M. Frédéric Cabrolier appelle l'attention de Mme la ministre de la culture au sujet des plus de 5000 églises qui pourraient être abandonnées ou détruites d'ici 2030 d'après l'Observatoire du patrimoine religieux. En juillet 2022, à l'occasion de son rapport d'information relatif à l'état du patrimoine religieux, le Sénat pointait déjà les dysfonctionnements voire l'absence des instruments permettant d'évaluer correctement l'état du patrimoine religieux français. Soulignant que le dernier bilan national réalisé sous l'égide du ministère de la culture datait du milieu des années 80, les rapporteurs de la mission soulignaient que les auteurs du dernier bilan national plaidaient justement pour la nécessaire mise à jour régulière d'un inventaire permettant de couvrir l'ensemble du territoire national afin d'évaluer au mieux les dégradations subies par ce patrimoine. La compétence de l'inventaire est décentralisée aux régions depuis la loi n° 2004-809 relative aux libertés et responsabilités locales. Cependant, si on reprend le II de l'article 95 de cette loi, l'État conserve la possibilité de conduire une enquête thématique nationale. Cette possibilité n'a toujours pas été utilisée alors même que le patrimoine religieux est mis en péril et plus particulièrement dans les zones rurales où ce patrimoine est vieillissant. Si les régions font déjà ce travail, elles ne sont pas tenues de réaliser leurs inventaires selon les mêmes critères. Or une photographie nationale complète, qui respecterait les mêmes règles, est nécessaire pour mener à bien un projet de protection. Les églises sont des marqueurs visuels, géographiques, historiques et affectifs auxquels les français sont profondément attachés. Il lui demande en conséquence si elle compte lancer une opération d'inventaire, aussi bien quantitatif que qualitatif (état, utilisation), au plan national, afin d'empêcher la destruction d'édifices et éviter que ce patrimoine ne sombre dans l'oubli.
Depuis bientôt soixante années, l'Inventaire général du patrimoine culturel poursuit sa mission (recenser, étudier et faire connaître les éléments du patrimoine qui présentent un intérêt culturel, historique ou scientifique) sur l'ensemble du territoire, suivant une méthodologie éprouvée et étayée par de nombreux supports scientifiques et des principes normés. Le patrimoine religieux a toujours occupé une place importante dans ses travaux. À ce jour, dans les bases de données patrimoniales du ministère de la culture, le patrimoine religieux représente environ 23 000 dossiers « architecture » et 160 000 dossiers « objets », ces chiffres étant à ajouter à ceux des bases de données régionales, en constante évolution. En application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la compétence de l'inventaire général du patrimoine culturel a été décentralisée aux régions et le patrimoine religieux fait partie intégrante de la programmation des services décentralisés, que ce soit dans le cadre d'opérations topographiques, qui prennent en compte l'ensemble des champs patrimoniaux d'un territoire, ou dans celui d'opérations thématiques. S'agissant de la conservation et de l'entretien de ce patrimoine très riche, le ministère de la culture partage le constat selon lequel les communes, notamment les plus petites d'entre elles, sont propriétaires et donc responsables d'un très grand nombre d'édifices religieux, sans toujours disposer des ressources suffisantes pour en assurer la conservation. Le patrimoine religieux protégé au titre des monuments historiques fait l'objet d'une attention soutenue : plus de la moitié des crédits des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) destinés aux monuments historiques est consacrée au patrimoine religieux (132,4 M€ sur les 234,5 M€ de crédits alloués à la conservation des monuments historiques en 2022 par les DRAC). Par ailleurs, le ministère de la culture a mis en place, en 2018, un fonds incitatif, ciblé et partenarial (le « fonds incitatif pour le patrimoine » ou FIP), permettant de financer une intervention accrue, d'une part, de l'État, au travers de taux de subventions majorés, et, d'autre part, des régions, dès lors qu'elles participent à hauteur de 15 % aux travaux de restauration sur des monuments historiques appartenant à des petites communes. Ce fonds cible en priorité les communes de moins de 2 000 habitants. Dans le cadre de ce dispositif, l'État peut accompagner des projets jusqu'à 80 % (contre un taux de référence de 40 à 50 %), voire 90 % en outre-mer, pour les immeubles classés, et jusqu'à la limite légale de 40 % (contre un taux habituel de 20 %) pour les immeubles inscrits. Depuis sa création, ce fonds a permis de financer 695 opérations sur l'ensemble du territoire national, pour un montant engagé de 65 M€ entre 2019 et 2022. Ces opérations concernent, dans leur très grande majorité, des édifices religieux appartenant à des communes. En raison de son succès, ce dispositif est reconduit et accompagné dans sa montée en puissance pour 2023 par une dotation de 18 M€. Pour ce qui concerne les édifices non protégés au titre des monuments historiques, et notamment les édifices du culte appartenant aux communes, ceux-ci sont éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux ou à la dotation de soutien à l'investissement local, dans les conditions prévues respectivement aux articles L. 2334 32 à L. 2334-39 et L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales. Ces subventions ne relèvent pas de la compétence du ministère de la culture. Le financement des travaux sur le patrimoine rural non protégé ne relève en effet plus du ministère de la culture. Les crédits correspondants ont été transférés aux départements en application du IV de l'article 99 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Outre les départements, qui disposent des crédits transférés en 2004, des financements peuvent être obtenus, sous certaines conditions, auprès de la Fondation du patrimoine, la Fondation pour la sauvegarde de l'art français ou via une candidature auprès de la mission Patrimoine en péril, qui gère les produits du loto du patrimoine. Initié par la volonté du Président de la République depuis 2018, ce dispositif a d'ores et déjà permis d'aider 762 sites pour leurs travaux de restauration, dont 29 % sont des édifices religieux. Quant à un inventaire complet, il constitue une œuvre énorme et de longue haleine, et n'est heureusement pas une condition de la réalisation des travaux indispensables que le ministère de la culture conduit, ou auxquels il concourt, sur le patrimoine religieux partout en France.
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