Mme Agnès Carel appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le permis de conduire des seniors. En France, 64 % des 65 et plus possèdent une voiture. Régulièrement, le débat est lancé sur une limite ou non d'âge pour conduire. Cette question d'aptitude à la conduite divise les Français et pourtant elle est régulièrement posée, notamment lorsqu'un tragique accident implique une personne âgée. Certains pays européens ont rendu obligatoire une visite médicale dans certains cas à risque, les personnes d'un certain âge et la prise de médicaments. En France, seule les personnes atteintes de certaines maladies sont soumises à un contrôle médical périodique à l'issue duquel le renouvellement de leur permis de conduire peut être limité ou refusé. Aussi, elle lui demande si des réflexions sont menées sur ce sujet et si certaines mesures sont à l'étude.
Le principe général du Gouvernement, porté par la Délégation interministérielle à la Sécurité Routière (DSR), est bien d'assurer la sécurité de tous les usagers de la voie publique. Aucune personne sur la voie publique, qu'elle conduise ou non, ne peut être sciemment exposée au danger de la conduite d'autrui dès que ce risque est connu et évitable. L'inaptitude médicale à la conduite est un risque connu dans son principe, qui doit être reconnu à chaque fois qu'il est présent et conduire aux décisions nécessaires. Cependant, la visite médicale obligatoire pour tous les conducteurs des véhicules légers, ou systématiquement à partir d'un certain âge, n'est ni le seul, ni nécessairement le meilleur moyen, pour mettre en œuvre cet arrêt de la conduite dès qu'il s'avère nécessaire pour protéger autrui. L'European Transport Safety Council (ETSC), association à but non lucratif indépendante dont l'objet est la réduction du nombre de victimes de la route en Europe, a publié un rapport en mars 2021 qui compare les procédures d'évaluation de l'aptitude médicale à la conduite, pour le permis B, dans 32 pays dont les 27 pays de l'Union Européenne. Ce rapport constate que la visite médicale obligatoire basée sur l'âge des conducteurs n'a pas montré d'efficacité dans la prévention des accidents. L'âge n'est en effet pas un facteur discriminant pour l'aptitude médicale à la conduite. A l'inverse, certaines affections médicales, comme le risque de syncope ou la présence de troubles cognitifs, le sont. La consommation de certains médicaments ou la fatigue sont également des facteurs de risque pour la conduite. L'arrêté du 28 mars 2022 modifiant la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles avec ou sans aménagements ou restrictions pour l'obtention du permis de conduire ou pouvant donner lieu à sa délivrance pour une durée limitée, fixe le cadre permettant de concilier l'impératif de sécurité routière avec le principe de liberté de déplacement de l'usager. L'instauration d'une visite médicale obligatoire périodique, pour tous les conducteurs, ne présente pas de valeur ajoutée observée pour la sécurité routière et peut même s'avérer contre-productive en donnant au conducteur, lorsqu'elle est favorable, un sentiment de sécurité excessif. Le Gouvernement privilégie donc d'autres voies pour prendre en compte les risques liés à certaines affections médicales. Il s'agit en premier lieu de rappeler à chaque conducteur qu'il doit, à chaque fois qu'il souhaite prendre le volant, apprécier sa capacité à conduire au regard de son état de fatigue et de vigilance, de sa capacité de mobilité et de sa prise de médicaments ou de substances psychoactives ainsi que de vérifier qu'il a bien pris ses lunettes si besoin. Une plaquette a été élaborée pour tous les conducteurs qui s'intitule : « Santé et conduite, posez-vous les bonnes questions et parlez-en ». Elle est largement distribuée. Un deuxième axe de travail, essentiel, porte sur le dialogue avec les médecins généralistes. En effet, aujourd'hui, tout médecin a une obligation d'information de son patient sur les risques liés à sa pathologie. L'inaptitude médicale à la conduite fait partie de ces risques. Cette obligation d'information sur les risques est rappelée par un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 1997, qui énonce que « le médecin est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son patient et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation » (Chambre civile 1, 25 février 1997 n° 94-19.685). Cette obligation ne modifie pas le secret médical absolu que le médecin doit à son patient, indispensable pour conserver le lien de confiance. En France, le médecin ne peut pas signaler l'inaptitude à la conduite de son patient à l'administration. Seul le médecin agréé pour la sécurité routière peut rendre l'avis d'aptitude médicale au préfet, et jamais pour ses propres patients. Une convention a été signée le 1er février 2021 par la DSR avec le Collège de médecine générale (CMG), afin de sensibiliser les médecins généralistes sur leur place, importante, pour la sécurité routière. Tous les médecins généralistes de France recevront à cet effet un dossier complet sur « conduite et santé ». Une mission administrative est en cours pour optimiser le fonctionnement des commissions médicales administratives. Enfin, la question d'une évaluation plus ciblée de l'aptitude médicale à la conduite est intégrée dans le projet de nouvelle directive européenne sur le permis de conduire, en cours de discussion.
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