et sur le tabac à rouler en particulier, pourrait pousser les fumeurs les plus précaires vers le marché parallèle. En effet, l'efficacité d'une hausse des prix des produits du tabac comme outil en matière de santé publique interroge. Si la France est un des pays à avoir connu une des progressions les plus élevées des prix du tabac, c'est aussi celui où la prévalence tabagique a le moins diminué. Une étude réalisée par Santé publique France, parue le 13 décembre 2022, montre que la consommation de tabac a recommencé à augmenter en 2021, hausse particulièrement notable chez les plus modestes. De plus, le marché parallèle, fournissant tabac de contrebande ou contrefait, est en plein essor sur le territoire métropolitain. Les points de vente à la sauvette, déjà si nombreux, sont appelés à se multiplier tandis que la contrefaçon de cigarettes continue de se renforcer. Ainsi, début janvier 2023, une fabrique clandestine de cigarettes d'une dimension jusqu'ici inégalée a été démantelée près de Rouen. S'il faut se féliciter de l'action des forces de l'ordre, l'ampleur du phénomène est inquiétante et toute politique de santé publique sur le tabagisme ne peut donc se passer d'une lutte vigoureuse contre le marché parallèle, comme l'annonce le Plan tabac. Il lui demande le calendrier selon lequel se concrétiseront les annonces du Plan tabac et ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour œuvrer plus particulièrement contre la vente à la sauvette à proximité des sites prévus pour les jeux Olympiques 2024, notamment par la voie législative ou réglementaire.

Réponse émise le 21 mars 2023

S'il est vrai que le nombre de fumeurs en France, mesuré par un indicateur qui est celui de la prévalance tabagique, a tendance à stagner en France depuis l'épidémie de COVID-19, il est à ce stade difficile de corréler cette stagnation avec une fin de l'effet de l'évolution de la fiscalité frappant les produits du tabac sur la consommation de tabac. En effet, dans un document publié le 19 janvier 2023 (Synthèse des résultats des études de l'impact de l'épidémie de COVID-19 sur la santé mentale, les addictions et les troubles du sommeil parmi les actifs occupés), l'agence santé publique France confirme que le contexte issu de l'épidémie de COVID-19 et des mesures mises en oeuvre pour stopper cette épidémie a eu pour effet que "30 % des personnes interrogées déclaraient avoir augmenté leur consommation de tabac". Cette donnée indiquerait donc, en cela, que la recrudescence de la consommation du tabac chez certains individus, d'une part, et donc le ralentissement du rythme de baisse de la prévalance tabagique d'autre part, ont pour origine des facteurs essentiellement conjoncturels, dont on ne sait pas encore s'ils produisent des effets de long-terme en termes addictologiques. En outre, l'organisation mondiale de la santé, dans son rapport 2021 sur l'épidémie mondiale de tabagisme, relève de façon persistante que "l'augmentation des prix au travers de la taxation est le moyen le plus efficace de réduire la consommation de tabac" (p. 22). Il n'existe d'ailleurs pas de consensus scientifique, portant sur des études indépendantes de l'industrie du tabac, pour estimer une quelconque corrélation statistique d'ampleur et durable entre l'évolution des prix du tabac sur un marché national et une croissance substantielle et durable du commerce illicite. Par ailleurs, outre l'action des groupes criminels organisés qui participent à des trafics lucratifs de produits du tabac sur le territoire national, l'une des difficultés obérant la portée de la politique nationale de lutte contre le tabagisme est la politique menée par plusieurs pays voisins de la France, où les mêmes produits du tabac que ceux vendus en France peuvent être acquis, légalement, à des prix largement inférieurs à ceux qui sont pratiqués dans le réseau légal des buralistes français. On note ainsi un lien statistique de plus en plus évident entre le niveau de prévalance tabagique dans plusieurs régions frontalières de ces pays, la sous-livraison de produits du tabac dans le réseau légal des débitants de tabac qui y sont établis (notamment par le biais des données de traçabilité des produits du tabac, au sens de la directive 2014/40/UE) et la disponibilité à des prix inférieurs de produits du tabac classiques, de l'autre côté de la frontière (notamment au Luxembourg, en Andorre, en Espagne ou en Belgique). Là où des produits du tabac, provenant des industriels du secteur, sont offerts à proximité dans un réseau de distribution légal étranger à des prix largement inférieurs aux tatrifs nationaux, les populations locales sont plus exposées au risque tabagique. C'est pour cette raison que le Gouvernement a fait de l'harmonisation par le haut, à l'échelle de l'Union européenne, des niveaux de fiscalité frappant les produits du tabac, une position constante et une priorité de sa politique fiscale au niveau européen. Cette politique se double de contrôles stricts en matière de mouvements transnationaux de produits soumis à accises, l'article 575 I du code général des impôts limitant strictement les quanittés de tabac pouvant être acheminées en France en provenance d'un autre État membre de l'Union européenne. S'agissant des mesures spécifiques du nouveau plan d'action national contre les trafics illicites de produits du tabac, les premières mesures sont mises en oeuvre dès le premier semestre 2023, avec par exemple le lancement, par la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), des groupes locaux anti-trafics de tabacs (GLATT) dans les premières agglomérations concernées. Enfin, des actions conjointes entre la douane et les services du ministère de l'intérieur, de la préfecture de police de Paris et de certaines municipalités sont d'ores et déjà mises en oeuvre pour lutter contre le phénomène de vente à la sauvette en Ile-de-France. Elles le sont dans une perspective plus large que celle des jeux Olympiques 2024, dont la réussite est une priorité pour l'ensemble des autorités publiques concernées, nationales comme locales.

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