M. Francis Dubois appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'incompréhension que soulève, auprès des agriculteurs corréziens, la décision du CNGRA (Conseil national de gestion des risques en agriculture) du 9 décembre 2022 concernant le département de la Corrèze et relative à la sécheresse 2022. En effet, sur la base d'une cartographie complètement incohérente et qui ne reflète pas la réalité du déficit fourrager sur le terrain, le CNGRA a rendu un avis défavorable à la reconnaissance de calamités agricoles pour la très grande majorité du département. Ainsi, seules quelques toutes petites zones ont été reconnues en calamités agricoles alors même que la Corrèze, dans son ensemble, a subi la plus grave sécheresse de ces dernières décennies. Les pertes de productions fourragères sont très importantes, de façon aussi importante, voire plus, sur certains secteurs que des départements limitrophes « reconnus » de façon très large (Cantal). Les évènements climatiques n'ont pas suivi les limites des départements et la Corrèze a ainsi été également largement impactée par cette sécheresse. L'hiver météorologique particulièrement sec, avec environ 30 % de pluviométrie en moins, a été suivi d'un printemps avec des gelées tardives puis anormalement chaud (avec un mois de mai sec) et d'un été caniculaire, avec plus de 45 jours sans pluie. Le manque d'eau hivernal et printanier a fortement pénalisé la réalisation des stocks précoces de fourrage et le niveau des stocks fourragers à la rentrée des animaux en bâtiments était très inférieur aux niveaux habituels. Une partie de ces stocks hivernaux ayant été consommée cet été pour palier à la sécheresse. L'hiver en cours est ainsi très difficile à gérer pour les agriculteurs avec un déficit fourrager important et la décapitalisation du cheptel sera une catastrophe économique pour tous les opérateurs et ce d'autant plus dans un contexte économique déjà tendu du fait des fortes augmentations des charges liées aux coûts de l'énergie et des matières premières. L'équilibre et la survie de nombreuses exploitations corréziennes sont en jeu. La non-reconnaissance au titre de calamités agricoles liées à la sécheresse 2022 dans de nombreuses zones amplifie les difficultés des agriculteurs, qui ne comprennent pas le traitement fait à la Corrèze par rapport aux départements voisins qui bénéficient d'aides financières couvrant largement leur territoire. Ceci est difficilement entendable sur le plan de l'équité. C'est pourquoi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il lui demande de revoir les critères d'éligibilité et sollicite ainsi le réexamen du dossier afin que le zonage couvre toute la surface du département et que la reconnaissance au titre des calamités agricoles « sécheresse 2022 » soit établie pour la totalité des exploitations corréziennes impactées. Il lui demande ses intentions à ce sujet.
Depuis le début de l'été 2022, le Gouvernement s'est pleinement mobilisé dans un contexte de baisse des rendements et face à des situations individuelles difficiles et hétérogènes. À ce titre, le comité de suivi de la situation de sécheresse dans le monde agricole a été réuni à plusieurs reprises et le Gouvernement a, dès le 5 août 2022, réuni la cellule interministérielle de crise afin de suivre de près la situation sur l'ensemble du territoire national. Dans ce contexte, plusieurs mesures destinées à soutenir les agriculteurs ont été mises en œuvre. Les avances de la politique agricole commune (PAC) payées au 16 octobre 2022 ont été portées à 70 % pour les aides découplées et 85 % pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, (ICHN) afin de faire face aux problèmes de trésorerie des exploitations, et notamment des élevages, ce qui représente 1,6 milliard d'euros d'avance de trésorerie. Par ailleurs, les dispositifs de droit commun, à savoir les exonérations de taxe sur le foncier non bâti (TFNB) et de cotisations sociales, ont été activées. Enfin, le régime des calamités agricoles a été mobilisé pour les cultures éligibles avec un assouplissement des conditions d'accès, au travers de l'abaissement du seuil d'éligibilité de 13 % à 11 % de pertes de produit brut et d'une accélération exceptionnelle de la procédure au profit des éleveurs les plus affectés par les effets de la sécheresse afin d'éviter une décapitalisation non contrôlée. C'est ainsi que les zones recouvrant tout ou partie des douze départements les plus touchés ont pu faire l'objet d'une reconnaissance partielle du comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) du 28 octobre 2022, de manière à initier des versements d'acomptes dès le mois de novembre 2022 pour les agriculteurs concernés, au fur et à mesure de l'instruction des dossiers par les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM). Cette accélération importante du calendrier a permis un premier apport de trésorerie crucial au bénéfice des éleveurs les plus affectés. Par la suite, le CNGRA du 9 décembre 2022 a permis d'arrêter les zones et les taux de pertes définitifs pour les 12 départements susmentionnés, afin d'initier le versement des soldes avant la fin de l'année 2022 et en a reconnu 5 autres. Ainsi, ont été concernés par un traitement définitif des dossiers les 17 départements suivants : l'Ardèche, l'Aveyron, le Cantal, la Corrèze, la Creuse, la Drôme, l'Isère, la Haute-Loire, la Haute-Vienne, la Loire, le Lot, la Lozère, le Rhône, le Puy-de-Dôme, les Pyrénées-Atlantiques, le Tarn et le Tarn-et-Garonne. Enfin, le CNGRA s'est enfin réuni le 18 janvier 2023 pour statuer sur les autres demandes de reconnaissance des départements touchés par la sécheresse déposées au 1er décembre 2022. C'est ainsi que les zones de 27 départements supplémentaires ont été reconnues, à savoir pour les départements du Jura, de l'Ain, de la Savoie, de la Haute-Savoie, des Hautes-Alpes, de Vaucluse, du Gard, de l'Hérault, de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées, du Gers, du Lot-et-Garonne, de la Dordogne, de la Charente, des Deux-Sèvres, de la Vienne, de Maine-et-Loire, de la Sarthe, du Loir-et-Cher, de l'Yonne, de la Meuse, des Vosges, du Bas-Rhin, de la Meurthe-et-Moselle et de la Moselle. Dans ce cadre, le CNGRA du 9 décembre 2022 a émis un avis favorable à la reconnaissance de 66 communes situées au Sud-Ouest du département de la Corrèze, le niveau de pertes sur les prairies, établi par le faisceau d'indices du niveau de la pousse des prairies cumulée sur l'ensemble de l'année de production, étant supérieur au seuil de reconnaissance de 30 % par rapport à un historique de la moyenne olympique sur 5 ans. Ce faisceau d'indices est constitué de l'estimation de la perte affectant les prairies réalisée lors des missions d'enquête conduites sous l'égide des DDTM, recoupée avec l'évaluation du niveau de pousse des prairies par des indices basés sur des modèles agrométéorologiques ou sur des mesures satellitaires. Le CNGRA a en revanche émis un avis défavorable à la reconnaissance du reste du département. En effet, les indices de pousse des prairies évaluent de façon concordante que le niveau des pertes en 2022 est inférieur à 5 % sur l'Est du département et à 23 % en son centre, ne permettant donc pas d'établir que la perte de récolte ayant affecté les prairies sur la zone considérée dépasserait le seuil de reconnaissance de 30 % par rapport à la référence réglementaire. L'accélération de la procédure a permis de gagner jusqu'à plus de 4 mois sur le calendrier habituel de versement des calamités sécheresse. Par ailleurs, face à l'intensité de l'épisode de sécheresse et des difficultés auxquelles font face les éleveurs, le Gouvernement a pris la décision exceptionnelle de relever le taux d'indemnisation de 28 % à 35 %. Au-delà de cette réponse d'urgence, à l'avenir, la réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture permettra d'améliorer l'accompagnement des exploitants face à ces événements climatiques toujours plus intenses et fréquents. Cette réforme est indispensable pour préserver la souveraineté alimentaire de la France et favoriser la résilience de son agriculture face à ces nouveaux défis. Ainsi, la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 instituant le nouveau dispositif de gestion des risques climatiques en agriculture, unique, partenarial et universel, est entrée en vigueur en 2023. Le nouveau dispositif repose sur la solidarité nationale et le partage équitable du risque entre l'État, les agriculteurs et les entreprises d'assurance. Enfin, l'investissement dans la formation à la prévention et à la gestion des risques climatiques est un enjeu crucial pour faire face aux conséquences du changement climatique. Il sera au cœur du pacte et de la loi d'orientation et d'avenir agricoles, dont la concertation vient de s'achever, et qui sera examiné à l'automne par le Parlement.
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