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Alma Dufour
Question N° 5020 au Ministère de l’économie


Question soumise le 31 janvier 2023

Mme Alma Dufour attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie sur la situation du groupe Renault. Alors que le groupe Renault entame un processus de démantèlement en cinq filiales, les salariés français du groupe sont particulièrement inquiets. Il faut rappeler que les effectifs de Renault en France ont drastiquement diminué ces 10 dernières années. Sur le site de Cléon, ils sont passés de 5 000 en 2006 à 3025 en 2022, et continueront de baisser en 2023. L'ingénierie est-elle aussi en voie de délocalisation ? Au centre de recherche de Lardy - qui travaille pourtant sur le développement du moteur électrique - 1 000 postes ont été supprimés depuis 2018, passant de 2 400 à 1 400. Le site prévoit encore 200 à 300 suppressions d'ici 2026. Dans ce contexte, comment ne pas craindre que la découpe en filiales autonomes du groupe Renault ne conduise à la délocalisation à terme de celles qui seraient les moins rentables. Des précédents existent : General Electric, Alstom, Siemens, Thomson. Le groupe Renault est pourtant très largement soutenu par l'État : 440 millions d'euros rien que sur 2020 et 2021, entre le crédits d'impôts recherche, le financement du chômage partiel, l'aide à l'apprentissage et l'alternance et l'aide emploi formation environnement. Par ailleurs, la mise en place à marche forcée des zones à faibles émissions (ZFE) dans les métropoles subventionne l'industrie du véhicule neuf. 4,47 milliards d'euros ont été dépensés par l'État en prime à la conversion et bonus écologiques entre 2018 et 2021 - environ 1,13 milliard pour le groupe Renault. Or, aujourd'hui, l'absence de maîtrise sur les prix des véhicules neufs ainsi que la faiblesse relative des aides à la conversion ne rendent accessibles aux premiers déciles que les Dacia Spring, véhicules Renault fabriqués en Chine. Le poids relatif de la prime à la conversion et du bonus diminuant à mesure que les prix des véhicules sont élevés, le rôle que jouent les aides actuelles dans le maintien des emplois en France dans la construction de véhicules moyen et haut de gamme est à relativiser. Que dire enfin, de ces aides lorsqu'elles sont utilisées pour subventionner l'achat de véhicules qui ont été produits intégralement hors de France et dont les groupes fabricants ne paient aucun impôt sur les sociétés dans le pays ? Outre l'incohérence écologique du rachat forcé de véhicules neufs - quel que soit leur poids et lieu de fabrication - couplée à la poursuite de projets autoroutiers, une politique de subvention massive devrait s'accompagner d'un projet industriel et social. Les États-Unis ne s'y sont pas trompés puisqu'ils limitent les aides à la conversion aux voitures dont une partie des composants est fabriquée aux Etats-Unis. Le niveau de soutien public français à un groupe industriel comme Renault devrait engager des contreparties en matière de préservation des emplois sur le territoire national. Elle lui demande comment il compte garantir le maintien intégral des effectifs actuellement présents sur les sites Renault en France dans les prochaines années.

Réponse émise le 21 mars 2023

La nouvelle organisation du groupe Renault s'appuie notamment sur la création de deux nouvelles entités : Ampère, qui développera, fabriquera et vendra des voitures particulières entièrement électriques avec une technologie logicielle de pointe sous la marque Renault, et Horse, équipementier de technologies de motorisations thermiques et hybrides. Cette réorganisation, qui n'est en rien un démantèlement, vise à donner à Renault les marges de manœuvre et la rapidité d'action dont il a besoin aujourd'hui pour investir dans les véhicules électriques et le numérique, tout en renforçant ses positions sur les véhicules thermiques et hybrides. L'entité Ampère, dont Renault entend garder le contrôle, permet de localiser en France la production des véhicules électriques mais aussi de créer un écosystème qui ancre la valeur ajoutée en France (batteries, moteurs, électronique de puissance, logiciel…). À cet égard, le pôle ElectriCity (Douai-Maubeuge-Ruitz) assemblera des véhicules électriques, produira des batteries grâce à la gigafactory Envision et des bacs batteries à Ruitz. Renault investit également dans le fabricant français de batteries Verkor dont la première gigafactory sera située à Dunkerque. Le site de Cléon sera également intégré au sein d'Ampère et l'ensemble des activités actuelles manufacturing de Cléon se poursuivront normalement tant qu'il restera possible de fabriquer des moteurs diesel en Europe. Dans cette logique de développer un écosystème complet, Renault développe aussi des activités liées à l'énergie (réparation, réutilisation, démantèlement et recyclage des batteries par exemple) à Flins ainsi que des véhicules utilitaires électriques à hydrogène. S'agissant du site du Lardy, dédié essentiellement au moteur thermique, Renault a engagé un processus de dialogue social pour le convertir vers les nouvelles motorisations électriques et les technologies liées aux batteries. En outre, la création de Horse n'organise aucun transfert d'activités sur les moteurs thermiques hors de France. Par exemple, les moteurs diesel de Cléon resteront produits dans cette usine. De même, les équipes d'ingénierie poursuivent leurs activités actuelles liées aux véhicules thermiques. Les sous-traitants français ne se verront donc pas retirer de projets actuellement développés en France ou en Europe. Il n'en reste pas moins que la filière automobile française est actuellement en pleine mutation technologique, et l'État accompagne l'ensemble des acteurs de ce secteur (les constructeurs y compris Renault, les équipementiers et les sous-traitants) pour organiser cette transition qui bénéficie d'un soutien important dans le cadre du plan France 2030. Cet accompagnement s'est manifesté par (i) le soutien à la demande pour l'achat de véhicules propres qui bénéficie aujourd'hui largement à la Megane E-Tech du groupe Renault, fabriquée en France et équipée d'un moteur produit à Cléon (ii) le soutien à la R&D et à l'innovation dans les nouvelles technologies du Comité d'Orientation pour la Recherche Automobile et Mobilité (CORAM) (250 M€/an jusqu'en 2026), (iii) et le lancement le 6 février dernier d'un nouvel appel à projets, qui sera reconduit jusqu'en 2026, conçu notamment pour renforcer la compétitivité des constructeurs implantés en France, dont fait partie le groupe Renault. Ce nouvel outil doté d'un budget de 900M € aura un rôle décisif et majeur pour renforcer la compétitivité des sites d'assemblages de véhicules, et par conséquent incitera Renault à maintenir et à implanter la construction de nouveaux véhicules en France. En outre, ce nouvel appel à projets se distingue par une transversalité permettant d'assurer la compétitivité non pas uniquement des activités d'assemblage, mais de toutes les activités gravitant autour du véhicule électrique de demain avec la possibilité de soutenir au sens large la production de ses principaux composants et équipements. Avec cet appel à projets, l'État entend donc soutenir la compétitivité des constructeurs historiques en France et ce dans toutes leurs activités, afin que la France continue à être une grande nation de l'automobile, et que ce secteur reste pourvoyeur d'emplois. L'ensemble des services de l'État, et notamment la direction générale des entreprises, sont aujourd'hui pleinement mobilisés pour que les constructeurs français localisent sur le territoire national un maximum de projet de construction de nouveaux véhicules (notamment les véhicules électriques). Ces efforts portent leurs fruits puisque Renault s'est déjà engagé dans ce sens avec l'annonce de la fabrication de nombreux modèles électriques en France (remplaçante de la Nissan Micra, R5 électrique, Scénic électrique, Master électrique, nouveau VUL modulaire électrique). Le Gouvernement est ainsi pleinement engagé avec l'ensemble des acteurs automobiles afin de construire des solutions industrielles pérennes et compétitives qui garantissent notre souveraineté au cours des décennies à venir.

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