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Damien Maudet
Question N° 4874 au Ministère de la santé


Question soumise le 24 janvier 2023

M. Damien Maudet appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la nécessaire mise en place de ratios entre soignants et patients. « Quand j'arrive en poste, je me demande si la journée va être gérable ou non. Qui peut travailler dans ces conditions, en se demandant s'il va bien pouvoir faire son boulot ? S'il va pouvoir soigner ou gérer. » L'hôpital public est en crise. Parfois, on se demande même s'il n'est pas en voie d'effondrement. Parfois, on se demande s'il n'est pas en train de s'effondrer. Les soignants partent, les patients restent des heures voir des jours sur des brancards. Et parfois, décèdent sur ces brancards. C'est ce qu'affirme notamment le Samu Urgence de France qui estime à 150 le nombre de décès aux urgences faute de prise en charge. Cette situation n'est pas un phénomène naturel. L'hôpital fait souffrir ceux qui y travaillent, alors ils démissionnent. Près de dix pour cent des emplois infirmiers sont non pourvus. Trente pour cent des infirmières envisagent de partir dans les douze prochains mois. Il faut inverser la tendance. L'hôpital est pris dans un cercle vicieux : les soignants partent, alors pour ceux qui restent la charge de travail augmente, donc ils finissent par partir et pour ceux qui restent, la charge de travail continue de grandir. Et ainsi de suite. On a besoin d'un cercle vertueux. D'une part, agir sur les salaires pour faire revenir. Mais aussi, agir sur les taux d'encadrement, les conditions de travail, pour faire rester. Selon l'enquête de l'AGEM sur l'intérim infirmier, la stabilité des plannings et une charge de travail moins lourde sont les deux facteurs qui feraient revenir les infirmières. Pour cela, plusieurs organisations, syndicats et même parlementaires proposent la mise en place de ratios qui permettront une prise en charge des patients conforme aux exigences de qualité et de sécurité des soins. Garantir des ratios permettrait une diminution du nombre d'erreurs. L'augmentation de 10 % du nombre de patients par infirmières augmente le risque d'évènement indésirables de 28 %. Garantir des ratios, c'est diminuer le taux de ré-hospitalisation. L'ajout d'un enfant par infirmière augmente le risque de ré-hospitalisation à 30 jours, de 11 % en médecine et de 48 % en chirurgie. Garantir des ratios c'est sauver des vies en cas d'arrêt cardiaque. Les personnes victimes d'arrêt cardiaque à l'hôpital ont une probabilité d'être réanimés qui diminue de 5 % par patient supplémentaire pris en charge par leur infirmière. Une expérience australienne sur 400 000 patients a démontré que dans les cas où le nombre de patients par soignants était de 1 pour 4, plutôt que 1 pour 7, le risque de décès jusqu'à 30 jours après la sortie et de réadmission dans les sept jours a chuté de 7 %. La durée du séjour a diminué de 3 %. Les chercheurs estiment qu'en deux ans, cette politique a permis d'éviter 145 décès, 255 réadmissions et un total de 29 222 jours d'hospitalisation. Enfin et sans doute que cela parle davantage à M. le ministre, y compris sur l'aspect financier, on y gagne ! Sur deux années, le coût pour baisser les taux d'encadrement a été de 33 millions de dollars. Mais la réduction du nombre de réadmissions a permis l'économie de 69 millions ! M. le ministre ne doit pas passer à côté de l'essentiel. Les soignants ont besoin de signaux clairs qui permettent de se projeter. Que M. le ministre les leur donne. Qu'il leur donne les moyens de soigner. En ce sens, il lui demande s'il va permettre la mise en place de ratios à l'hôpital.

Réponse émise le 28 février 2023

Certaines activités de soins font aujourd'hui l'objet de ratios réglementés. L'obstétrique et la périnatalité, par la spécificité de la population concernée, font l'objet de ratios de personnels depuis 1998 et pour les activités hautement spécialisées telles que le traitement des grands brûlés et de l'insuffisance rénale chronique et les soins critiques, de tels ratios existent respectivement depuis 2002 et 2007. En revanche, aucun effectif cible national n'est fixé sur l'activité de chirurgie. Un certain nombre de sénatrices et sénateurs portent en ce moment même une proposition de loi visant à établir systématiquement des ratios de soignants pour l'ensemble des activités de soins, par spécialité et discipline. C'est dans ce cadre que la ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, à l'occasion de la discussion générale du 1er février 2023, a rappelé la position du Gouvernement, qui vise à promouvoir des méthodes collectives afin que chaque service puisse adapter ses effectifs aux besoins de prise en charge, identifiés sur la base de la charge en soins et des compétences à mobiliser. La mise en place de ratios systématiques risquerait de nuire à cet objectif en rigidifiant le système. L'agilité des managers, qui déploient des solutions appropriées à la spécificité de leur service, est de nature à personnaliser les effectifs soignants au quotidien. L'action du Gouvernement vise à redonner du sens au travail des soignants, en diminuant les tâches administratives et en travaillant à de meilleures organisations co-construites avec les soignants. Le plan d'action ambitieux, lancé par le ministre de la santé et de la prévention et annoncé lors de ses vœux aux forces vives vise à agir en profondeur sur le système de santé pour le transformer. Une ambition forte autour du métier infirmier a été affirmée à cette occasion, pour que la formation et le métier de ces professionnels leur permettent un cadre d'exercice enthousiasmant, professionnalisant et sécurisant. La mise en place de ratios en l'état ne résoudra pas les difficultés que traverse notre système de santé, et risque par ailleurs d'avoir de fortes conséquences sur l'offre de soins. L'action du Gouvernement est bien d'œuvrer à une meilleure évaluation des charges de travail de nos soignants, à redonner du temps aux professionnels de santé, pour que les ressources humaines soient en adéquation avec les besoins des patients, au service de la santé de la population.

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