M. Raphaël Gérard appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur la situation de l'ensemble patrimonial de l'abbaye de la Tenaille à Saint-Sigismond-de-Clermont, en Charente-Maritime. S'agissant de la partie classée, le ministère à la culture a fait exécuter d'office, à la demande de M. le député et de Mme la maire de la commune, les travaux devenus indispensables pour assurer la conservation de l'édifice suite à l'inaction du propriétaire défaillant, en application de l'article L. 621-13 du code du patrimoine. S'agissant de la partie inscrite qui se trouve actuellement en état de péril, l'hypothèse d'un classement d'office des façades et toitures du château et des écuries datant du dix-huitième siècle a été envisagée conformément aux dispositions prévues à l'article L. 621-6 du code du même code. Malgré l'avis favorable rendu par la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture sur le dossier, le Conseil d'État s'est néanmoins opposé au classement, considérant que la partie inscrite de l'ensemble ne présentait pas un intérêt patrimonial suffisant. M. le député s'interroge sur les prérogatives du Conseil d'État en la matière. Si le droit positif prévoit que le classement d'office est prononcé par décret en Conseil d'État, il n'est pas usuel que la juridiction administrative s'asseye sur l'avis motivé et scientifique de la CNPA. De fait, le refus du Conseil d'État condamne en l'état du droit actuel l'édifice à disparaître, compte tenu du refus réitéré du propriétaire privé de procéder aux travaux nécessaires à la conservation de la partie inscrite. Dans ce contexte, il l'interroge sur l'opportunité d'élargir aux monuments inscrits la possibilité pour l'autorité administrative d'exécuter d'office les travaux urgents d'entretien et de réparation lorsque leur conservation est gravement compromise en raison du comportement, intentionnellement ou non, défaillant du propriétaire.
L'article L. 621-6 du code du patrimoine prévoit notamment que « À défaut du consentement du propriétaire, le classement d'office (d'un immeuble au titre des monuments historiques) est prononcé par décret en Conseil d'État, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, qui détermine les conditions de classement et notamment les servitudes et obligations qui en découlent ». En pratique, la mise en œuvre de cette procédure est rare. En ce qui concerne l'ancienne abbaye de la Tenaille à Saint-Sigismond-de-Clermont (Charente-Maritime), seule la chapelle romane est classée au titre des monuments historiques (arrêté du 29 novembre 1958) et a fait l'objet de travaux d'office à la suite d'un avis rendu par la commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA), lors de la séance de sa 3e section (« projets architecturaux et travaux sur immeubles ») du 24 mai 2018. Lors de cette même séance, la CNPA avait émis le vœu que le classement au titre des monuments historiques soit étendu à l'ensemble des bâtiments composant l'ancienne abbaye inscrits par ailleurs (arrêté du 26 juillet 2019). Saisie de cette demande à la suite de ce vœu et de celui de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture allant dans le même sens, la 2e section de la CNPA (« protection des immeubles au titre des monuments historiques ») a émis un avis favorable à cette extension de classement, d'office si nécessaire, le 5 mars 2020. Devant l'absence d'accord du propriétaire, un projet de décret de classement d'office a été soumis à l'avis de la section de l'intérieur du Conseil d'État en novembre 2021, qui a émis un avis défavorable considérant que les bâtiments inscrits ne présentaient pas un intérêt suffisant pour justifier un classement au titre des monuments historiques. La procédure de travaux d'office (article L. 621-13 du code du patrimoine) étant exorbitante du droit commun et constituant une atteinte forte au droit de propriété, elle est réservée aux seuls édifices classés au titre des monuments historiques. Des travaux d'office ne peuvent donc être engagés sur les immeubles de l'ancienne abbaye inscrits au titre des monuments historiques, conformément aux articles L. 621-25 et suivants du code du patrimoine. L'existence des deux régimes distincts de protection - le classement et l'inscription au titre des monuments historiques - se justifie par la différence d'intérêt patrimonial des immeubles concernés. Les outils dont disposent les services de l'État pour garantir leur conservation n'ont donc pas la même portée juridique. Une extension de la procédure de travaux d'office aux immeubles inscrits serait contraire à cette distinction et entraînerait une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
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