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Andrée Taurinya
Question N° 4901 au Ministère de l’enseignement supérieur


Question soumise le 24 janvier 2023

Mme Andrée Taurinya alerte Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la diffusion d'un cours anti-laïc et ouvertement islamophobe à l'Institut national du professorat et de l'éducation de Paris. Le 11 janvier 2023, le média d'investigation Blast a publié un article sur le contenu raciste d'un cours enseigné à l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation de Paris (INSPE) dans le master 1 « Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF). Le support écrit de la formation enseigne que « neutralité en matière religieuse ne signifie pas égalité de traitement entre les religions. [...] Une fois posés les objectifs politiques et les idéaux de vie en société, il apparaît que certaines religions entravent plus ou moins l'action politique ou menacent plus que d'autres le corps social », précise le texte qui devient de plus en plus explicite : « si certaines religions sont plus dangereuses que d'autres, il n'y a aucune raison que l'État s'en tienne à une sorte d'égalité de traitement ». Cette sous-partie d'un cours sur l'enseignement de la laïcité ne fait aucun doute sur la religion ciblée : « Si l'objectif est la préservation d'un art de vivre traditionnel et le maintien d'une certaine conception des rapports homme-femme, l'Islam, qui est une religion non traditionnelle en terre française, devra être combattu (sic) plus que le catholicisme ». Mme la députée constate que de tels propos dépassent largement le cadre du principe d'indépendance des enseignants-chercheurs disposant d'une libre expression dans l'exercice de leurs fonctions et activités de recherche. Ceux-ci peuvent très bien tomber sous le coup de la loi pénale, précisément de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. En effet, un tel discours diffusé dans un établissement public d'enseignement supérieur provoque à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée, ici, la religion musulmane. L'incitation à la discrimination des personnes de confession musulmane constitue une circonstance aggravante dans la mesure où elle est enseignée par des personnes chargées d'une mission de service public, punie le cas échéant de cinq ans d'emprisonnement de 75 000 euros d'amende en vertu de l'article 432-7 du code pénal. Mme la députée s'alarme de constater qu'un tel discours se diffuse tranquillement dans un établissement public d'enseignement supérieur auprès de jeunes gens qui auront la responsabilité d'enseigner la liberté, l'égalité et la fraternité républicaine à leurs élèves. Cette dérive témoigne d'une mutation des conceptions de la laïcité qui est désormais « pensée comme moyen de préservation d'une identité culturelle et politique menacée par une religion étrangère » pour reprendre les mots du professeur Vincent Valentin. Or « on ne trouve rien dans le droit de la laïcité qui permette de la mobiliser à l'encontre des pratiques religieuses dont le danger n'est pas avéré, immédiat, qui dérangeraient pour des raisons morales ou symboliques et dont le lien avec le terrorisme serait supposé mais pas démontré [...] La laïcité ne saurait être définie comme une arme antireligieuse, alors qu'elle n'est selon le droit, qu'une arme antithéocratique » ( V. Valentin, remarques sur les mutations de la laïcité, Mythes et dérives de la « séparation », Revue des droits et libertés fondamentales 2016, chron. n° 14). Dans un contexte de multiplication des attaques racistes alimentées quotidiennement par des discours de haine, Mme la députée demande aux ministres de tutelle de l'INSPE d'agir sans délai pour que cessent ces comportements pénalement répréhensibles. Elle estime nécessaire l'ouverture d'une enquête administrative pour comprendre comment la production et la diffusion d'un tel discours incitant à la discrimination religieuse ont pu être tolérées jusqu'ici dans un tel établissement. Elle appelle également à ce que les ministères de tutelle procèdent à un signalement auprès du procureur de la République en transmettant le cas échéant tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui sont relatifs à ce délit en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale. Une copie de cette question sera également adressée au ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de co-tutelle des INSPE. Elle souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse émise le 18 avril 2023

La laïcité est un fondement au cœur du fonctionnement de l'enseignement supérieur en France. L'article L. 141.6 du code de l'éducation dispose en effet que « le service public de l'enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l'objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l'enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique. » Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche inscrit son action dans les orientations fixées par l'Observatoire de la laïcité créé en 2013, et désormais par le comité interministériel de la laïcité (CIL) créé le 15 juillet 2021 qui le remplace. Il s'agit de permettre le respect et la protection de l'équilibre de notre modèle de laïcité qui concilie l'exercice des libertés individuelles avec l'exigence de cohésion républicaine. Dans le cadre de la mise en application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, une circulaire sera prochainement publiée pour que chaque établissement public de l'enseignement supérieur et de la recherche dispose d'un référent laïcité. Cette circulaire est complétée par une charte de la laïcité et des valeurs républicaines dans l'enseignement supérieur et la recherche. Un référent laïcité pour le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a été nommé en février 2022. Inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche, il exerce en la matière un rôle de veille, d'appui, de conseil des établissements de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le ministère contribue donc pleinement au respect du principe de laïcité dans l'enseignement supérieur et de la recherche. Concernant la lutte contre les discriminations, le racisme et l'antisémitisme, le ministère met en œuvre une politique depuis plusieurs années. Ces actions s'inscrivent dans les plans interministériels de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). Depuis 2015, un réseau de référents racisme antisémitisme a été créé. Afin d'accompagner et d'outiller les établissements, le ministère, avec la défenseure des droits, la DILCRAH et des partenaires associatifs, a réalisé des documents de référence parmi lesquels : une fiche réflexe « racisme antisémitisme : comment agir dans l'enseignement supérieur » (2019) et le « Kit de prévention des discriminations dans l'enseignement supérieur » (2021) qui présente et détaille les politiques de prévention mises en place dans les universités. La formation des référents, des services juridiques et des membres des sections disciplinaires des établissements est une priorité. A cette fin, le ministère a renouvelé à l'automne 2022 une convention avec la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme pour des formations. Le 30 janvier 2023, la Première ministre a présenté le plan interministériel 2023-2026 de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées aux origines. Ce plan poursuit et renforce la participation de l'enseignement supérieur et la recherche à l'étude des phénomènes discriminatoires. A cette fin a été créé en 2022 à l'université Gustave Eiffel, avec France Universités, l'Observatoire national sur les discriminations dans l'enseignement supérieur (ONDES) avec le soutien du ministère. Cet observatoire permet de mesurer les discriminations auxquelles peuvent être confrontés les usagers et personnels et aident les établissements à améliorer leur dispositif de prévention des discriminations. C'est dans ce cadre que se poursuit et se renforce la recherche scientifique sur le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine. Les travaux de ONDES complètent les enquêtes de l'Observatoire de la vie étudiante dont le questionnaire annuel intègre des questions sur le racisme et l'antisémitisme. Ces recherches précisent la connaissance de ces phénomènes et permettront de renforcer l'accompagnement des établissements. S'agissant de l'évocation d'un contenu litigieux dans un document pédagogique dans un Institut national supérieur du professorat et de l'éducation (INSPE), il est à noter que l'article L. 721-2 du code l'éducation dispose que les INSPE « organisent des formations de sensibilisation à l'enseignement pluridisciplinaire des faits religieux, à la prévention de la radicalisation, à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les discriminations » et « forment les futurs enseignants et personnels de l'éducation au principe de laïcité et aux modalités de son application dans les écoles, collèges et lycées publics, ainsi que pendant toute activité liée à l'enseignement ». Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, continue de veiller scrupuleusement à ce que les contenus pédagogiques utilisés au sein des INSPE correspondent aux objectifs, valeurs et principes fixés ou rappelés par le code de l'éducation. Une mission de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a ainsi été diligentée sur la situation de l'INSPE de Paris qui a fait l'objet d'un signalement.

3 commentaires :

Le 27/07/2023 à 14:08, Aristide a dit :

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"Or « on ne trouve rien dans le droit de la laïcité qui permette de la mobiliser à l'encontre des pratiques religieuses dont le danger n'est pas avéré, immédiat, qui dérangeraient pour des raisons morales ou symboliques et dont le lien avec le terrorisme serait supposé mais pas démontré [.."

Les pratiques religieuses appelant à la discrimination, et donc à une forme de racisme, comme dans les cantines scolaires, ou présentant un danger pour l'intégrité corporelle de l'enfant, telle la circoncision, doivent bien évidemment être combattues par la laïcité.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 27/07/2023 à 14:13, Aristide a dit :

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"Le 30 janvier 2023, la Première ministre a présenté le plan interministériel 2023-2026 de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées aux origines. "

Mais pas des discriminations liées à la religion, ben tiens, c'est tellement plus pratique de nier ce qui gêne.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 27/07/2023 à 14:25, Aristide a dit :

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"et dont le lien avec le terrorisme serait supposé mais pas démontré"

Faut pas prendre les Français pour des cons non plus : c'est ultra grave d'avoir des liens supposés avec le terrorisme, et suffirait d'ailleurs à disqualifier moralement la religion concernée.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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